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Ces gens sans scrupules qui ont perdu toute notion de savoir-vivre et font de la pollution sonore.
Ils sont partout. Dans le métro, dans le bus, dans l’avion. À la plage, à la piscine, au parc, au restaurant, au café, à l’épicerie. Je parle des envahisseurs sonores, ces gens sans scrupules qui ont perdu toute notion de savoir-vivre et font de la pollution sonore.
Je les rencontre même sur les pistes cyclables: ils font jouer leur musique bien fort pendant qu’ils roulent.
Je les entends aussi dans les toilettes publiques: dans la cabine voisine, la conversation est mise sur haut-parleur.
Je les croise aussi en randonnée à la montagne: ils parlent sur leur téléphone en mode mains libres.
En avion, une mère fait écouter un film à son enfant… sans écouteurs.
À la piscine publique, un groupe de jeunes impose leur musique à tous les baigneurs.
Un autre exemple? Dans une salle de spectacles, j’entends les notifications incessantes du téléphone de mon voisin. Et quand il se décide à saisir son appareil, c’est pour répondre, j’entends le clic-clic-clic exaspérant de chaque touche qu’il enfonce.
Pourquoi? Mon dieu pourquoi les gens se donnent le droit d’envahir l’espace public avec leurs sons, leur musique, leurs conversations, leurs vidéos et autres clips? À quel moment est-ce devenu acceptable?
Est-ce un code social acceptable? Accepté?
Il m’arrive de me demander si c’est moi, l’hypersensible grimpée aux rideaux. Il m’arrive de me dire que je n’ai qu’à mettre mes écouteurs et voilà, c’est réglé. Je n’ai d’ailleurs jamais autant utilisé la fonction «bloquer les sons environnants» de mes écouteurs – et je n’ai jamais autant utilisé mes écouteurs!
Est-ce la nouvelle normalité?
Au Canada, 94% des ménages possèdent un téléphone cellulaire (Statistiques Canada, 2021). Et de ce nombre, la grande majorité l’utilise pour des opérations courantes. La pandémie a accéléré la tendance aux appels vidéo (sans écouteurs) – et cette manie (épouvantable) de mettre l’appareil en mode mains libres.
Est-ce parce que nous sommes si occupés à faire autre chose en passant nos coups de fil? Incapables de nous arrêter, nous accumulons les tâches simultanées. C’est ainsi que j’ai croisé dans un magasin de grande surface une dame qui parlait avec une amie en direct, par appel vidéo, le son bien à fond, le téléphone coincé à l’avant du chariot…
C’est une scène banale.
Mais non, je n’ai pas envie d’entendre votre conversation privée. Ni cette vidéo de votre humoriste préféré qui vous fait rire aux larmes. Ni même l’extrait du dernier concert que vous avez vu.
C’est comme si j’étais invitée de force, sans consentement, dans votre espace. Faire preuve de civisme, il me semble que c’est de savoir garder une distance, une juste distance – et je ne parle pas que physique?
Avant l’ère technologique que nous connaissons, nous avions appris que la «bulle» d’une personne devait être respectée, particulièrement celle d’un étranger. Maintenant que nos relations sont devenues virtuelles (pas que – mais en partie), nous avons oublié cette règle.
C’est le philosophe britannique du 19e siècle qui a dit que «la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres». Cela veut dire que puisqu’on vit en société, en collectivité, il faut exercer sa liberté sans limiter celle des autres, sans que cela ne leur porte préjudice, sans empiéter sur leur espace.
Est-ce de l’inconscience? Une forte propension à ne penser qu’à son nombril? Les gens se foutent éperdument de l’inconfort des autres, de leur malaise. Ils sont centrés sur leur liberté, leurs droits, leur vérité.
Ils ne tiennent plus compte de l’endroit où ils se trouvent: espace privé, espace professionnel, espace public, tout est brouillé. Les frontières n’existent plus. De plus, le FOMO (Fear Of Missing Out – la peur de passer à côté de quelque chose) pousse les individus à répondre instantanément… peu importe le lieu, l’heure, le contexte, la situation.
Pourtant, certaines normes sociales tiennent toujours, malgré le temps et les modes : on donne priorité aux piétons, on s’excuse quand on bouscule quelqu’un, on dit s’il vous plaît et merci, on vouvoie les inconnus…
Pourquoi les règles entourant les écrans ont été bafouées, oubliées?
J’aimerais qu’on revienne à un individualisme attentif, fraternel et bienveillant, tel que décrit par l’écrivain, poète et journaliste Joseph Déjacque au 19e siècle. Il a dit ceci: «Tout ce qu’un individu est en droit d’exiger de ses semblables c’est que ses semblables ne nuisent pas à sa liberté, c’est-à-dire au développement de sa nature. Tout ce que ceux-ci sont en droit d’exiger de lui, c’est qu’il ne nuise pas à la leur».
Coupez le son. Fermez votre téléphone. Rangez-le. Ou éloignez-vous.
Est-ce si compliqué?
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