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«Nous adorons les gens qui y vivent et nous espérons retrouver notre communauté.»
Priscilla Bosum a pris conscience de l'ampleur de ce qui arrivait à sa maison d'Oujé-Bougoumou, dans le Nord-du-Québec, au moment où un ordre d'évacuation l'a amenée à se demander, mardi soir, si elle et sa famille pourraient revoir leur chez soiun jour.
Mme Bosum et trois de ses enfants avaient déjà quitté la communauté crie pour le sud du Québec plus tôt dans la journée lorsqu'un incendie de forêt approchant rapidement a provoqué l'évacuation d'urgence.
Son mari et son fils de 18 ans sont restés sur place pour aider à combattre l'incendie.
«C'était un peu difficile pour moi de quitter la communauté dans ces circonstances, sans savoir ce qui allait se passer, a raconté Mme Bosum. Des cendres tombaient déjà et le ciel devenait orange. C'était juste effrayant.»
Trois des neuf communautés cries du Québec sont menacées par des incendies de forêt, dont Waswanipi et Mistissini. Mais seule Oujé-Bougoumou, à environ 500 kilomètres au nord de Montréal, a été complètement évacuée.
Avec environ 800 résidants, Oujé-Bougoumou est la plus récente communauté crie de la province.
Ses habitants avaient passé des décennies à se déplacer sur leurs terres traditionnelles en raison de projets miniers, avant de gagner une bataille avec les gouvernements fédéral et provincial pour avoir un établissement permanent, qui a été construit au début des années 1990.
Il a été reconnu par l'Organisation des Nations Unies en 1995 comme l'un des 50 exemples exceptionnels de développement communautaire.
Mme Bosum se souvient de l'époque où les membres de la communauté vivaient dans des cabanes et chalets le long de l'autoroute à l'extérieur de la ville de Chibougamau.
«J'ai donc vu ma communauté se construire à partir de zéro jusqu'à ce qu'elle est aujourd'hui», mentionne-t-elle.
«C'est pourquoi pour moi, il est vraiment difficile de penser à la possibilité que le feu puisse atteindre notre communauté. Il s'agit de tous nos souvenirs. Nous n'avions pas de communauté auparavant; nous étions les Cris oubliés.»
Isabelle Moquin-Cuny, une infirmière de Montréal qui vit à Oujé-Bougoumou depuis 2016, a fui la communauté mardi avec son mari, ses filles et plusieurs animaux de compagnie.
Son sac contenant les articles essentiels avait été préparé depuis un certain temps. Dans les jours précédant l'évacuation, l'air était orange et la lune rouge au milieu d'une fumée dense, décrit Mme Moquin-Cuny.
«Nous essayions certainement de rester calmes. Il y avait beaucoup de fumée à Oujé-Bougoumou et des cendres qui se posaient sur nous, relate-t-elle. L'air était difficile, j'ai encore des problèmes avec ma respiration.»
Leur vie entière a été laissée derrière eux dans cette communauté et leur départ a été pénible, a-t-elle dit, ajoutant qu'elle craignait qu'ils ne tombent sur un incendie qui ferait obstacle à leur départ.
Mme Moquin-Cuny espère revenir bientôt. «C'est une belle communauté, soutient-elle. Nous adorons les gens qui y vivent et nous espérons retrouver notre communauté.»
Lorsque Mme Bosum et ses enfants sont partis mardi, les résidants restants pensaient qu'ils avaient environ 48 heures avant que l'incendie n'atteigne un point ordonnant une évacuation. Mais des vents violents ont propulsé les flammes vers la communauté, ne leur laissant que cinq heures pour évacuer.
Mme Bosum était sur la route sans réception cellulaire et n'a appris l'évacuation que quelques heures après les faits. Ses pensées se sont tournées vers ses parents et d'autres membres de sa famille, mais elle ne pouvait pas revenir en arrière. Elle a peu dormi en attendant des nouvelles.
«Mon fils de 14 ans a dit: ‘‘cela ne peut pas arriver. C'est notre maison, c'est là que j'ai grandi, c'est là que se trouvent tous nos souvenirs’’, évoque Mme Bosum.
Et la seule chose que je pouvais lui dire, c'était: ‘tu sais, ce sont des choses matérielles, comme celles-là qui peuvent être remplacées tant que nous sommes là les uns pour les autres, en tant que famille’.»
Le chef adjoint d'Oujé-Bougoumou, Lance Cooper, a déclaré que les habitants n'avaient jamais vu le ciel devenir orange comme il l'a été au cours des 24 heures qui ont précédé l'évacuation.
À la fin de la semaine, la situation s'était améliorée: le feu avait atteint une zone marécageuse qui avait ralenti sa progression. Cent cinquante pompiers supplémentaires étaient également attendus sur les lieux, bien qu'aucun échéancier n'ait été fixé pour un éventuel retour des personnes évacuées.
«Nous n'avons jamais été évacués de la sorte auparavant, a affirmé M. Cooper depuis un refuge situé dans la région du Saguenay—Lac-St-Jean. Nous avons connu des feux de forêt dans les régions environnantes, et nos voisins ont été évacués dans notre communauté une fois, mais nous n'avons jamais eu une évacuation massive comme celle-ci en raison d'un feu de forêt.»
M. Cooper a décrit Oujé-Bougoumou comme un espace sûr pour une communauté crie qui a été fréquemment déracinée au cours des 50 dernières années. Au sortir de la pandémie de COVID-19 et de ses conséquences sur la santé mentale, la communauté a cherché à retrouver un sentiment de normalité avant d'être replongée dans le traumatisme.
«Lorsque je parle à mes membres ici au refuge, beaucoup d'entre eux sont pleins d'espoir, a fait valoir M. Cooper, ajoutant que la communauté sait comment travailler ensemble dans les moments difficiles et qu'elle a reçu des soins de premier ordre dans la région du Saguenay.
«Même à travers cette épreuve, nous en sortirons plus forts, nous en sortirons meilleurs», estime M. Cooper.
Selon Mme Bosum, le fait d'avoir été contraint de fuir a remis les choses en perspective. «Avec ce genre d'événement, vous réalisez où se trouve votre vraie maison, dit-elle, et vous savez que c'est là que vous voulez être.»
Avec la collaboration de Jacob Serebrin, la Presse canadienne.