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Ils lanceront un appel urgent en faveur d’une action accrue du Canada en ce qui concerne l’aide consulaire, le rapatriement de Canadiens et l'engagement de ressources supplémentaires.
Une délégation de la société civile qui a visité les camps de prisonniers syriens demande à Ottawa d'accorder une assistance consulaire immédiate aux détenus canadiens et de rapatrier rapidement tous les citoyens souhaitant revenir au Canada.
La délégation de quatre membres dit avoir tenu des réunions avec des responsables et visité un certain nombre d’hommes, de femmes et d’enfants canadiens, ainsi que des mères non canadiennes d’enfants canadiens, détenus dans des camps et des centres de détention syriens.
Ces Canadiens font partie des nombreux ressortissants étrangers détenus dans des centres délabrés gérés par les forces kurdes, qui ont repris des mains du groupe Daech (groupe militant État islamique en Irak et au Levant) la région ravagée par la guerre.
Les membres de la délégation, dont la sénatrice Kim Pate, souhaitent également que le Canada délivre des permis de séjour temporaires pour garantir que les mères non canadiennes et les frères et sœurs d'enfants canadiens puissent voyager au Canada.
La délégation de la société civile a tenu une conférence de presse, jeudi, à Ottawa, pour faire rapport de sa récente visite de cinq jours dans le nord-est de la Syrie.
Plus tôt cette année, le gouvernement fédéral a refusé une offre de la délégation d’aller en Syrie au nom d’Ottawa pour rapatrier les Canadiens détenus.
Les membres affirment que le Canada est complice d’un grave échec international en matière de droits de la personne en raison de sa politique consistant essentiellement à entreposer des milliers de ressortissants étrangers, dont plus de la moitié sont des enfants.
«Nous sommes extrêmement préoccupés par ce que nous avons vu, ce que nous avons vécu et ce que nous avons entendu sur le terrain pendant que nous étions là-bas, a déclaré Mme Pate lors d'une conférence de presse jeudi. Rien dans ma vie professionnelle ne m'a préparé à l'expérience que j'ai vécue au cours des dernières semaines.»
Interrogé sur les pressants appels à l’action de la délégation, Affaires mondiales Canada a évoqué un cadre politique de 2021 pour décider de fournir ou non une aide extraordinaire aux Canadiens dans le nord-est de la Syrie.
Le ministère a déclaré que les responsables consulaires canadiens restent activement engagés auprès des autorités kurdes, des organisations internationales opérant dans la région et de la délégation récemment revenue pour obtenir des informations et une assistance aux citoyens canadiens.
La mission humanitaire comprenait également Alex Neve, chercheur principal à l'Université d'Ottawa, le diplomate canadien à la retraite Scott Heatherington et Hadayt Nazami, avocat spécialisé en immigration et droits de la personne.
La délégation a déclaré avoir interrogé une Canadienne et trois femmes non canadiennes, qui ont parmi elles 13 enfants, détenues dans le camp d'al-Roj.
Le gouvernement canadien a dit aux femmes qu'elles ne seraient pas autorisées à se rendre au Canada, mais que leurs enfants pourraient y aller sans elles, a indiqué la délégation dans un résumé de sa visite.
«Elles ont communiqué à la délégation une série de défis auxquels elles sont confrontées dans le camp, notamment la scolarisation de leurs enfants, ainsi qu'un certain nombre de graves problèmes de sécurité et de santé», a-t-on indiqué.
La délégation a également rencontré deux Canadiens détenus en Syrie, Jack Letts et Muhammad Ali, affirmant que tous deux souhaitent une aide consulaire et pouvoir retourner au Canada.
Tous deux ont des problèmes de santé importants et n'ont reçu aucune visite consulaire ni aucun soutien direct de la part des autorités canadiennes pendant leurs cinq années de détention, a indiqué la délégation.
«Ils ont clairement indiqué qu'ils étaient prêts et qu'ils accueilleraient l'occasion de répondre à toute accusation selon laquelle ils auraient commis des actes liés au terrorisme ou de faire face à toute autre accusation criminelle, par le biais de procédures équitables dans le système judiciaire canadien», indique le résumé de la visite.
La délégation ajoute que les deux hommes ont été interrogés ou questionnés à plusieurs reprises par des agents du renseignement américain ou de la police, qui, selon eux, appartenaient principalement à la police fédérale américaine (FBI). «L'un des hommes a également été interrogé par des responsables du renseignement de deux autres pays. À leur connaissance, aucun des deux hommes n'a été interrogé par des responsables du renseignement canadien ou par les forces de l'ordre du Canada.»
Les membres de la délégation espéraient voir sept autres hommes canadiens qui seraient détenus en Syrie, mais l'accès ne leur a pas été accordé.
«De nombreux Canadiens pourraient être tentés de conclure que ces individus sont les auteurs de leur propre malheur, a déclaré M. Heatherington. Mais ce qui était clair pour nous, c'est qu'il n'y a pas de scénario commun quant à comment ou pourquoi ces individus se sont retrouvés dans le nord-est de la Syrie au moment où la région était sous l'emprise cruelle du contrôle (de Daech).»
La délégation a soutenu que les autorités de la région veulent s'assurer que les Syriens et les ressortissants étrangers détenus sont traités par un système judiciaire conforme aux normes internationales. Elles se préparent à entamer les procès de ressortissants étrangers, qui impliquent entre 4000 et 5000 prisonniers, avec un effectif d'environ 30 juges du tribunal antiterrorisme, indique le résumé.
«Il est presque impossible d'imaginer que cela soit viable sans s'étendre sur des décennies», a déclaré M. Neve, ancien secrétaire général d'Amnistie internationale Canada, lors de la conférence de presse.
La mère de Jack Letts, Sally Lane, se dit «ravie» d'apprendre des nouvelles de son fils après des années de silence, même si elle dit qu'il «tient à peine le coup» dans une prison syrienne.
Mme Lane, qui fait depuis longtemps pression sur Ottawa pour l'aider à rapatrier son fils, a déclaré qu'elle ne saurait assez remercier la délégation pour ce qu'elle a accompli.
«Savoir qu'ils ont réussi à voir et à parler à Jack alors qu'il est resté inaccessible pendant si longtemps, et qu'il sache qu'il y a des gens qui se soucient de lui, est un développement massif dans notre lutte pour le ramener à la maison», a-t-elle déclaré à La Presse Canadienne.
«Jack tient à peine le coup. Lui et les autres ressortissants canadiens ont dû endurer ce qu'aucun être humain ne devrait jamais avoir à endurer.»
Mme Lane a déclaré qu'on lui avait dit que son fils avait une question directe à poser à la délégation canadienne: «Il leur a demandé d'être francs avec lui et de lui dire s'il sera encore là dans dix ans.»
Le gouvernement canadien doit abandonner sa «campagne cruelle contre les familles qui veulent simplement mettre fin à ce cauchemar et ramener nos proches à la maison, a déclaré Mme Lane. Nous avons tous assez souffert.»
Ottawa a aidé à rapatrier des femmes et des enfants de Syrie, mais il n'a montré aucune volonté de rapatrier des hommes canadiens.
Les avocats de M. Letts et de trois autres Canadiens détenus dans des conditions sordides en Syrie s'adressent à la Cour suprême du Canada pour dénoncer qu’Ottawa choisit quels citoyens aider ou non, ce qui est en violation de leurs droits constitutionnels.
Dans une requête présentée au plus haut tribunal du pays, les avocats soutiennent que leurs clients seront libérés si le Canada en fait la demande et facilite leur rapatriement, comme il l’a fait pour d’autres citoyens.
Ils demandent donc à la Cour suprême d’entendre une contestation d’une décision de la Cour d’appel fédérale, rendue en mai, selon laquelle le gouvernement fédéral n’est pas tenu par la loi de rapatrier ces quatre hommes.
Les quatre hommes ne peuvent pas retourner au Canada ou y entrer seuls, et ils ont besoin que le gouvernement canadien prenne des mesures pour leur permettre d’exercer ce droit, précise la requête.
La Cour suprême décidera dans les semaines à venir si elle entend l’appel.