Nicolas Charrier est copropriétaire de la Cabane à sucre Mégantic, sur le 10e rang. Bien que son expropriation nécessite qu’il trouve une alternative pour son stationnement et que des questions demeurent en suspens quant à la qualité de son eau, il a choisi de ne pas contester l’expropriation à laquelle il fait face et d’accepter l’offre d’indemnisation présentée par Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC).
«Nous, on s’est comme un petit peu résignés. Je te dirais qu’on est un peu tannés d’entendre parler de tout ça […] On s’était promis qu’on ne se rendrait pas malades avec ça», explique M. Charrier.
Voyez le reportage dans la vidéo.
SPAC lui avait proposé une offre en décembre qui était finalement tombée à l’eau, avant de lui refaire une offre la semaine dernière.
«On a jasé avec notre avocat aussi. Ce qu’il nous a dit, c’est “acceptez cette offre-là, c’est la première chose à faire.” Après, on a un an pour voir si on va aller plus loin dans le dossier ou non. Pour l’instant, on est rendu là », explique-t-il. L’offre qu’on lui avait présentée en décembre a été bonifiée de 10%.
Sur le terrain voisin, Sylvain Côté ne voit pas la situation de la même manière. Propriétaire lui aussi d’un important lot sur lequel se trouvent de nombreux érables, il a aussi reçu une offre bonifiée de 10%, il y a environ une semaine, mais compte la refuser et continuer son combat: contester son expropriation au niveau judiciaire.
«Quand on dit qu’on voudrait bien nous indemniser, faites-nous dont une offre qui a du bon sens», dit M. Côté.

«La valeur marchande, quand on ne veut pas vendre, c’est complètement ridicule. On n’est plus rendu à un stade où on veut parler de prix. Ce qui est important pour nous, ce sont les impacts écologiques que ça va amener», poursuit M. Côté, qui s’inquiète grandement de la destruction des milieux humides et de l’impact sur la quantité et la qualité de l’eau dans le secteur.
«Si ça ne marche pas avec la logique, allons-y avec le juridique. C’est la dernière porte de sortie qu’il nous reste».
Une quinzaine de propriétaires ont choisi d’emprunter cette même voie. Ils sont représentés par les avocats Frédéric Paré, Jean-Claude Boutin et Daniel Larochelle.
«Les gens vont se battre, indique Me Larochelle. Normalement, si tout va bien, d’ici le 15 août, on devrait avoir notre date d’audience. Le dossier en injonction, c’est un dossier qui est très volumineux à monter», poursuit-il.

Mais Me Larochelle, ainsi que les expropriés ont de la difficulté à déterminer ce qui se produira sur les terrains des expropriés, le 1er août prochain. L’avocat rappelle toutefois qu’une «prise de possession physique» est prévue, selon la loi. Le délai de cette prise de possession a été devancé de moitié par rapport aux délais habituels. Un élément qu’il compte bien faire valoir dans sa demande d’injonction.
«C’est très rapide. Oui, on est bousculés», exprime Me Larochelle.
Même si Sylvain Côté et Nicolas Charrier ont pris des décisions différentes, un élément revient dans le discours des deux hommes. La difficulté à obtenir des réponses à leurs questions, lors de discussions avec les représentants du gouvernement fédéral.
«On avait une rencontre au mois de juin avec des personnes de SPAC et on avait posé des questions, débute M. Côté. Les réponses qu’on a eues, c’est encore des réponses vagues. Ce sont toujours des cas particuliers, propres à chacun», souligne-t-il.
Nicolas Charrier a quant à lui obtenu une rencontre de 45 minutes la semaine dernière avec des représentants de SPAC. Les clients de sa cabane à sucre ont l’habitude de se stationner dans la rue et il avait des indices qui lui faisaient croire que le projet de voie de contournement pourrait le forcer à mettre fin à cette pratique.
Il cherchait aussi à obtenir des réponses quant à son puits de surface et à son eau potable.
«On leur a reparlé de nos inquiétudes et on n’a toujours pas eu de réponses. Il y a quand même une écoute qui est là, mais les réponses ne sont pas là […] Ça va dans le sens du projet. Ç’a été ça un peu tout le long. On n’est pas surpris de ça», lance-t-il.
Les propriétaires qui acceptent une offre de SPAC ont tout de même un an pour contester le montant qui leur est offert, selon Me Daniel Larochelle. Par contre, les personnes qui acceptent une offre ne peuvent ensuite contester au niveau judiciaire le fait même d’être exproprié.
«C’est logique», admet-il.
SPAC et Transports Canada
Par courriel, une porte-parole de Services publics et Approvisionnement Canada indique que toutes les offres d’indemnisation ont maintenant été présentées aux propriétaires touchés et ont été préparées par un évaluateur indépendant. Le montant est «fondé sur la juste valeur marchande de la propriété, auquel s’ajoute un montant fondé sur le cadre d’indemnisation prévu dans la Loi sur l’expropriation», écrit-elle.
Malgré des questions précises posées sur le nombre de propriétaires ayant accepté une offre à ce jour, ainsi que sur la suite pour les propriétaires qui n’acceptaient pas une offre d’ici le 1er août, la porte-parole n’a fourni aucune réponse, se contentant de préciser que «les propriétaires ne sont pas dans l’obligation d’accepter l’offre avant cette date».
Questionnée à savoir si des travaux pouvaient être exécutés sur des terrains expropriés dès le 1er août, même chez ceux ayant refusé leur offre, un porte-parole de Transports Canada a aussi refusé de répondre.
«Le gouvernement du Canada est pleinement engagé dans la réalisation du projet de la voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic, et il souhaite débuter la construction le plus tôt possible. La construction pourra débuter une fois toutes les autorisations règlementaires obtenues, notamment l’approbation de l’Office des transports du Canada», a-t-on simplement répondu.
La saga sans fin de la voie de contournement est loin d’avoir connu son dernier rebondissement: le ministre des Transports Omar Alghabra vient d’annoncer qu’il quittera ses fonctions de ministre des Transports dans un remaniement ministériel, mercredi. La ministre responsable de SPAC, Helena Jaczek, a quant à elle confirmé qu’elle ne briguerait pas de prochain mandat dans sa circonscription actuelle, aux prochaines élections.