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À un des moments les plus cruciaux de leur développement, des enfants de 0 à 5 ans avec des besoins particuliers n'ont pas le soutien dont ils ont besoin au Québec, souligne l'Observatoire des tout-petits.
Au Québec, de nombreuses familles d’enfants ayant besoin de soutien particulier se heurtent à des obstacles dans leur cherche de services, et elles ne reçoivent pas l’aide nécessaire au moment opportun.
C’est ce que rapporte l’Observatoire des tout-petits (OTP) dans leur dernier rapport, Tout-petits ayant besoin de soutien particulier: Comment favoriser leur plein potentiel?
Le rapport met en lumière la réalité des enfants de 0 à 5 ans qui présentent une difficulté dans leur développement.
Les difficultés qui affectent ces enfants peuvent être de sources multiples, diagnostiquées ou non. Le rapport fait notamment référence à des difficultés plus ou moins sévères sur le plan intellectuel ou cognitif, de la motricité, du langage, de la socialisation, de la régulation des émotions ou du comportement.
L’accès à un service de garde éducatif est un défi de taille pour toutes les familles, mais le parcours est encore plus difficile pour les enfants ayant besoin de soutien particulier. Parmi les facteurs expliquant cette problématique, on retrouve le manque de ressources.
Selon un rapport du vérificateur général du Québec pour l’année 2020-2021, 83% des enfants sans besoin de soutien particulier inscrits sur La Place 0-5 – un guichet d’accès aux places en service de garde au Québec – avaient trouvé une place, mais ce nombre diminuait à 73% lorsque les parents avaient indiqué que leur enfant avait besoin de soutien particulier.
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Et la période de 0 à 5 ans est un moment crucial pour le développement d’une personne. Durant ces âges, la grande plasticité du cerveau permet aux interventions d’avoir une meilleure efficacité.
«C’est vraiment là que ça vaut la peine d’agir», soutient l’ergothérapeute et candidate au doctorat au programme de recherche en sciences de la santé à l’Université de Sherbrooke, Gabrielle Pratte.
Autrement dit, cette période correspond au moment où le cerveau est «plus malléable», facilitant ainsi le développement des habiletés d’un enfant, ajoute Mme Pratte.
Le fait de priver un enfant d’interventions pourrait influencer de «façon significative leur parcours de vie», peut-on lire dans le rapport.
«Par exemple, un enfant qui éprouve des difficultés de langage et qui ne peut pas consulter en orthophonie sera plus à risque de manifester, en plus des problèmes de langage, des problèmes de comportement, de réussite éducative et d’adaptation sociale», souligne Fannie Dagenais, directrice de l’OTP.
Les données de l’Institut national de l’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) présentées dans le rapport de l’OTP démontrent qu’il peut s’écouler plusieurs mois – voire des années – avant qu’un enfant reçoive l’ensemble des services requis.
«[L’enfant] va rentrer dans la liste d’attente, ça peut prendre deux ans avant qu’il ait des services […] Alors il rentre à l’école et il n’est malheureusement pas prêt […] c’est vraiment d’une tristesse», témoigne un clinicien cité dans le rapport de l’OTP.
En effet, 21,3% des enfants présentant un «retard significatif de développement» n’avaient pas bénéficié de services des programmes en déficience physique ou en déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme dans les délais prescrits lors du cycle annuel de 2020-2021, selon les chiffres du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).
De plus, seulement 13% du personnel éducateur en CPE considère disposer des conditions nécessaires pour détecter des difficultés développementales chez les enfants. Et environ 70% du personnel estime que l’organisation du travail ne permet pas de dégager le temps nécessaire pour permettre la détection de difficulté, indique le rapport.
Dans une réponse écrite envoyée à Noovo Info, le cabinet du ministre des Services sociaux, Lionel Carmant, indique que la pénurie de main-d’œuvre, particulièrement chez les orthophonistes, vient peser dans la balance.
«Ce sont 800 professionnels qui ont été ajoutés depuis 2019 pour intervenir auprès des enfants 0-5 ans. Il y a un équilibre à trouver dans l’affichage de postes pour ne vider d’autres secteurs critiques […] Dr. Carmant est venu en politique pour s’occuper des retards de développements chez les enfants», peut-on lire dans le courriel.
Le ministère tient toutefois à souligner que les chiffres rapportés dans le rapport de l’OTP démontrent l’importance du programme Agir tôt, qui vise à identifier le plus rapidement possible les indices de difficultés dans le développement d’un enfant.
L’un des obstacles qui freinent l’accès au soutien particulier est la complexité du réseau pour les parents — une étape décrite dans le rapport de l’OTP comme un «parcours du combattant».
Un rapport de l’INESSS dénote que les parents déplorent le manque d’informations sur les étapes à venir, les lieux qui dispensent les services, les intervenants à rencontrer, ainsi que les procédures à suivre afin d’accéder aux services.
De plus, naviguer la complexité du réseau est encore plus difficile pour les parents vivant dans un contexte socioéconomique et professionnel plus difficile, les familles immigrantes et les familles ayant un plus faible niveau de scolarité, précise le rapport de l’OTP.
Les difficultés encourues par les familles durant ce processus se reflètent ensuite sur la santé physique et mentale des parents, dont 18,9% décrivent leur état de santé comme mauvais ou moyen. Plusieurs sont forcés d’avoir recours au secteur privé pour des sommes supplémentaires. D’autres doivent réduire leurs heures de travail afin de pouvoir compléter les nombreuses démarches pour obtenir une place dans un service éducatif.
L’OTP propose quelques pistes de solutions, particulièrement de changer de paradigme concernant la question du diagnostic. Le soutien offert aux enfants dépend généralement d’un diagnostic.
«En ce moment, les services sont très centrés sur le fait de dépister une difficulté. Puis une fois que c’est dépisté, là on va pouvoir accéder à des services. Mais pour des 0 à 5 ans, est-ce que c’est toujours la meilleure façon d’obtenir un diagnostic avant d’offrir des services? Je ne crois pas», statue Gabrielle Pratte.
L’OTP propose plutôt de centrer la stratégie autour des besoins de l’enfant, ce qui permettrait d’agir plus rapidement et d’offrir des interventions variées et indépendantes de l’existence d’un diagnostic. Ces besoins peuvent être évalués par les parents ou les éducateurs et intervenants qui suivent l’enfant.
«Lorsqu’on agit plus tôt, même si on n’a pas de diagnostic, ça permet de favoriser le développement», explique Mme Dagenais.
Pour simplifier le processus pour les parents et, ultimement au bénéfice de l’enfant, il faudrait une meilleure collaboration entre les acteurs du milieu, soit du milieu scolaire, des CPE, du secteur communautaire et de la santé.
«C’est important que les différents milieux se parlent et puissent échanger entre eux pour tirer profit de leur expérience», ajoute Mme Dagenais; car dans le système actuel, c’est souvent les parents qui doivent s’occuper de faire le pont entre les différents intervenants, particulièrement lors de la première rentrée à l’école.