À 1 h 00 du matin, le Bloc avait remporté 20 circonscriptions et était en avance dans trois autres, soit 10 de moins que les 33 sièges qu'il comptait à la dissolution de la Chambre.
Des sièges bloquistes pourtant réputés solides ont été ravis par le Parti libéral (PLC) dans les banlieues de la région métropolitaine, tandis que les espoirs de conquête du Bloc dans des comtés adverses ne se sont pas autant matérialisés qu'espéré.
Par contre, un gouvernement Carney pourrait avoir à négocier avec les bloquistes pour faire adopter ses lois et rester au pouvoir, parce qu'il lui manquerait une dizaine de sièges pour une majorité.
Et le chef bloquiste Yves-François Blanchet a bien fait comprendre qu'il allait monnayer son appui.
«Il se pourrait que dans l'Histoire prochaine du Québec et du Canada, les enjeux que nous avons identifiés ne deviennent incontournables pour le gouvernement du Canada», a-t-il affirmé dans son discours devant une poignée de militants dans une salle de Montréal, un peu avant 1 h 00 du matin, au terme d'une soirée éprouvante pour sa formation.
Le leader souverainiste laissait ainsi entendre qu'il avait bien l'intention d'imposer ses priorités au prochain gouvernement en échange de son appui en Chambre pour rester au pouvoir.
«Nous imposerons incontestablement la réalité que le Québec est une nation française, laïque, responsable en matière d'immigration réussie.»
Il assuré qu'il prenait la mesure de la responsabilité qui revenait à son groupe parlementaire, en vue des choix déterminants à venir.
«Le Canada devra à chaque question qui sera posée s'assurer que l'intérêt du Québec soit respecté (...), à défaut il n'y aura pas d'appui du Bloc québécois.»
Certains fiefs du 450 traditionnellement bloquistes sont tombés, alors que pourtant le chef Yves-François Blanchet y a fait beaucoup campagne dans ce marathon électoral dominé par le thème de la guerre commerciale avec les États-Unis.
Le député bloquiste Luc Desilets dans Rivière-des-Mille-Îles, sur la rive nord, a été emporté par la libérale Linda Lapointe, tandis que dans Thérèse-De-Blainville, la bloquiste Marie-Noëlle Closson-Duquette a été vaincue par la libérale Madeleine Chenette.
Dans la circonscription de La Prairie-Atateken, en Montérégie, l'élu bloquiste Alain Therrien, un des piliers du caucus, a été battu par libéral Jacques Ramsay.
Denis Trudel, dans Longueuil-Saint-Hubert, traînait de l'arrière par quelques centaines de voix.
Mont-Saint-Bruno-L'Acadie, une nouvelle circonscription de Montérégie, est passée dans le giron libéral.
Sur la rive nord, le Bloc était à peine en avance dans Terrebonne, 28 voix, mais le PLC a enlevé Thérèse-de Blainville.
Par contre, dans Repentigny, le nouveau candidat bloquiste, Patrick Bonin, auparavant une figure de proue du mouvement écologiste, a réussi à garder le siège de Monique Pauzé qui s'est retirée de la politique.
Un peu plus haut dans les Laurentides, un espoir du Bloc, la nouvelle circonscription de Les Pays d'en Haut, a été raflée facilement par le PLC.
Sur l'île de Montréal, le gain fait par le Bloc en 2024 dans la circonscription de Verdun contre le PLC a été effacé: les libéraux ont regagné leur ancien fief.
Ailleurs aussi, le PLC faisait des percées au détriment du Bloc.
Dans Trois-Rivières, la libérale Caroline Desrochers a dégommé le bloquiste René Villemure, qui a fini troisième.
Dans la région de Québec, dans Beauport-Limoilou, la bloquiste Julie Vignola a plié devant le libéral Steeve Lavoie.
Caroline Desbiens, de Montmorency-Charlevoix, avait 900 voix de retard sur le candidat conservateur.
Plus au nord, dans Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou, le PLC a fait tomber la bloquiste Sylvie Bérubé.
«Vous avez retenu une vague avec vos mains», a salué M. Blanchet en hommage à ses candidats et militants.
Mince consolation, le Bloc a réussi à déloger la députée libérale sortante Diane LeBouthillier dans Gaspésie-Les-Îles-de-la-Madeleine-Listuguj, avec son candidat vedette Alexis Deschênes.
Et certaines des terres bloquistes ont résisté. Christine Normandin a été réélue dans Saint-Jean, comme son collègue Xavier Barsalou-Duval, dans Pierre Boucher-Les Patriotes.
Dans Berthier-Maskinongé, le bloquiste Yves Perron a été réélu alors qu'il affrontait l'ex-députée néo-démocrate Ruth Ellen Brosseau.
En Estrie, dans Shefford, la députée bloquiste sortante Andréanne Larouche était en avance.
Le doyen Louis Plamondon, dans Bécancour-Nicolet-Saurel-Alnôbak, a été réélu avec aisance.
Le chef bloquiste Yves-François Blanchet, dans Beloeil-Chambly, et son collègue Alexis Brunelle Duceppe, dans Lac-Saint-Jean, ont été facilement réélus aussi.
Au Saguenay, le Bloc visait la circonscription de Chicoutimi-Le-Fjord, détenue par le conservateur Richard Martel, mais le candidat bloquiste Marc St-Hilaire n'a pas réussi à le déloger.
Cette campagne a été pour le moins singulière, dominée par la guerre commerciale avec les États-Unis, ce qui a contribué à la mise en valeur du gouvernement sortant de Mark Carney, mais à la marginalisation des partis d’opposition, particulièrement le Bloc au Québec, mais aussi le Nouveau Parti démocratique (NPD) dans le reste du pays.
Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a déploré à quelques reprises le détournement de la campagne par l'enjeu de la guerre des droits de douane, au détriment des autres enjeux qu'il jugeait importants.
Il a investi des efforts notamment dans les circonscriptions libérales de Gaspésie-Les-Îles-de-la-Madeleine-Listuguj, de Brome-Missisquoi et Châteauguay-Les-Jardins-de Napierville, qui lui avait échappé de peu en 2021.
Le Bloc n'a pas encore réussi à enlever ces deux dernières circonscriptions.
En 2019, aux premières élections où Yves-François Blanchet était aux commandes du Bloc, il avait récolté 32 sièges, 41 % des voix au Québec (1 387 000 de votes), par rapport aux 10 récoltés en 2015 avec Gilles Duceppe.
En 2021, malgré ses espoirs d’augmenter son score, il avait stagné à 32 sièges de nouveau, encore à 41 % des voix (1 301 000 de votes, donc 80 000 votes de moins).
À 1 h 30 lundi soir, on créditait au Bloc 1 124 000 voix.
En 2021, M. Blanchet s’était risqué à rêver à haute voix de gagner une quarantaine de sièges. Ses espoirs avaient alors été déçus. En 2025, il a été beaucoup plus prudent.
«Il y a plus de chances que le Bloc ait 35 sièges que de chances que Pierre Poilievre soit premier ministre», a-t-il déclaré toutefois durant la campagne de cette année, au lendemain du débat en anglais.