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La faiblesse de M. Carney en français a surpris certains observateurs.
Le chef libéral Mark Carney a continué d'en arracher avec le français au cours de la première semaine de la campagne électorale. Sa connaissance des sujets québécois laissait aussi à désirer.
Toutefois, cela ne semble pas trop préoccuper l'électorat québécois pour le moment. Les sondages indiquent que les libéraux détiennent une bonne avance dans les intentions de vote dans la Belle Province.
Des experts disent que les menaces proférées par le président américain Donald Trump envers la souveraineté et l'économie canadiennes préoccupent davantage les Québécois que la qualité du français de M. Carney.
Pour bien des Québécois, le Parti libéral est perçu comme «refuge sûr», avance l'analyste politique Sophie Villeneuve, associée fondatrice de Catapulte Communication et ancienne attachée politique du Parti québécois. «C'est ce que symbolise M. Carney. Malgré la faiblesse de son français et de ses connaissances des enjeux québécois, ce sentiment pourrait prévaloir.»
L'organisation de M. Carney a annoncé lundi qu'il ne participera pas au débat en langue française organisée par le réseau TVA, qui a finalement été annulé. Certains ont accusé les libéraux d'avoir voulu protéger leur chef contre une possible mauvaise performance.
«[Les libéraux] ont calculé que le prix politique à payer pour ne participer au débat était inférieur à celui qu'il aurait dû payer en y participant», dit Karl Bélanger, un ancien directeur national du NPD et président de la firme Traxxion Stratégies.
Mardi, M. Carney a dû présenter des excuses à Nathalie Provost, une survivante du massacre de la Polytechnique en 1989 et candidate libérale dans la circonscription de Châteauguay–Les Jardins-de-Napierville après avoir mal prononcé son nom et confondu la tuerie de 1989 avec celle survenue en 1992 à l'Université Concordia.
Le lendemain, il a abandonné le français pour l'anglais en répondant à une question. De plus, il a interrompu brusquement deux journalistes francophones en lançant: «ça suffit!»
Et vendredi, il a semblé confondre la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français avec la Loi sur la laïcité. À une question d'un journaliste, M. Carney a déclaré qu'un gouvernement libéral Ottawa interviendrait si la loi 96 est examinée par la Cour suprême, comme si c'était une promesse électorale.
Les libéraux ont tenté de clarifier la situation en affirmant plus tard qu'un gouvernement Carney interviendrait lors de l'examen de la Loi 21 par le plus haut tribunal du pays, une position déjà connue.
Au cours de sa campagne pour succéder à Justin Trudeau, sa mauvaise maîtrise de la langue de Félix Leclerc lui avait fait commettre quelques gaffes, notamment en laissant entendre par erreur qu'il était d'accord avec le Hamas.
La faiblesse de M. Carney en français a surpris certains observateurs. Dans des vidéos de conférence de presse lorsqu'il était gouverneur de la Banque du Canada de 2008 à 2013, on l'entend répondre en français avec une plus grande facilité et une plus grande fluidité qu'aujourd'hui.
«Je ne sais pas sûr de ce qui s'est passé, constate Daniel Béland, un politologue de l'Université McGill. Il se peut qu'il ait juste besoin de le pratiquer plus.»
Après son départ de la Banque du Canada, M. Carney a été gouverneur de la Banque d'Angleterre pendant près de sept ans. Il est vraisemblable qu'il ait eu peu d'occasions de parler français, dit le Pr Béland.
Sophie Villeneuve dit que le français de Mark Carney se compare avec celui de l'ancien premier ministre conservateur Stephen Harper lors de la première année de son mandat. M. Harper s'est grandement amélioré dans ce domaine, malgré sa tendance malheureuse à mal prononcer le mot «élections» qui a bien faire rigoler les Québécois.
Les adversaires de M. Carney tentent de profiter de ses problèmes à maîtriser la langue française. Le chef conservateur Pierre Poilievre a offert de payer les 75 000 $ réclamés à chaque parti par le réseau TV pour organiser le débat.
«C’est d’une tristesse affligeante et tellement révélatrice d’un chef qui ignore tout du Québec, qui ignore le Québec», a déclaré de son côté le chef du Bloic québécois Yves-François Blanchet en parlant de la bourde de Mark Carney sur la Polytechnique.
Le Pr Béland prévient que la question de la langue «n'est qu'un facteur parmi d'autres» au cours d'une campagne. «Ce sont des élections spéciales. Pour certains francophones, qui se préoccuperaient normalement de cette question, y porteront moins d'attention», fait-il valoir.
Mme Villeneuve est déçue des bourdes de M. Carney, notamment celle concernant la Polytechnique. «Ça peut laisser une mauvaise tache, lance-t-elle. On ne peut pas dire que la première semaine de campagne de M. Carney a été un jardin de roses. Il devra rétablir le lien de confiance.»