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Environnement

La Terre est «très malade», prévient une nouvelle étude

Une nouvelle étude prévient que la Terre a dépassé sept des huit limites de sécurité scientifiquement établies et qu'elle est entrée dans la «zone de danger».

Un cygne se tient entre des bouteilles en plastique déversées et des déchets sur le Danube à Belgrade, en Serbie, le 18 avril 2022.
Un cygne se tient entre des bouteilles en plastique déversées et des déchets sur le Danube à Belgrade, en Serbie, le 18 avril 2022.
Seth Borenstein
Seth Borenstein / Associated Press

Une nouvelle étude prévient que la Terre a dépassé sept des huit limites de sécurité scientifiquement établies et qu'elle est entrée dans la «zone de danger», non seulement pour une planète en surchauffe qui perd ses zones naturelles, mais aussi pour le bien-être de ses habitants.

L'étude ne se contente pas d'examiner les garde-fous de l'écosystème planétaire, mais inclut pour la première fois des mesures de «justice», c'est-à-dire de prévention des dommages pour les pays, les ethnies et les sexes. 

L'étude réalisée par le groupe international de scientifiques Earth Commission et publiée la semaine dernière par l'influente revue scientifique Nature porte sur le climat, la pollution atmosphérique, la contamination de l'eau par le phosphore et l'azote due à l'utilisation excessive d'engrais, les réserves d'eau souterraine, les eaux douces de surface, l'environnement naturel non construit et l'environnement naturel et construit par l'homme dans son ensemble.

Seule la pollution de l'air n'a pas atteint le seuil de dangerosité à l'échelle mondiale. La pollution de l'air est dangereuse aux niveaux local et régional, tandis que le climat a dépassé les niveaux nocifs pour les humains en groupe, mais n'a pas tout à fait dépassé la ligne directrice de sécurité pour la planète en tant que système, selon l'étude du groupe suédois.

L'étude a mis en évidence des «points chauds» dans toute l'Europe de l'Est, l'Asie du Sud, le Moyen-Orient, l'Asie du Sud-Est, certaines régions d'Afrique et une grande partie du Brésil, du Mexique, de la Chine et d'une partie de l'Ouest des États-Unis, en bonne mesure en raison des changements climatiques. Environ deux tiers de la Terre ne répondent pas aux critères de salubrité de l'eau douce, ont indiqué les scientifiques à titre d'exemple.

«Nous nous trouvons dans une zone dangereuse pour la plupart des limites du système terrestre», a indiqué Kristie Ebi, la coauteure de l'étude qui est professeure de climat et de santé publique à l'Université de Washington.

Si la planète Terre faisait l'objet d'un bilan de santé annuel, semblable à celui d'une personne, «notre médecin dirait que la Terre est vraiment très malade en ce moment et qu'elle est malade dans de nombreux domaines ou systèmes différents et que cette maladie affecte également les personnes vivant sur Terre», a comparé Joyeeta Gupta, la coprésidente de la Commission de la Terre et professeure d'environnement à l'Université d'Amsterdam, lors d'une conférence de presse.

Il ne s'agit pas d'un diagnostic terminal. La planète peut se rétablir si elle change, notamment son utilisation du charbon, du pétrole et du gaz naturel et la manière dont elle traite la terre et l'eau, ont déclaré les scientifiques.

Mais «nous allons dans la mauvaise direction sur pratiquement tous ces points», a averti l'auteur principal de l'étude, Johan Rockstrom, le directeur de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact du climat, en Allemagne.

«Il s'agit d'un article convaincant et provocateur, dont la méthodologie est scientifiquement solide et qui est important pour identifier les dimensions dans lesquelles la planète s'approche des limites qui nous feraient basculer dans des états irréversibles», a estimé Indy Burke, la doyenne de l'École de l'environnement de Yale, dans un courrier électronique. Elle n'a pas participé à l'étude.

L'équipe d'une quarantaine de scientifiques a créé des limites quantifiables pour chaque catégorie d'environnement, à la fois pour ce qui est sûr pour la planète et pour le point à partir duquel cela devient nuisible pour des groupes de personnes, ce que les chercheurs ont appelé une question de justice.

M. Rockstrom a précisé qu'il considérait ces points comme la mise en place d'une «barrière de sécurité» au-delà de laquelle les risques deviennent plus élevés, mais pas nécessairement mortels.

M. Rockstrom et d'autres scientifiques ont tenté par le passé d'effectuer ce type de mesure holistique des différents écosystèmes interdépendants de la Terre. La grande différence cette fois-ci est que les scientifiques se sont également penchés sur les niveaux local et régional et qu'ils ont ajouté l'élément de justice.

L'élément de justice comprend l'équité entre les jeunes et les anciennes générations, les différentes nations et même les différentes espèces. Elle s'applique souvent aux conditions qui nuisent davantage aux personnes qu'à la planète.

Le changement climatique en est un exemple. 

Le rapport utilise la même limite de 1,5 degré Celsius de réchauffement depuis l'ère préindustrielle que celle convenue par les dirigeants internationaux dans l'accord de Paris sur le climat de 2015. Jusqu'à présent, le monde s'est réchauffé d'environ 1,1 degré Celsius, et n'a donc pas franchi cette barrière de sécurité, ont dit M. Rockstrom et Mme Gupta, mais cela ne signifie pas que des personnes n'en souffrent pas. 

«Ce que nous essayons de montrer dans notre article, c'est que même à 1 degré centigrade, les dégâts sont considérables», a déclaré Mme Gupta, en évoquant les dizaines de millions de personnes exposées à des températures extrêmement élevées. 

Le seuil de sécurité planétaire de 1,5 degré n'a pas été franchi, mais la limite de «seulement» 1 degré, où des gens sont affectés, l'a été.

«La durabilité et la justice sont inséparables», a déclaré Chris Field, le responsable des études environnementales à Stanford, qui n'a pas participé à la recherche. Il a dit qu'il souhaiterait des limites encore plus strictes. «Il n'est pas nécessaire que les conditions dangereuses couvrent une grande partie de la surface de la Terre pour qu'elles soient inacceptables, surtout si elles sont concentrées dans des communautés pauvres et vulnérables et à proximité de celles-ci.»

Lynn Goldman, qui est professeure de santé environnementale et la doyenne de l'école de santé publique de l'Université George Washington, a estimé que l'étude était «plutôt audacieuse», mais elle n'est pas convaincue qu'elle débouchera sur des mesures concrètes.

Seth Borenstein
Seth Borenstein / Associated Press