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«On ne doit pas s'arrêter qu'à des mesures législatives; ça prend autre chose pour venir compléter la loi et c'est quelque chose que la SPCA revendique depuis plusieurs années», a souligné Me Sophie Gaillard.
La Loi visant à favoriser la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens dangereux sur le territoire des municipalités québécoises soufflera trois bougies le 3 mars prochain. Bien qu'elle soit imparfaite, la législation a permis de grandes avancées, estiment certains intervenants.
Jacques Demers, président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), ainsi que la Dre Caroline Kilsdonk, vétérinaire, éthicienne et ancienne présidente de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec (OMVQ), croient tous deux que la loi 128 est un succès parce qu'elle a obligé toutes les municipalités du Québec à se doter d'une réglementation concernant les chiens.
En vertu de cette loi, les municipalités disposent d'une série de nouveaux pouvoirs afin de mieux réagir en cas d'attaque de chien. Les villes peuvent entre autres attribuer le statut de «chien potentiellement dangereux» à une bête ou imposer que le comportement et la dangerosité de celle-ci soient évalués par un professionnel en médecine vétérinaire aux frais du propriétaire. De plus, le chien affublé de cette étiquette devra automatiquement être vacciné contre la rage, micropucé et stérilisé; une municipalité peut aussi ordonner l'euthanasie de l'animal dans les cas les plus graves.
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Il faudra toutefois encore quelques mois, voire une année ou deux, pour que les données compilées en vertu de la loi permettent de dresser un portrait global de la situation.
Il s'agit là d'un enjeu soulevé par l'Union des municipalités du Québec (UMQ), indique son porte-parole Patrick Lemieux.
«Il est encore difficile d'avoir des statistiques claires sur les cas de morsure parce que les hôpitaux vont compiler seulement ceux où il pourrait y avoir la transmission de rage. Les policiers ne sont pas toujours appelés quand il y a un incident; le MAPAQ n'a pas de données sur le nombre d'interventions, de vétérinaires disponibles ou de chiens à évaluer, et certaines villes ont confié la gestion des animaux à des organismes sur leur territoire, qui ont leurs propres formulaires. Pour nous, il y aurait un travail à faire pour uniformiser les rapports et les données recensées, pour obtenir des statistiques fiables et comparables», énumère le conseiller aux communications.
De son côté, la directrice générale de la SPCA de Montréal, Me Sophie Gaillard, a applaudi l'entrée en vigueur de la loi 128. Il s'agit cependant pour elle d'un point de départ et bien que des progrès aient été faits, d'autres mesures restent à mettre en place pour réduire au maximum les risques de morsures de chiens.
«C'était important de mettre un cadre législatif qui s’appliquait à l’ensemble du Québec et non procéder au cas par cas, rappelle l'avocate. Mais on ne doit pas s'arrêter qu'à des mesures législatives; ça prend autre chose pour venir compléter la loi et c'est quelque chose que la SPCA revendique depuis plusieurs années.»
Selon Me Gaillard, la mise en place de programmes d'éducation grand public, et particulièrement destinés aux enfants ou aux propriétaires de chiens, s'avère essentielle.
«L’éducation du public est un élément clé, soutient-elle. Il a été démontré que d’offrir aux enfants au primaire, ne serait-ce qu’une seule heure de formation, réduit de manière dramatique le risque de morsure. Puis, il faut responsabiliser et sensibiliser les propriétaires de chiens au bien-être de leur animal, car c'est souvent le fait d'être négligé, maltraité ou éduqué par la punition qui l'amène à avoir des problèmes comportementaux.»
L'UMQ abonde en ce sens. «On l'avait soulevé en commission parlementaire; le gouvernement doit mener une campagne de sensibilisation sur les responsabilités qui viennent avec le fait de posséder un animal», indique M. Lemieux.
Il faudra toujours en faire plus pour sensibiliser la population aux risques, croit M. Demers. «La loi a permis de le faire, en grande partie. Mais c'est toujours dommage qu'on doive vivre des tragédies pour ressentir le besoin de s’améliorer», déplore-t-il.
Une stérilisation généralisée des chiens, incluant un programme pour rendre l'intervention accessible aux propriétaires à faible revenu, pourrait aussi diminuer les risques de morsure.
«Un règlement obligeant la stérilisation a été adopté à Calgary et on a constaté depuis une réduction de 50 % des incidents de morsure. C'est une piste de solution très intéressante», poursuit Me Gaillard, qui recommande aussi de mieux encadrer les activités d'élevage et de vente de chiens pour s'assurer du bien-être des animaux.
Le Dr Gaston Rioux, actuel président de l'OMVQ, continue de réclamer un registre national d'identification des animaux de compagnie, comme cela est fait pour les animaux de ferme. Le micropuçage devrait aussi être obligatoire, selon lui. «C'est important d'avoir des données; c'est en ayant un portrait fidèle de la situation qu'on pourra améliorer la réglementation», note-t-il.
Dre Kilsdonk considère que l'un des plus grands gains apportés par la nouvelle loi est la conscientisation des Québécois face à l'enjeu des chiens dangereux. Selon la médecin vétérinaire, elle a permis une prise de conscience collective sur les risques et cessé la polarisation qui avait divisé une partie de la population par rapport à certaines races de chiens.
«C'est en faisant beaucoup de prévention qu’on va réduire le nombre de situations où des chiens finissent par être euthanasiés», indique-t-elle.
Lise Vadnais, dont la sœur Christiane a été fatalement attaquée par un chien en 2016, a aussi remarqué un changement de comportement chez certains.
«Dans l'ensemble de la société, je trouve que les gens ont pris ça au sérieux, constate-t-elle. Les gens semblent plus soucieux de faire attention à autrui, aux autres chiens et aux autres personnes. Ils semblent plus sensibles à ce qui peut arriver.»
Elle croit néanmoins que des événements malheureux impliquant des chiens ne font plus les manchettes, mais qu'ils se produisent encore.
C'est que les villes ne peuvent que déclarer les cas qui ont été portés à leur attention, soutient Jacques Demers. «Si quelqu'un se fait mordre et qu'il n'avise pas sa municipalité, il n'y a aucun moyen de le savoir», dit-il.