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Économie
Chronique |

L’épicier n’est pas le responsable du sort du monde

Comme l’épicier n’est qu’un intermédiaire, il refile les hausses de coûts au suivant. Du fournisseur au client, l’épicier ajoute sa valeur en rendant les produits disponibles et frais à deux pas de la maison et ce n’est pas un OBNL.

Nous vivons une période de choc tarifaire. Comme la nourriture constitue une denrée nécessaire et de consommation courante, l’augmentation de son coût est comme un os à gruger pour de quelconques populistes économiques qui s’agitent.

D’ailleurs, les médias entrent dans la danse rapidement. Loin de moi l’idée de vouloir critiquer l’univers médiatique, mais il n’en demeure pas moins que les grands titres poussent implicitement le lecteur à se révolter. 

«Loblaw : profit de 508 M$ et revenus de 13,7 G$ au 2T» —Les Affaires

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«Les profits de Loblaw bondissent de 31,3 % à 508 millions» — LaPresse

«Des profits d’un demi-milliard de dollars pour Loblaw au deuxième trimestre» - Radio-Canada

«Loblaw : profit de 508 millions $ et revenus de 13,7 milliards $ au 2e trimestre» —Noovo info

Remettre les données en perspective

On a souvent encensé le Petit cours d’autodéfense intellectuelle, le livre le plus connu de Normand Baillargeon et pour cause. Utiliser des chiffres hors contexte pour faire frémir le lecteur, c’est payant. Par contre, je suis de ceux qui aiment mettre les choses en perspective et de donner la chance au coureur. Prenons l’exemple du jour, les résultats de Loblaw.

Si je veux faire une remarque spectaculaire, je dis «oh, le bénéfice net a augmenté de 26 %». C’est factuel, mais quand le volume d’affaires est très élevé, une autre donnée est plus représentative de la réalité. Le ratio de bénéfice net sur les ventes ou la marge nette est de 3,9 %, par rapport à 3,3 % pour le trimestre équivalent de l’année dernière. Pour la période de 24 semaines, on passe d’environ 3,6 % à 3,7 % de marge net. Avouons que ça demeure tout aussi factuel, mais d’apparence moins spectaculaire. N’est-ce pas?

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Pour ceux qui ne comprennent pas pourquoi les calculs ne donnent parfois pas les mêmes résultats d’un média à l’autre, c’est parce qu’on ne fait pas les mêmes calculs. Certains choisissent les résultats «ajustés», d’autres le bénéfice disponible aux porteurs d’actions ordinaires de la société, etc. Les données retenues varient souvent en fonction du lecteur. Ici, je préfère utiliser le portrait respectant le résultat total et conforme aux normes internationalement reconnues.

Inflation et salaire minimum

On ne peut pas parler de greedflation sans regarder d’autres facteurs. Par exemple, l’inflation nous frappe. Les coûts augmentent et tout le monde transmet la facture. Si bien que dans le trimestre présenté, au Québec seulement, le salaire minimum est passé de 14,25 $ à 15,25 $. Une hausse de 1 $, mais surtout de plus de 7 %. Alors, que vous soyez un grand groupe du secteur de l’alimentation ou un petit joueur indépendant, vos employés vous coûtent plus cher.

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Comme l’épicier n’est qu’un intermédiaire, il refile les hausses de coûts au suivant. Du fournisseur au client, l’épicier ajoute sa valeur en rendant les produits disponibles et frais à deux pas de la maison et ce n’est pas un OBNL.

D’ailleurs, pour contrer la pénurie de main-d’œuvre et la hausse du salaire minimum, on a vu des joueurs comme Métro déployer des caisses automatisées que l’on se situe dans un grand supermarché de Montréal ou un petit village de Lanaudière. Action-réaction comme le disait Pierre Lalonde dans un jeu télévisé d’une autre époque.

Secteur d’exploitation

Un point important à souligner quand on regarde les résultats de Loblaw, c’est que ce sont des données consolidées. Le groupe ne vend pas que des produits de base comme des concombres ou de la laitue. On peut aussi acheter des casseroles, un BBQ, des vêtements ou des fleurs dans certains points de vente du groupe. Alors, la marge ne se limite pas à des produits de nourriture de base. Si on veut critiquer la marge d’un groupe qui vend des assiettes, il faut alors pointer la critique sur tout le secteur du détail. Pourquoi crier au scandale sur la marge de Loblaw, mais ne pas avoir la même critique pour d’autres entreprises dans les autres secteurs?

Produits taxables et non taxables

Si la facture d’épicerie nous fait mal, il faut recommencer à cuisiner et bouder les produits taxables. Si on critique une marge nette de 3,9 % d’une société cotée en bourse, cela veut dire qu’on doit se révolter contre les produits taxables à 14,975 % en les boudant non?

Distinguer la bannière du marchand ou du franchisé

Bien que le nom de la bannière crée une association dans notre esprit entre les résultats boursiers de la société et le commerce de coin de rue, leur réalité est bien différente. Le client veut faire des points avec sa carte de crédit et demande au commerçant d’en assumer la facture. Le client veut du homard une fois par année à 7,99 $ la livre sans se dire que c’est un prix qui ne fait pas de sens. Le client veut des produits disponibles en tout temps au coin de la rue et avoir un meilleur prix que sur Amazon.

Personnellement, je ne mettrais pas en jeu mon avenir financier pour:

  • Louer ou acheter un immense local commercial
  • Gérer des employés dont le taux de roulement accote celui des biscuits dans un garde-manger de famille de trois ados
  • Vivre le stress de voir 3 concurrents s’établir à une distance de quelques coins de rue ou moins
  • Etc.

Mais surtout, je ne voudrais pas être celui que l’on pointe directement pour des causes qui sont hors de mon contrôle.

Un supermarché n’est qu’un intermédiaire de distribution. Ce n’est pas Moisson Sud-Ouest. Si on veut de l’alimentation à faible coût pour tous, il faut se questionner sur le système, pas tirer sur la courroie de transmission. On doit surveiller l’industrie alimentaire et on doit le faire, mais il ne faut pas accuser un marchand de marchander. Si une bannière abuse, la bannière concurrente en profitera.

Qui se propose pour ouvrir une épicerie sans but lucratif tout en assumant les risques financiers ? Son de criquet…