Début du contenu principal.
«On sait que des sanctions, ce n'est pas assez en soi, mais il faut faire très attention qu'une intervention soit acceptable pour le peuple (haïtien) et pour l'aider», a mentionné Justin Trudeau.
Le premier ministre Justin Trudeau signale que son gouvernement cherche un «consensus» sur la meilleure façon d'apporter un soutien international à Haïti qui soit «acceptable» aux yeux de son peuple, pendant que l'ambassadeur haïtien au Canada estime que le pays est «bien placé» pour jouer un rôle de premier plan.
«Le Canada est très bien placé pour conduire ce qui pourrait être une mission internationale qui serait déployée en Haïti pour aider les autorités à répondre à ce besoin immédiat de sécurité», a dit mercredi l'ambassadeur Wien Weibert Arthus en témoignant devant le comité des Affaires étrangères de la Chambre des communes.
Quelques heures plus tôt, M. Trudeau indiquait qu'une mission canadienne récemment rentrée au pays avait permis de recueillir «beaucoup d'information» et que son gouvernement s'affairait à trouver la meilleure avenue à prendre.
«On sait que des sanctions, ce n'est pas assez en soi, mais il faut faire très attention qu'une intervention soit acceptable pour le peuple haïtien et pour l'aider», a-t-il dit avant de prendre part à la réunion hebdomadaire de son caucus.
À lire également:
La semaine dernière, le secrétaire d'État américain, Anthony Blinken, avait souligné durant son passage au Canada que des discussions étaient en cours au sujet d'une intervention militaire multilatérale en Haïti.
«On comprend à quel point il y a beaucoup d'Haïtiens qui ne veulent pas voir de l'intervention internationale, a poursuivi M. Trudeau. C'est une réalité. En même temps, on regarde la crise, les viols, la violence, la pauvreté, le choléra, la crise sanitaire et on se dit ''Il faut qu'on intervienne d'une façon ou d'une autre''.»
Durant sa comparution, l'ambassadeur Arthus a confirmé qu'il est difficile pour bien des Haïtiens d'accepter une implication d'intervenants étrangers pour une sortie de crise, mentionnant que des missions antérieures ont laissé de «mauvais souvenirs» derrière elles.
«Je vois donc une occasion - certes pas des plus heureuses - , mais une occasion quand même d'activer la solidarité internationale canadienne à l'égard d'Haïti», a-t-il plaidé.
Il a insisté sur le fait qu'il considère qu'une mission internationale doit permettre des changements durables pour le peuple haïtien.
«Cette solidarité ne doit pas se confiner au seul problème de sécurité. Elle doit s'élargir à des projets de construction ou reconstruction du pays», a-t-il résumé.
L'ambassadeur a évoqué qu'une éventuelle mission militaire devrait inclure l'envoi d'ingénieurs parmi les troupes, soulignant au passage les douze années passées depuis le séisme dévastateur de 2010 en Haïti. Il a aussi fait valoir que des investissements dans l'économie du pays sont nécessaires pour s'assurer, entre autres, que les jeunes Haïtiens joignent le marché du travail plutôt que de s'impliquer dans des gangs.
Or, plusieurs élus siégeant au comité des Affaires étrangères ont relevé que le gouvernement haïtien actuel n'était pas élu et que des élections n'ont pas eu lieu depuis des années. D'autres ont mentionné la corruption rampante et les liens entre les bandes armées et le monde politique.
«Est-ce que le gouvernement canadien devrait regarder (à sanctionner) des politiciens des gouvernements antérieurs y compris l'actuel gouvernement (en cherchant ceux qui sont) corrompus (et) qui financent les gangs armés en Haïti?», a demandé le député libéral Emmanuel Dubourg, qui est d'origine haïtienne.
L'ambassadeur a répondu que «toutes les personnes qui financent les gangs doivent être sanctionnées».
Il a toutefois été moins loquace quand M. Dubourg lui a demandé de préciser si la demande d'intervention faite par le premier ministre Henry était un «aveu d'échec» voulant que le gouvernement actuel n'ait pas la capacité de diriger le pays. «Prochaine question», a répondu M. Arthus en reprenant la formule que le député lui avait suggéré d'emprunter si une question le rendait inconfortable en tant que diplomate.
Le bloquiste Stéphane Bergeron a aussi évoqué la «légitimité hautement remise en question» du premier ministre Henry, soulignant que les membres de la diaspora haïtienne envoient des messages discordants aux élus fédéraux sur une possible intervention internationale en Haïti. Plusieurs appuient ce scénario et d'autres veulent absolument l'éviter, a-t-il noté.
«Comment on est en mesure de nous assurer que la demande qui a été adressée par le gouvernement haïtien correspond à ce que les Haïtiennes et Haïtiens veulent?», a-t-il lancé.
L'ambassadeur a admis que le consensus est «difficile» à obtenir, mais a défendu la légitimité du gouvernement actuel.
«Je dois reconnaître qu'on n'est pas, en Haïti, dans une situation complètement constitutionnelle, mais on a quand même un gouvernement en place. On a un premier ministre qui est reconnu sur le plan international», a-t-il dit.
La néo-démocrate Heather McPherson a rétorqué que «la réalité est qu'il est un leader non élu», pressant M. Arthus de préciser quelles sont les discussions en cours avec l'opposition et la société civile pour assurer une transition vers des élections prochaines.
L'ambassadeur a répondu qu'il revenait à toutes les parties de s'entendre tout en affirmant que M. Henry tient des négociations «même depuis l'année dernière».
Ce gouvernement, en place depuis l'assassinat du président Jovenel Moïse survenu en juillet 2021, argue que des élections ne peuvent avoir lieu en période d'instabilité. On a d'abord cité comme raison la pandémie de COVID-19, puis les violences armées répandues.
Le pays est actuellement confronté à des violences perpétrées par des bandes armées, à de l'insécurité alimentaire et à une éclosion de choléra.
Le secrétaire d'État américain Blinken a indiqué que la mission contemplée viserait à soutenir les forces de police haïtiennes débordées. «Nous discutons entre nous, mais aussi avec de nombreux autres pays pour savoir qui pourrait participer à une telle mission, et qui la dirigera», avait-il mentionné durant son séjour au Canada.
À ses côtés, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, avait réclamé une «trêve humanitaire».
«Le Canada continue de suivre de près la situation et nous favoriserons toujours des solutions par et pour les Haïtiens», avait-elle déclaré.
En comparaissant en comité parlementaire lundi, l'ambassadeur canadien en Haïti, Sébastien Carrière, a dit qu'aucune décision n'avait encore été prise sur le rôle que jouera le Canada dans une future intervention internationale.
Il a néanmoins affirmé que bien des gens en Haïti et dans la région des Antilles espèrent que le Canada assumera un rôle de leader dans le soutien à ce pays.
Avec des informations de Dylan Robertson