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Politique

Prostitution: une lettre ouverte dénonce les positions d’un candidat de QS

Le député sortant de Québec solidaire Alexandre Leduc est accusé d'aller à l'encontre des positions de son parti au sujet du travail du sexe.
Le député sortant de Québec solidaire Alexandre Leduc est accusé d'aller à l'encontre des positions de son parti au sujet du travail du sexe.
/ Noovo Info

Des commentaires formulés par le député sortant de Québec solidaire Alexandre Leduc et sa relation avec une militante pour l’abolition de la prostitution inquiètent des électeurs de sa circonscription de Hochelaga-Maisonneuve. 

Les auteurs d’une lettre ouverte circulant sur les réseaux sociaux accusent M. Leduc d’avoir «défendu publiquement une position abolitionniste vis-à-vis le travail du sexe durant son premier mandat». Des accusations que rejette le politicien.

C’est une publication d’Alexandre Leduc sur Facebook, le 12 août dernier, qui a d’abord fait sursauter les auteurs de la lettre ouverte. À l’occasion de la journée J’achète un livre québécois, le député faisait la promotion du livre Faire corps, co-écrit par sa conjointe, la chercheuse et militante Martine B. Côté. 

De l’aveu même des autrices, l’ouvrage défend la posture «abolitionniste», c’est-à-dire en faveur de l’abolition complète de la prostitution. 

Le discours abolitionniste part de l'idée que la prostitution est une forme d'exploitation sexuelle et ne résulte généralement pas d'un choix libre et éclairé.

Mme B. Côté a également travaillé pour la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES), un organisme ouvertement abolitionniste.

Or, dans son programme, Québec solidaire s’engage à «encadrer la prostitution/le travail du sexe» et à déjudiciariser les travailleuses du sexe et les tierces-personnes «qui jouent auprès d’elles un rôle sécuritaire», comme leurs chauffeurs, par exemple.

«Dans Hochelaga-Maisonneuve, le travail du sexe, c’est une réalité très concrète, rappelle Julien Guy-Béland, co-auteur de la lettre ouverte. Ces gens-là ont besoin de plus de nuances de la part de leur député.»

«On se demande pourquoi QS n’a pas choisi un candidat qui n’entretient pas des liens aussi étroits avec les positions abolitionnistes», ajoute-t-il. 

Alexandre Leduc a refusé de répondre aux questions de Noovo Info, se contentant de fournir une déclaration écrite. 

«Comme membre du caucus de Québec solidaire, j’appuie notre position voulant qu'un gouvernement solidaire s’assurera que toutes mesures, législatives ou autres, qui visent à encadrer le travail du sexe ou la prostitution, priorisent les droits fondamentaux des personnes prostituées ou des travailleuses et travailleurs du sexe (dont le droit à la vie, à la sécurité, à la dignité et à la liberté) et que les conséquences de ces mesures ne portent pas atteinte à ces droits, a-t-il écrit. Cela guide mes actions autant à l'Assemblée nationale que dans Hochelaga-Maisonneuve.»

Plusieurs militants de Québec solidaire ont toutefois souligné à Noovo Info que la question du travail du sexe continue de faire débat au sein du parti. La position actuelle a été adoptée au congrès 2015, après plus de quatre heures d’échanges animés. Au final, ni les militants pro-travail du sexe, ni les militants abolitionnistes n’y trouvent pleinement leur compte.

Questionné à savoir s’il estime que sa relation avec Mme B. Côté le place en situation de conflit d’intérêts lorsqu’il doit se prononcer sur des questions touchant le travail du sexe, l’équipe du candidat a refusé de commenter. «Nous ne ferons pas de déclaration sur la vie personnelle de M. Leduc», a répondu une attachée de presse.

Relations tendues

Si la publication d’Alexandre Leduc peut sembler anecdotique, ses positions sur le travail du sexe créent des remous dans Hochelaga-Maisonneuve depuis son élection, en 2018.

«C’est quelque chose qui nous inquiète depuis qu’il a été élu et qu’on a entendu qu’il était en couple avec une personne qui milite contre notre existence», affirme Sandra Wesley, directrice générale de l’organisme Chez Stella, qui défend les droits des personnes impliquées dans le travail du sexe. L’organisme adopte quant à lui la position «pro-travail du sexe» (ou réglementariste), qui réclame la décriminalisation et l’encadrement du travail du sexe.


À titre de député de Hochelaga-Maisonneuve, Alexandre Leduc, a agi à titre de porte-parole de Québec solidaire en matière de justice et a siégé à la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs. (PHOTO: Jacques Boissinot, la Presse canadienne) 

Mme Wesley, tout comme les auteurs de la lettre ouverte, fait aussi part de son malaise quant à la participation de M. Leduc à la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, devant laquelle sa conjointe a témoigné, à titre d'étudiante à la maîtrise en droit.

La position de M. Leduc a notamment causé des frictions au sein du comité de coordination de Québec solidaire Hochelaga-Maisonneuve (QSHM), selon Sébastien Barraud-Roy, qui y a siégé entre 2014 et 2019.

«Alexandre, il est abolitionniste. Il l’a toujours dit ouvertement.» 
- Sébastien Barraud-Roy, ancien militant de Québec solidaire

M. Barraud-Roy et une autre personne ayant milité pour QS dans Hochelaga-Maisonneuve mentionnent qu’Alexandre Leduc s’était engagé à s’abstenir de voter sur les propositions touchant le travail du sexe lors du congrès 2015 du parti, parce qu’il n’était pas d’accord avec les positions pro-travail du sexe adoptées par son organisation locale.

«Finalement, au congrès, il n’a pas respecté sa parole et a voté en faveur de toutes les propositions abolitionnistes», affirme M. Barraud-Roy.

«Alexandre, il est abolitionniste. Il l’a toujours dit ouvertement», assure M. Barraud-Roy. Une information confirmée à Noovo Info par plusieurs anciens collaborateurs de M. Leduc.

«C’est difficile de comprendre que Québec solidaire accepte des candidats qui ont des positions contraires au parti et qui en font une valeur centrale de leur travail politique», souffle Mme Wesley.

La soirée d’inauguration de son bureau de circonscription, en janvier 2019, a même été le théâtre d’altercations verbales impliquant Sandra Wesley de Chez Stella, la conjointe de M. Leduc Martine B. Côté, et sa directrice de campagne de l’époque, Chantal Poulin.


Sandra Wesley, directrice générale de l'organisme Chez Stella, l'amie de Maimie, est une militante vocale pour la légalisation du travail du sexe. (Photo: Ryan Remiorz/La Presse canadienne)

Les versions des faits des personnes impliquées diffèrent tellement qu’elles sont irréconciliables. D’un côté, Mme Wesley affirme publiquement depuis plus de deux ans avoir été «attaquée» par Martine B. Côté et Chantal Poulin, lors de cette soirée. Elle affirme notamment avoir été «poussée» par Mme Poulin.

«Tu n’as pas été attaquée. Personne ne l’a été d’ailleurs, pas physiquement du moins, a réagi Mme Poulin en réponse à une publication Facebook de Mme Wesley l’an dernier. Tu es arrivée avec l’attitude d’une personne qui part en guerre.» Un commentaire sur lequel la page Facebook d’Alexandre Leduc avait laissé une mention «j’aime».

Martine B. Côté n’a pas répondu aux demandes d’entrevue de Noovo Info.

Deux vidéos de surveillance captées le soir de l’événement que Noovo Info a pu visionner montrent effectivement des discussions agitées, mais aucune violence physique. L’altercation entre Mme Wesley et Mme B. Côté n’a pas été captée par la caméra. En l’absence d’audio, il est par ailleurs impossible de confirmer la teneur des échanges. 

Enjeu électoral

Mme Wesley affirme que son organisme a depuis été «exclu de toutes les rencontres et les communications avec le bureau d’Alexandre Leduc» et que les organismes qui adoptent une position pro-travail du sexe de Hochelaga-Maisonneuve n’ont bénéficié d’«aucun soutien politique» de sa part.

L’équipe d’Alexandre Leduc affirme quant à lui que son bureau a fait des dons à des groupes adhérant aux deux mouvements de pensée au cours des quatre dernières années. 

L’organisme cité par l’équipe de M. Leduc comme exemple d’un organisme «pro-travail du sexe» ayant reçu des dons, la Marie Debout, s’affiche comme étant en faveur de la criminalisation des clients qui achètent des services sexuels, une position décriée par plusieurs militants pro-travail du sexe.

Julien Guy-Béland, co-auteur de la lettre ouverte, affirme avoir pris connaissance récemment des positions de M. Leduc sur la prositution. «Je pense qu’on est plusieurs dans Hochelaga à avoir voté QS sans savoir qu’on votait pour un candidat ouvertement abolitionniste, dit-il. La majorité de son électorat n’est pas au courant.»

«Ça nous fait plaisir que des citoyens de Hochelaga-Maisonneuve, qui ne sont pas du tout affiliés à nous, voient ça et se mobilisent, dit Sandra Wesley de Chez Stella. Tant mieux si les gens en parlent, et après, c’est la démocratie qui va décider.»

CLARIFICATION: Une version précédente de ce texte proposait une explication de la position abolitionniste qui aurait dû être plus précise.