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Les vacances, ça coûte cher. Avec l’inflation, ça ne s’est pas amélioré.
Lors de la rentrée scolaire, certains professeurs prennent soin de ne pas trop aborder le sujet des vacances estivales des élèves lors des causeries. La raison est simple: alors que certains élèves ont vécu un été de plage, de musées et de crème glacée, d’autres eux, ont plutôt connu un été de ruelles, de parcs et de jeux vidéo.
Ce ne sont pas tous les parents qui prennent des vacances: on estime que 68% des Québécois comptaient le faire cette année (selon un sondage de CAA Québec, fait au printemps dernier). Et ceux qui en prennent n’ont pas toujours les moyens de partir, de voyager, de faire des escapades, des sorties, des activités.
Les vacances, ça coûte cher. Avec l’inflation, ça ne s’est pas amélioré.
Or, voilà bien un écart qui grandit, me soufflent à l’oreille certains enseignants d’un peu partout au Québec.
Amélie, enseignante de 2e année dans une école du Centre-du-Québec : «Je constate que j’ai de plus en plus d’élèves qui viennent de familles défavorisées ou à revenus faibles et à l’inverse, d’élèves de familles aisées, dans les classes économiques supérieures. C’est tout l’un ou tout l’autre.»
Marc, enseignant depuis une vingtaine d’années au primaire à Montréal: «Les enfants ne se rendent pas toujours compte, ils ne veulent pas mal faire, mais parfois, ils parlent à répétition et abondamment de leur voyage en France, de leur croisière, de leur séjour dans un tout-inclus, etc. Ça crée des conflits et je dois calmer le jeu, faire plus de sensibilisation.»
Eve-Annie, prof de 6e année à Québec: «J’ai dû intervenir l’an passé auprès d’un groupe d’élèves qui rejetait et intimidait un de leur camarade. En creusant, j’ai compris qu’ils se moquaient de lui, car il avait été dans un camp tout l’été… Ils l’avaient tassé.»
On s’entend: il n’y a rien de mal à passer un été à se faire garder, à jouer chez les copains, dans la cour, à regarder la télé et à aller à la piscine du quartier. Mais je pense qu’il faut prendre conscience, comme parents, comme société, que l’injustice estivale existe.
Elle divise les enfants: ceux de milieux privilégiés et ceux de milieux défavorisés. Et elle devient soudainement évidente à la rentrée scolaire, sous les yeux de tous.
Ce n’est pas sans conséquence. Isolement, intimidation, moqueries, railleries… On le sait, les enfants peuvent être méchants entre eux, sans scrupules et sans filtre.
Et ils ne parlent pas toujours en connaissance de cause, me rappelle Marc. Ils n’ont pas toujours la maturité pour prendre le pas de recul. «Est-ce qu’on enseigne encore à nos enfants à être empathiques ? Quelle place donne-t-on à la gratitude et la reconnaissance ? On peut parler de modestie, d’humilité, de respect et d’inclusion aussi…» laisse-t-il tomber.
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J’ai envie d’ajouter: on pourrait aussi parler des parents!
Certains semble être dans un concours de «vacances de rêves» au moment d’échanger avec d’autres parents (je ne parle pas de leurs proches, à portes closes): c’est bien vu d’avoir eu un « été occupé » et d’avoir fait plein de choses.
C’est comme si la quantité remplaçait la qualité. À force de courir partout, je me demande si ces familles ont aussi de doux moments, s’ils réussissent à prendre le temps, à ralentir, à regarder leurs enfants dans le blanc des yeux, à profiter de cette «intimité» qui vient parfois avec le fait de lever le pied…
Si on met de côté les voyages et les sorties en famille, les injustices et les iniquités subsistent.
Il existe un système de camps à trois vitesses au Québec. Les camps de la ville sont ceux considérés comme «de base» par beaucoup de parents (je trouve personnellement qu’ils sont formidables et je connais des moniteurs et des animateurs dévoués et passionnés).
Les camps avec des spécialisations (théâtre, sciences, multisports, plein air, robotique, etc) sont souvent mieux perçus, considérés comme «plus prestigieux» pourrait-on dire. Ils sont souvent arrêtés dans le temps : les enfants s’y rendent une semaine ou deux, ils y sont inscrits à l’avance.
Et finalement, les camps de vacances, où les enfants partent pour plusieurs jours voire semaines, logés et nourris, sont plus coûteux. Ils offrent une expérience immersive. Ils créent des «souvenirs»…
Alors que les problèmes du système scolaire refont souvent surface dans les manchettes, ceux liés aux vacances estivales sont peu abordés, discutés, dénoncés.
Les enfants et les enseignants, eux, sont pourtant bien au courant des ravages et des dommages collatéraux.
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