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Santé

Le gouvernement fédéral peine à se départir de ses coûteuses UMS

Ces hôpitaux de campagne déployables ont été conçus pour traiter les cas graves de maladies respiratoires et visaient à pallier le débordement des hôpitaux.

Un hôpital de campagne avait été établi dans le stationnement de l'hôpital Sunnybrook à Toronto, le 31 mars 2021.
Un hôpital de campagne avait été établi dans le stationnement de l'hôpital Sunnybrook à Toronto, le 31 mars 2021.
/ La Presse canadienne

Le gouvernement fédéral prévoit dépenser environ 7 millions $ cette année pour l'entreposage et l'entretien de quatre hôpitaux mobiles faits sur mesure, dont l'acquisition a coûté plus de 200 millions $ aux contribuables. Ces installations étaient destinées à soutenir les hôpitaux débordés pendant la pandémie de COVID-19 — elles ont finalement été assez peu utilisées.

Au début de la pandémie, alors que le gouvernement fédéral s'activait pour répondre à toute vitesse à la crise sanitaire mondiale, il a passé des commandes d'urgence pour ces unités de santé mobiles (USM).

Ces hôpitaux de campagne déployables ont été conçus pour traiter les cas graves de maladies respiratoires et visaient à pallier le débordement des hôpitaux.

Ils sont désormais placés en entrepôts, dans les municipalités ontariennes de Brockville et à Chesterville, et le gouvernement fédéral dépense des millions de dollars chaque année pour les y entretenir.

Des documents obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information révèlent que se décharger de ces structures massives et techniquement complexes — déployées pendant la pandémie, mais n'ayant finalement accueilli qu'une poignée de patients — s'avère être une tâche longue et difficile.

Les mêmes documents laissent entendre également qu'Ottawa négocie des accords de vente ou de don de ses USM depuis l'année dernière, et que GCSurplus, qui gère les actifs excédentaires du gouvernement fédéral, «a pour objectif de liquider les deux entrepôts d'ici septembre 2025».

 

Bien que les prévisions de coûts des USM pour 2025-2026 aient été expurgées des documents, le gouvernement fédéral a indiqué qu'il prévoyait consacrer de 12 à 18 mois et 8,4 millions $ en frais d'entretien avant de céder les installations à de nouveaux propriétaires.

«Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) étudie activement plusieurs pistes de cession des actifs des unités mobiles de santé», a fait savoir Nicole Allen, porte-parole du ministère, dans un courriel. «Cela comprend le transfert des actifs à d'autres ministères fédéraux, la vente d'actifs et le don d'actifs à des organismes admissibles et à d'autres paliers de gouvernement au Canada.»

Les quatre unités occupent l'espace de 588 semi-remorques et nécessitent un accès constant à l'électricité pour réfrigérer les médicaments. Le déploiement complet d'une unité peut prendre environ sept semaines. Le déplacement d'une de ces unités nécessite 75 camions de transport, soit presque autant que le nombre de véhicules utilisés par Taylor Swift pour sa tournée Eras.

Difficile de trouver des intéressés

Des documents montrent que SPAC a eu du mal à obtenir rapidement l'approbation nécessaire pour se débarrasser des unités, après avoir appris que les endroits où il était prévu les décharger disposaient déjà de versions plus petites.

«SPAC a saisi toutes les occasions de faire don des USM, notamment en collaborant avec Affaires mondiales Canada et la Défense nationale pour soutenir des situations comme celles en Ukraine, en Turquie, au Moyen-Orient et en Libye. Le ministère a également reçu des demandes de renseignements de la part d'administrations municipales, comme celles de Toronto et Ottawa, afin d'alléger temporairement les situations d'itinérance», indique une note interne du gouvernement.

«Dans tous les cas, il a été déterminé que les USM ne répondaient pas aux besoins pour diverses raisons, notamment la taille des unités, la grande complexité de leur déploiement, la configuration de l'équipement, les coûts d'entretien importants de ces unités, etc.»

 

Affaires mondiales Canada a indiqué qu'il n'y avait aucun avantage à conserver les unités ou à les donner à la branche internationale de la Croix-Rouge. Le gouvernement a estimé que les installations «ne seraient pas pratiques pour des déploiements internationaux à des fins humanitaires», selon une ébauche de présentation interne de Sécurité publique datant de 2023.

La Croix-Rouge canadienne dispose de ses propres USM, plus petites et pouvant être déployées rapidement, tandis que les Forces armées canadiennes disposent d'une structure de 50 lits qui ne comprend pas d'unité de soins intensifs ou d'équipements médicaux de pointe.

Au printemps 2020, le début de la pandémie, Ottawa avait alloué jusqu'à 300 millions $ pour ces unités, en accordant deux contrats — l'un à Weatherhaven et l'autre à SNC-Lavalin, en coentreprise avec Pacific Architects and Engineers — pour leur construction.

Les documents indiquent que leur achat a fait l'objet d'un «appel d'offres restreint» et que les entreprises ont été choisies parce qu'elles avaient réalisé des «types de structures similaires» pour la Défense nationale.

En date du 3 janvier 2024, Ottawa avait versé 124,9 millions $ à Weatherhaven Global Resources Inc. et 82,1 millions $ à SNC-Lavalin-PAE pour la construction des unités, selon une note interne.

Des courriels internes montrent que les responsables de l'approvisionnement étaient frustrés, car ils devaient continuer à gérer les structures alors que leur financement lié à la pandémie s'épuisait. Les unités devaient être expédiées à un autre ministère, comme la Défense nationale ou l'Agence de la santé publique du Canada. Aucun autre ministère n'en voulait.

Le ministère des Finances a demandé à SPAC d'essayer de se départir des actifs en octobre 2022. Le 18 décembre 2023, le Comité des sous-ministres sur la gestion des urgences, qui avait initialement approuvé l'achat rapide des unités de santé en 2020, a approuvé un plan pour s'en débarrasser.

Une note ministérielle datée du 27 février 2024 et signée par le ministre des Services publics de l'époque, Jean-Yves Duclos, les déclarait excédentaires et autorisait GCSurplus à les vendre à un prix inférieur à leur valeur marchande, à mettre les sous-composants sur le marché ou à en faire don.

En novembre 2023, un responsable des achats a déclaré qu'il est décourageant qu'il ait fallu attendre un an après avoir recommandé les prochaines étapes pour que des fonctionnaires de haut niveau fassent avancer le dossier, pour finalement revenir à la case départ sans plan de désinvestissement ou sans que les biens soient déclarés excédentaires.

Un investissement peu utilisé

Ottawa a commandé deux de ces unités en 2020. Puis, lors de la deuxième vague de la pandémie en 2021, l'Ontario a demandé au gouvernement fédéral l'autorisation de les utiliser, ce qui a conduit le gouvernement fédéral à en commander deux autres.

Les deux unités envoyées en Ontario ont été déployées temporairement à Sunnybrook Health Sciences, à Toronto, et à Hamilton Health Sciences.

Aucun de ces deux systèmes n'a été utilisé pour gérer le débordement critique des hôpitaux, selon des documents fédéraux. Celui de Sunnybrook a tout de même accueilli 32 patients «à faible risque», selon un reportage de 2021.

D'autres provinces n'ont pas souhaité en faire la demande, car — selon la note de service du ministre Duclos de 2024 — «la taille (capacité) et la conception des unités rendaient leur déploiement et leur démontage complexes et trop longs», et les provinces manquaient de professionnels de la santé capables de les faire fonctionner.

Le système de concentration d'oxygène de l'une des unités a été déployé à l'hôpital territorial Stanton de Yellowknife, puis transféré dans un hôpital des Territoires du Nord-Ouest en 2022.

Le gouvernement fédéral a fait don des fournitures périmées des unités à des écoles et a transféré une partie de leurs équipements médicaux à la Réserve nationale stratégique d'urgence.

/ La Presse canadienne