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«L’aide médicale à mourir fait consensus dans notre société et doit être à l’ordre du jour de la campagne électorale.»
Le Collège des médecins du Québec (CMQ) demande aux partis fédéraux de se prononcer sur l'aide médicale à mourir (AMM), plus précisément de s'engager à modifier le Code criminel afin que les médecins du Québec puissent donner ce soin en toute légalité pour les cas de demandes anticipées.
L'aide médicale à mourir a été légalisée en 2016 par le gouvernement libéral pour les personnes dont la mort était raisonnablement prévisible. En 2021, la loi a été modifiée afin que les Canadiens souffrant d'une maladie grave et incurable puissent demander l'AMM, sans que leur mort soit nécessairement prévisible.
Le Québec voulait aller encore plus loin. Il a adopté une loi provinciale autorisant les demandes anticipées en octobre 2024. Cela permet aux personnes atteintes de maladies dégénératives graves comme l’alzheimer de demander l’aide médicale à mourir avant que leur état de santé ne s'aggrave trop pour pouvoir faire la demande de manière libre et éclairée.
Cependant, le gouvernement du Québec n'a pas attendu qu'Ottawa modifie son Code criminel pour aller de l'avant avec la mise en place de son projet de loi sur les demandes anticipées. Cela fait en sorte que techniquement, les médecins qui prodiguent l'AMM dans ce contexte commettent une infraction, mais concrètement, ils ne sont pas poursuivis. Cela pourrait toutefois être chamboulé si un prochain gouvernement conteste la loi et qu'elle est invalidée par un tribunal.
Au niveau provincial, le ministre de la Justice et Procureur général du Québec, Simon Jolin-Barrette, avait demandé au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de s’assurer que «les conditions prévues à la Loi concernant les soins de fin de vie soient respectées lors de sa décision de porter ou non des accusations criminelles».
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Le DPCP a par la suite donné une directive à l’intention des procureurs du Québec de ne pas déposer de poursuites criminelles en lien avec un décès survenu dans le contexte de l'aide médicale à mourir ou de laisser une poursuite privée suivre son cours si la preuve démontre que cela a été prodigué dans le respect de volontés exprimées de façon libre et éclairée.
Pour le Collège des médecins, il n'en reste pas moins que le Code criminel ne permet pas qu’on puisse prodiguer l’aide médicale à mourir à une personne qui souffre de démence et qui aurait fait une demande anticipée.
«L’aide médicale à mourir (AMM) fait consensus dans notre société et doit être à l’ordre du jour de la campagne électorale. C’est pourquoi le Collège des médecins du Québec demande que tous les chefs s’engagent à modifier le Code criminel afin que s’applique enfin, en toute légalité, la loi québécoise permettant les demandes anticipées d’AMM», a fait valoir dans une lettre ouverte publiée la semaine dernière le docteur Mauril Gaudreault, président du CMQ.
Il veut aussi que les enjeux relatifs aux cas de santé mentale fassent partie du débat politique. «Au même titre que les personnes handicapées physiquement, celles qui sont aux prises avec des troubles mentaux souffrent, d’une même douleur. La situation actuelle les discrimine», dénonce Dr Gaudreault.
Les néo-démocrates affirment vouloir élargir le débat sur l'AMM. «Le NPD s'engage également à s'assurer que d'autres questions plus complexes soulevées dans la décision de la Cour du Québec soient abordées dans la prochaine révision de la législation. Il s'agit notamment de l'accès à ce type de soins pour les personnes souffrant de maladie mentale, de l'accès pour les mineurs compétents et du renforcement des garanties protégeant la population canadienne contre les pressions ou la coercition lorsqu'il s'agit d'aide médicale à mourir», mentionne le parti dans une déclaration écrite.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) se dit ouvert à modifier le Code criminel, mais il ajoute qu'«on doit prendre le temps de faire les choses correctement».
Santé Canada mène actuellement des consultations sur la modification de la loi afin de permettre aux gens de faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Ses principales conclusions devraient être publiées au printemps.
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Modifier le Code criminel pour que les demandes anticipées soient légales au Québec est une priorité pour le Bloc québécois. Il s'engage à déposer un projet de loi permettant les demandes anticipées dans le Code criminel pour les provinces et territoires qui ont légiféré en cette matière. Le printemps dernier, le Bloc avait déposé un projet de loi en ce sens.
En ce qui concerne l'AMM pour les troubles de santé mentale, sans se prononcer fermement, le Bloc souligne qu'un comité fédéral avait conclu que les services de santé n'étaient pas prêts et qu'il n'y a pas consensus auprès des experts au Québec.
Les libéraux ont quant à eux fait valoir qu'ils étaient déterminés à protéger les personnes les plus vulnérables et à travailler en «étroite collaboration» avec les provinces et les territoires sur la question de l'aide médicale à mourir. «Notre approche privilégiera toujours la compassion, la dignité et le soutien nécessaire aux personnes qui en ont besoin», mentionne par écrit un porte-parole du Parti libéral du Canada (PLC).
Les conservateurs n'ont pas répondu aux questions de La Presse Canadienne acheminées par courriel. Un peu plus tôt dans la campagne, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, avait dit qu'un gouvernement conservateur maintiendrait le régime d'aide médicale à mourir du pays. Cependant, il ne compte pas l'élargir aux demandes anticipées comme l'a fait le Québec.
-Avec des informations de Sarah Ritchie.