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Une employée qui travaille dans le milieu de la restauration depuis longtemps à Montréal rencontrée par Noovo Info affirme ne plus se sentir en sécurité sur son lieu de travail, en raison de la prolifération des armes à feu dans la métropole.
Voyez le reportage de Marie-Michelle Lauzon dans la vidéo ci-contre.
Cette employée, qu’on ne peut identifier pour des raisons de sécurité, dénonce l’omerta entourant cette nouvelle réalité, qui ne touche pas l’ensemble des bars et restaurants de la métropole mais plusieurs situés au centre-ville, dans le Vieux-Port et dans le quartier Griffintown.
«Avant, c’était des [voitures] de luxe qu’on voulait montrer... maintenant, hop, un petit pistolet caché, un gros pistole», déplore l'employée.
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Montréal est frappée par une hausse de la violence armée depuis quelques années, et les criminels fréquentent les établissements licenciés en toute impunité, leur arme se trouvant la plupart du temps à l’intérieur de leur ceinture ou dans un sac à main.
«On banalise ça. On se ferme les yeux. On va associer les bandits à de bons clients mais ce n’est pas correct», dénonce l'employée.
Voici quelques exemples de situations rapportées par des employés d’établissements licenciés :
Plusieurs employés rencontrés par Noovo Info craignent de sérieuses représailles, ne savent pas quoi faire et surtout comment en parler. Ils sont souvent laissés à eux-mêmes. Dans certains cas, la situation fut rapportée au gérant de l’établissement mais il n’y a eu aucune mesure concrète pour assurer la sécurité des employés et des clients.
«On se sent complètement démunis face à ça», déplore l'employée rencontrée par Noovo Info.
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«Si on dénonce immédiatement aux policiers, est-ce que ces personnes-là vont nous en vouloir? Quand j’en parlais avec mes collègues, je sentais beaucoup de peur. Je ne vais pas appeler les autorités car je ne veux pas que ce client revienne et me tabasse. Il y a beaucoup de crainte face aux armes à feu», explique une employée.
Une dizaine d’armes à feu ont été saisies dans les bars et restaurants de Montréal en 2022
Le commandant David Paradis gère l’escouade Éclipse au SPVM, qui comprend 58 policiers, dont 10 femmes. Cette unité, qui compte plusieurs volets en matière de lutte contre la violence armée, se déplace régulièrement dans les endroits licenciés pour recueillir de l’information sur les groupes criminels qui s’y trouvent.
«Les armes que l’on saisit sont principalement des armes de poings. Les Glock 9mm sont très populaires», souligne David Paradis.
Photo : Specimen de Glock 9mm Crédit : CTV News
En 2022, la Section Éclipse a effectué 2971 visites d’établissements licenciés, 391 visites de cafés et 477 visites de restaurants.
La même année, les policiers d’Éclipse ont procédé à 480 arrestations dans des endroits licenciés de la métropole
Depuis la mise en place de Centaure, la stratégie provinciale chapeautée par la Sureté du Québec pour lutter contre la violence armée, les équipes ont été bonifiées sur le terrain. La Sureté du Québec (QC) et le SPVM collaborent ensemble.
Le commandant Paradis est bien au fait de cette réalité qui touche le personnel de la restauration. Il persiste et signe: malgré les risques que ces gens peuvent percevoir, il y a des moyens de dénoncer de manière sécuritaire et surtout anonyme.
«C’est sûr que lorsque vous appelez le 911, il y a un déploiement qui va se faire de façon rapide, c’est une des façons, mais sinon il y a Info-Crime, ça va être enquêté par des enquêteurs spécialisés, ou en passant par Éclipse, on fait partie de la division du crime organisé. Notre équipe va s’assurer de ne pas mettre la personne qui dénonce en danger», souligne David Paradis.
Photo : Le commandant David Paradis gère l’escouade Éclipse au SPVM, qui comprend 58 policiers, dont 10 femmes. Crédit photo : Noovo Info
«On a de bons contacts avec certains établissements. Ça arrive qu'ils nous appelle et le gars qui a échappé son pistolet en arrivant dans un restaurant, on va l’arrêter, poursuit le policier. Tout passe par la collaboration entre les tenanciers et nous. Il faut développer ça davantage pour permettre à ces gens-là de se sentir de moins en moins à l’aise de se présenter aux restaurants avec leur arme à feu.»
Pour les tenanciers, il n’y a pas d’obligation légale de dénoncer un client qui se présente à l’intérieur d'un établissement avec une arme à feu. Mais ceux qui refusent de le faire pourraient tout de même avoir des sanctions.
«Chaque tenancier a un permis d’alcool qui vient avec certaines obligations, dont celle d’assurer la sécurité des gens à l’intérieur de leur établissement. S’il y a une dénonciation et que ça vient à nos oreilles, ces établissements-là pourraient perdre leur permis», indique le commandant.
Parmi les pistes de solutions que l'employée rencontrée pa Noovo Info souhaiterait : un protocole clair établi en collaboration avec les policiers et le personnel en restauration vis-à-vis les clients qui sont armés.
«Il y a un malaise à en parler, c’est sûr qu’un accident va arriver, c’est inévitable. Je ne sais pas quand, je ne sais pas ou, et je n’ai pas envie d’avoir ça sur la conscience parce que j’ai fermé les yeux», souligne l'employée.
«Cela n’e devrait même pas être à moi d'en parler aujourd’hui, ce n’est pas normal qu’une simple employée dénonce ce qui se passe, le travail aurait du être fait en amont, les propriétaires du restaurant ne sont pas toujours sur place…Sept soirs par semaine, c’est nous, ce n’est pas eux qui sont en danger c’est nous», ajoute-t-elle.
«On ne va pas au restaurant pour manger une balle, on va au restaurant pour manger un repas», conclut-elle.