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La violence de l’attaque l’a rendu méconnaissable, selon plusieurs témoignages recueillis par Noovo Info.
L’agent correctionnel qui a été tabassé au centre de détention de Sorel-Tracy pourrait perdre l’usage de ses yeux et son état pourrait laisser craindre d’autres lésions graves, selon ce qu’a appris Noovo Info lundi auprès de plusieurs sources du milieu carcéral. La violence de l’attaque survenue dimanche l’a rendu méconnaissable, selon plusieurs témoignages.
Les policiers de la MRC de Pierre-De Saurel ont été appelés au centre de détention de Sorel-Tracy dimanche vers 15h30 après l’agression. Selon nos informations, l'agent a été blessé à la tête à l’aide d’une arme artisanale.
L’agent aurait reçu une quinzaine de coups. À la suite de l’agression, il a été réanimé sur place et transporté dans un centre hospitalier pour de graves blessures.
Au moment d’écrire ces lignes, son état était stable, mais jugé «critique», a précisé Camille Savoie, porte-parole pour la Sûreté du Québec (SQ). Des sources consultées par Noovo Info confirment cette situation.
Kaven Plourde, le détenu qui est suspect dans cette affaire, est un homme de 39 ans. Il devait être rencontré par des enquêteurs dans les dernières heures. Il a été transféré à la prison de Bordeaux, l'établissement de détention de Montréal.
Plourde était incarcéré en attendant sa comparution le 12 février prochain dans une affaire de voies de fait survenue à Sherbrooke et qui remonte à mars 2023. Ce détenu a reçu un diagnostic de schizophrénie quand il avait 17 ans et a un lourd passé de toxicomanie. Son casier judiciaire est garni de nombreux dossiers.
«En 2002, alors qu’il est âgé de 17 ans, il a vécu un premier épisode de psychose, suivi d’un diagnostic de schizophrénie. Après une seconde hospitalisation la même année, on mentionne une difficulté à accepter sa maladie, ce qui s’est reflété sur ses comportements pendant un certain temps», peut-on lire dans un jugement qui date d’avril 2022.
À l’époque, la juge Julie Beauchesne lui avait imposé une peine de détention de 24 mois moins le temps préventif de 14 mois avec probation de trois ans après son incarcération pour s’être livré à des voies de fait contre une dame de 82 ans dans une tentative de vol résidentiel à Granby et s’en être pris au policier qui avait procédé à son arrestation.
«Son parcours scolaire s’est bien déroulé jusqu’à son arrivée au secondaire où la consommation a interféré avec son implication scolaire», peut-on lire dans cette décision.
Selon ce jugement, il a été hospitalisé plusieurs fois au fil des années et a été suivi par des équipes de professionnels en santé mentale. Il a tenté de mettre fin à sa dépendance à des substances toxiques et a d’ailleurs déjà été en centre de thérapie avant de «quitter promptement».
En ce qui concerne les événements de mars 2023, la police de Sherbooke a indiqué que Plourde était «en crise» dans un hôpital quand il a commis des gestes violents. Une plainte officielle a été déposée le 5 avril suivant. Un mandat provincial d’arrestation avait été émis, comme il n'avait pas respecté ses conditions de probation. Il est détenu depuis.
En ce qui concerne l'agression de Sorel-Tracy, le moment de la comparution de Plourde était encore à déterminer au moment d'écrire ces lignes.
L'enquête est dans les mains de la division des crimes majeurs de la SQ et les équipes du corps policier sont sur place.
À VOIR ÉGALEMENT | «L’enfer» derrière les murs du pénitencier de Donnacona
Au ministère de la Sécurité publique, on fait confiance aux autorités policières dans ce dossier. «Nous dénonçons évidemment les attaques contre les agents des services correctionnels», a commenté le cabinet du ministre François Bonnardel par écrit. «Ils jouent un rôle important pour sécuriser nos établissements et nous allons laisser les policiers mener leur enquête pour pouvoir accuser et punir le criminel qui s’est attaqué à un de nos agents.»
Cependant, le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec critique les décisions du ministère de la Sécurité publique en matière de sécurité dans les centres de détention. Mathieu Lavoie calcule que «pour les trois dernières semaines, on a eu quatre agressions connues dans nos établissements de détention, dont deux dans la région de Montréal».
«On a interpellé nos vis-à-vis, on a interpellé le ministère pour qu’il agisse. Ils sont en réflexion. Il n’est plus le temps de réfléchir, il est temps d’agir», a commenté M. Lavoie, déplorant qu'il y a longtemps que les agents correctionnels demandent de prioriser la sécurité avant le service aux personnes incarcérées.
Selon le syndicat, le drame survenu à Sorel-Tracy met en lumière une réalité qu'il dénonce depuis «des années»: «le manque de personnel flagrant dans nos établissements est une bombe à retardement».
Le syndicat affirme par voie de communiqué avoir prévenu les acteurs concernés que «cette situation critique allait mener à de graves incidents». «Malheureusement, aujourd'hui, cela s'est produit», déplore le syndicat, qui qualifie cette situation «d'inacceptable».
Ces événements surviennent aussi quelques jours après la publication sur les réseaux sociaux d’une lettre d’un agent correctionnel démissionnaire du pénitencier à sécurité maximale de Donnacona – qui est, il faut le dire, de juridiction fédérale et non provinciale. Dans cette lettre, cet agent a raconté «l’enfer» qu’il a vécu là-bas.
Dans la lettre, le gardien décrit d'ailleurs que la réalité de cet emploi est «bien plus sombre et bien plus violente», qu’il ne l’aurait imaginé.
«Huit surdoses (huit fois, j’ai dû, à genoux, appuyer sur la cage thoracique d’une personne allongée dans une cellule, sa peau translucide, dénouée de toute vie apparente)», peut-on lire dans la lettre.
Carl Ruel, agent correctionnel retraité de la prison de Donnacona, a assuré en entrevue avec le chef d’antenne Jean-Simon Bui au bulletin Noovo Info Québec la semaine dernière que la lettre du gardien démissionnaire «est tout à fait conforme à la réalité».
Avec de l'information d'Olivier Demers, ainsi que la collaboration d'Émeric Montminy et de Laurie Gervais pour Noovo Info.