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Au cours de l'été et de l'automne 2022, plus de 100 anomalies «critiques» étaient en moyenne détectées quotidiennement.
À quelques mois de la mise en service de la plateforme SAAQclic, les «bugs» s'accumulaient, selon un ex-vérificateur interne de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), qui prédisait un lancement à l'image des «Grands feux Loto-Québec».
L'ancien auditeur et spécialiste en informatique, Vincent Poirier, a amorcé mercredi après-midi son témoignage à la commission Gallant, qui enquête sur les ratés du virage numérique de la SAAQ.
M. Poirier a relaté la période de tests qui a précédé le déploiement de SAAQclic en février 2023. Au cours de l'été et de l'automne 2022, plus de 100 anomalies «critiques» étaient en moyenne détectées quotidiennement. Les équipes de développement réglaient environ de 30 à 40 de ces problèmes par jour.
Néanmoins, les «bugs» s'accumulaient, a indiqué M. Poirier au commissaire Denis Gallant.
«Il faut comprendre qu'il s'en est réglé beaucoup et il s'en est activé beaucoup. Le bassin d'anomalies non réglées, dont je me souviens, était minimalement de 1200», soit des «comportements non souhaités qui sont dommageables pour les services», a expliqué M. Poirier.
Malgré des difficultés persistantes, le feu vert a été donné pour lancer «la production», mettant fin ainsi à la période de tests, a indiqué celui qui est aujourd'hui architecte logiciel au ministère de la Sécurité publique.
Lorsque son patron à la vérification interne lui a demandé au cours cette même période comment s'annonce le déploiement de la plateforme, M. Poirier a dit lui avoir offert cette image: «On va assister aux Grands feux Loto-Québec. Ça va péter de partout».
«Tous les éléments me laissaient présager que ça ne marcherait pas. Je ne pouvais pas dire à quelle ampleur», a mentionné M. Poirier, qui avait travaillé quelques mois au bureau de projet CASA, qui comprend SAAQclic, avant de faire partie de l'équipe de vérification interne de 2021 à 2024.
Rappelons que le déploiement raté de SAAQclic avait provoqué des files monstres devant les succursales de la SAAQ. Le projet de modernisation technologique de la société d'État pourrait coûter minimalement plus de 1,1 milliard $ d'ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu, selon le vérificateur général.
Sur le terrain à l'automne 2022, M. Poirier se souvient d'avoir croisé des informaticiens «épuisés» ou même en «pleurs» face à l’ampleur des problèmes.
Le témoignage de M. Poirier doit se poursuivre jeudi matin.
Plus tôt mercredi, celui qui a été le patron de M. Poirier a conclu son témoignage à la commission d'enquête. Daniel Pelletier, ancien directeur de la vérification interne à la SAAQ, a proposé quelques pistes de solutions pour améliorer la gouvernance de la société d'État.
L'une de ses recommandations vise à réduire les nombreuses responsabilités relevant de la vice-présidence aux technologies de l'information (TI).
Au moment où il occupait ce poste, Karl Malenfant était responsable du projet informatique CASA/SAAQclic. Il avait également sous sa responsabilité la direction des ressources humaines ainsi que celle des ressources matérielles et immobilières, après une réorganisation en 2020.
«C'est beaucoup, beaucoup de responsabilités dans les mains d'une seule personne», a évoqué M. Pelletier.
Plusieurs des tâches regroupées sous ces rôles sont «incompatibles», a souligné M. Pelletier. Selon lui, la responsabilité d'un bureau de grands projets, comme celui pour le développement de la plateforme SAAQclic, «devrait être un peu éloignée» du vice-président aux TI, et «mettre une touche d'indépendance».
Le comptable à la retraite a aussi soumis une proposition concernant la nomination des membres sur le conseil d'administration. M. Pelletier a déploré le manque d'écoute et le sentiment d'hostilité de certains administrateurs à l'égard des auditeurs internes au cours du projet CASA.
«Les vérificateurs, nous étions leurs yeux et leurs oreilles sur le terrain», a-t-il affirmé.
«Au moment où on se parle, l'histoire nous donne raison, a-t-il poursuivi. Pour parler en langage de baseball, on a une moyenne de 1000 au bâton, ce qui n'est pas rien. Pourquoi les administrateurs n'ont-ils pas écouté plus que ça? Pourquoi il fallait toujours se battre pour aller faire entendre ce qu'on avait à dire?»
M. Pelletier a témoigné ces derniers jours à la commission Gallant. Il a notamment révélé que son équipe de vérification avait levé plusieurs drapeaux rouges au conseil d'administration sur des lacunes potentielles et les dépassements de coûts à venir avant le lancement de SAAQclic.
M. Pelletier souhaiterait un processus de nomination des administrateurs «beaucoup plus serré», ne se basant pas seulement sur des références.
Il a aussi appelé à une meilleure indépendance de la direction de la vérification interne face au PDG de la SAAQ. M. Pelletier a suggéré que le patron des vérificateurs internes relève du secteur juridique plutôt que de la haute direction sur le plan administratif.