En juin 2022, il y a trois ans, un projet de revitalisation du Silo numéro 5 était dévoilé en grande pompe. On y présentait la plus grande ferme intérieure au monde dans le silo, un projet qui deviendrait un symbole de résilience environnementale et qui nourrirait jusqu’à 10% des Montréalais. Dans les médias, l’annonce spectaculaire a obtenu une large médiatisation. Mais depuis…aucune nouvelle.
Devimco a remporté l'appel d'offres pour développer une immense parcelle de terrain qui comprend le Silo numéro 5, mais aussi une zone à l’ouest du bâtiment. La «Pointe-du-Moulin» compte 700 000 pieds carrés, en tout. En vertu de l’appel d’offres de la Société immobilière du Canada qu’il a remporté, Devimco a obtenu la possibilité de développer le secteur en y intégrant des tours à logements.
Autant Devimco, que la Ville de Montréal et le fédéral refuse d’accorder des entrevues au sujet de ce projet ambitieux. Mais Noovo info a pu parler à une demi-douzaine d’intervenants qui lèvent le voile sur les raisons de ce silence des dernières années.
Ces intervenants du domaine de l’immobilier et des acteurs municipaux au courant des discussions évoquent de «difficiles négociations» sur le type de développement à privilégier sur la «Pointe-du-Moulin». Devimco a été un acteur de premier plan dans le développement du quartier Griffintown à Montréal, un secteur dont on a critiqué les faiblesses en matière d’urbanisme et de services publics.
«Il y a des négociations sur le nombre de condos acceptables sur ce bout de terrain et la hauteur des tours. Est-ce que Devimco refait une sorte de Griffintown là ou pas? Ça négocie fort», affirme un intervenant au fait des discussions.
Une autre source à la Ville de Montréal affirme sans détour que l’administration Plante joue avec prudence dans ce dossier, si délicat et symbolique.
«C’est un bâtiment patrimonial, on veut conserver les vues du bâtiment. Le promoteur veut du profit, nous on veut le meilleur projet possible. Il faut trouver un juste milieu entre son montage financier, un projet profitable et respecter nos intérêts. Ce sont des négociations complexes. On ne veut pas recréer les erreurs des autres quartiers. On construit pour des décennies à venir», affirme l’intervenant à la Ville de Montréal, qui souhaite conserver l’anonymat.
Impatience
Dinu Bumbaru, directeur des politiques d'Héritage Montréal, dénonce des décennies de promesses brisées avec le Silo numéro 5.
«Ça va faire 30 ans que l’immeuble est désaffecté. On n’a pas des attentes irréalistes, on serait heureux avec un ascenseur pour monter en haut et une sécurisation des lieux!» lance-t-il, résigné.
«On attend que les choses se concrétisent. L’enfer est pavé de bonnes intentions. C’est beau les intentions, mais on a besoin de gestes concrets!», ajoute M. Bumbaru.
Sur les réseaux sociaux, certains affirment qu’en laissant le Silo numéro 5 abandonné ainsi, on semble vouloir le voir se désagréger tranquillement.
«À ce point-ci, je crois qu’on attend que l’immeuble s’effondre de lui-même pour construire une tour à condo générique», écrit un internaute. Mais les coûts de démolition sont faramineux, dit Dinu Bumbaru, qui affirme que ce scénario a été écarté il y a bien longtemps.
Il affirme que le fédéral devrait jouer un rôle plus actif, notamment au niveau financier, pour protéger le Silo numéro 5, même si le fédéral compte léguer le site à Devimco.
«Le projet n’est pas mort»
Lorsque le projet du Silo numéro 5 sera complété, il sera géré par Inerjys, un fond vert montréalais spécialisé dans l’innovation.
Son président-directeur général (PDG), Stephan Ouaknine, a accepté d’offrir un tour guidé des futures installations à Noovo info.
«Le projet n’est pas mort», insiste-t-il.
Fièrement, il nous fait entrer dans des bâtiments adjacents au Silo numéro 5, dans lesquels on construira un marché public.
«Le projet du Silo va respecter l’histoire de ce lieu.» Stephan Ouaknine, PDG d’Inerjys
«Transformer un bâtiment de stockage de grains en ferme verticale, ç’a une forte symbolique. Plus que jamais c’est un message pour notre souveraineté alimentaire, alors que ce sera la plus grande ferme verticale au monde et qu’elle pourra fournir 10% des légumes et fruits de Montréal», dit M. Ouaknine.
«Le projet du Silo numéro 5 avance, il n’est pas bloqué du tout. C’est un projet magnifique qui va voir le jour sur le terrain de la Pointe-du-Moulin. Et je peux vous dire que lorsque tout sera autorisé, le projet du Silo numéro 5 sera lancé dans sa première phase, ça va aller très vite. […] On veut voir le Silo 5 revivre. On va le construire ce truc-là!», affirme l’investisseur.
De son côté, la Ville de Montréal a partagé une déclaration écrite à Noovo info. L’administration de Valérie Plante affirme que «les investissements requis pour préserver le Silo requerront forcément un soutien du fédéral. Ce repère emblématique est situé dans le secteur Bridge-Bonaventure dont le Plan directeur sera adopté dans les prochains mois. Il faut se rappeler que les projets qui seront développés feront partie du paysage montréalais pour les prochaines décennies, voire les prochains siècles.»
Voyez le reportage d’Étienne Fortin-Gauthier dans la vidéo.