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Ce n’est pas comme si la catastrophe qui se déroule dans nos CPE, nos services de garde et nos garderies, on ne l’avait pas vu venir longtemps des kilomètres à l’avance.
50%. Une éducatrice sur deux. C’est le ratio d’éducatrices qualifiées qui officieront dans nos services de garde jusqu’en 2027. Je précise au passage que ce ratio devait être rehaussé en 2024, mais qu’en raison de la pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement en place a pris la décision de repousser son objectif de 3 ans.
Déjà qu’on avait «abaissé» les critères pour exercer la profession en 2021, c’est une méchante claque au visage que se prennent les éducatrices en ce moment. La semaine dernière, les oppositions ont manifesté leur mécontentement par rapport à cette énième volte-face de la CAQ en matière d’éducation et de politiques liées à la petite enfance. Et je dois dire que je suis d’accord. C’est inacceptable.
On le répète ad nauseam: les métiers de soins, les métiers où des travailleurs ont la responsabilité d’autres êtres humains, ont souvent les pires conditions de travail et en plus de se voir offrir des salaires médiocres. Préposées aux bénéficiaires, éducatrice en garderie, infirmières, enseignantes, éducatrices en services de garde ou infirmières auxiliaires, tous ces métiers ont quelque chose en commun: ils sont majoritairement pratiqués par des femmes.
Qu’on évoque la pénurie de main-d’œuvre et les possibles de bris de service pour justifier ce recul en arrière me lève le cœur. Alors, la pénurie de main-d’œuvre dans nos services de garde est moins grave que celle dans la construction, où l’on va offrir des programmes en accélérés et de l’argent à ceux qui voudront étudier pour devenir charpentier ou plombier? Franchement!
Et que dire de la réaction de la ministre de la Famille, Suzanne Roy, qui ose dire que le gouvernement a déjà effectué un «rattrapage» dans plusieurs professions majoritairement féminines, en faisant référence aux enseignantes, aux infirmières et aux éducatrices? Je ne veux pas en rajouter une couche, mais il me semble que si ce rattrapage avait fonctionné, on n’aurait pas assisté à une grève des employés de la fonction publique, hier. Une autre grève, celle du Front commun, ne nous pendrait pas non plus au bout du nez. Je n’appelle pas ça se rattraper.
C’est à ce moment-ci de la chronique qu’on reparle des déclarations récentes (et malheureuses) du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville. En évoquant la présence d’enseignants-es non qualifiés dans nos écoles plutôt cet automne, il a précisé que l’objectif, c’était d’avoir un adulte dans chaque classe. Il a par la suite enchaîné en précisant que les classes de maternelles étaient moins exigeantes, sous-entendant qu’on avait qu’à envoyer ces adultes non qualifiés là.
Eh bien, j’ai envie de dire qu’on rejoue dans le même film, cette fois-ci avec les éducatrices en garderie. Assez ironique pour un gouvernement qui a fait, lors de sa première campagne, tout un «sparage» avec les maternelles 4 ans (malgré tous les avis contraires des gens du milieu de l’éducation).
Souvenons-nous du pitch de vente. L’un des arguments phares était de pouvoir détecter les problèmes des enfants beaucoup plus tôt, de façon à les aider le plus rapidement possible. Ça venait avec tout un programme de dépistage des troubles et enjeux dans les CPE et les garderies privés du Québec.
Et là, on nous dit quoi ? On remet le dentifrice dans le tube. On manque de monde dans nos services de garde alors qu’à cela ne tienne. Ce n’est pas grave si une éducatrice qualifiée a été formée pour dépister les retards de langage ou de développement. Ce n’est pas grave non plus si elle a suivi une formation afin de lui donner les outils nécessaires pour stimuler les enfants adéquatement. On peut se contenter d’un adulte dans un groupe d’enfants pis ça va être «ben correct». De toute façon, les parents doivent aller travailler. Vous aurez compris, ici, que j’ironise.
Ce qui est le plus aberrant, dans tout ce shitshow, c’est que comme dans d’autres domaines, ce n’est pas comme si on ne l’avait pas vu venir, la crise. Ce n’est pas comme si la catastrophe qui se déroule dans nos CPE, nos services de garde et nos garderies, on ne l’avait pas vu venir longtemps des kilomètres à l’avance. Mais comme d’habitude au ministère de la famille, on préfère être en réaction plutôt qu’en action.
On avait promis, pendant la pandémie, de revaloriser la profession d’éducatrice. Combien de fois ai-je entendu monsieur Legault ou Mathieu Lacombe, alors ministre de la Famille, tenir ce discours en point de presse? Et là, on repousse ça en 2027. La prochaine élection provinciale est en 2026, en passant. La CAQ ne sera alors peut-être même plus au pouvoir. Autrement dit, la CAQ s’en tamponne de ce dossier.
Les éducatrices en garderie ne sont pas des gardiennes.
Pourtant, c’est le message qu’on leur envoie aujourd’hui.