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Québec annonce une accélération de la formation de constables spéciaux le jour même où les représentants de tous les types d’employés de palais de justice unissent leurs voix à celles des juges en chef pour réclamer un rehaussement de la sécurité.
Québec annonce une accélération de la formation de constables spéciaux le jour même où les représentants de tous les types d’employés de palais de justice unissent leurs voix à celles des juges en chef pour réclamer un rehaussement de la sécurité dans ces édifices.
L’annonce du ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, ne répond toutefois qu’à une portion des demandes formulées jeudi par un regroupement d’une dizaine d’associations représentant notamment les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense et de l’aide juridique, les constables spéciaux et les employés de soutien.
Ce regroupement, un front commun inédit de presque toutes les catégories d’employés œuvrant dans les palais de justice, réclame aussi l’installation d’arches détectrices de métal à l’entrée de tous les palais de justice du Québec.
Demande de tous les acteurs
«Quand on fait notre travail, est-ce qu'on se sent en sécurité? La réponse, c'est non», tranche sans hésiter Guillaume Michaud, président de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, un des 11 groupes signataires d’une lettre à cet effet envoyée jeudi au premier ministre François Legault, au ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, et à M. Bonnardel.
«J'ai déjà fait un procès où l'accusé à côté de moi avait un exacto sur lui. J'ai dû arrêter le procès pour demander aux constables de venir l'enlever», ajoute-t-il en entrevue avec La Presse canadienne.
Plus tôt cette semaine, c’était au tour des juges en chef de la Cour supérieure et de la Cour du Québec, Marie-Anne Paquette et Henri Richard, de signer une lettre réclamant aussi des arches de sécurité et le renforcement des effectifs de constables spéciaux.
Ces demandes de plus en plus pressantes surviennent dans la foulée de l’agression d’un interprète judiciaire survenue au palais de justice de Longueuil la semaine dernière. Un suspect âgé de 44 ans a été arrêté pour tentative de meurtre dans ce dossier et les mesures de sécurité ont été renforcées dans l’enceinte du palais de Longueuil.
Un seul palais de justice est doté d’arches de sécurité pour détecter le métal et d’appareils de rayons X pour vérifier les contenus de sacs, soit celui de Montréal, et ce, depuis l’été 2016. «On demande d'avoir des arches partout. Ce n'est pas vrai que c'est moins dangereux dans un palais de justice qu'un autre, plaide Me Michaud. Pourquoi à Québec, Trois-Rivières ou Sept-Îles, on n'en aurait pas?»
Dans une missive transmise à La Presse Canadienne, le cabinet du ministre Jolin-Barrette indique que «que des travaux d’analyses sont déjà en cours afin d’ajouter des arches de sécurité dans certains palais de justice, notamment celui de Longueuil».
On ajoute que «c’est quelque chose que nous regardions déjà et les travaux se poursuivent en collaboration avec le ministère de la Sécurité publique».
À Montréal, les membres de l’Association de Me Michaud disent se sentir «plus en sécurité que dans les autres palais». Le hic, c’est que cette installation avait coûté 25,6 millions $ à l’époque. Or, il y a 45 palais de justice à travers la province et bien qu’aucun autre de ces édifices ne nécessiterait autant d’arches qu’à Montréal, la dépense serait considérable, et c’est là que s’insurge Me Michaud. «On nous donne deux raisons pour ne pas installer d’arches: ça coûte cher et il ne se passe pas grand-chose de grave.»
L’attaque au couteau de la semaine dernière à Longueuil, selon lui, vient démolir le second volet de cet argument. Quant au premier, il ne mâche pas ses mots à l’endroit du gouvernement: «Les dernières années nous ont démontré qu’on a fait passer l’argent avant la sécurité.»
«À chacune de nos négociations on en parle. Il y a 15 ou 20 ans, on en parlait. Ça fait des années qu'on en parle et, malheureusement, le message ne passe pas. On va voir des spectacles au Centre Vidéotron, au Centre Bell, on se fait plus fouiller que quand on entre dans un palais de justice. Ça n'a aucun sens», peste-t-il.
L’annonce de Québec, qui survient en même temps que la sortie des gens du palais et trois jours après celle des juges en chef, vise à attaquer de front la pénurie de constables spéciaux. Il en manque présentement 110, soit environ le quart des effectifs totaux. L’accélération passera par l’ouverture de quatre cohortes de formation plutôt qu’une à l’École nationale de police du Québec dès le mois de mars prochain, ce qui permettra d’en former 144 d’ici le printemps 2025, soit suffisamment pour combler les postes vacants auxquels s’ajouteront sans doute quelques départs à la retraite.
Cette annonce, à défaut d’arches, viendra certainement aider la situation. Comme l’illustre Me Michaud, qui n’était pas encore au courant de l’annonce gouvernementale au moment d’être rejoint, plusieurs palais de justice doivent se tourner vers des moyens de fortune. «Il y a des palais de justice où il n'y a pas de constables spéciaux et on doit engager des agents de sécurité – qui ne sont pas armés – pour faire le travail, plutôt que des constables spéciaux.»
Est-ce que le fait de combler les postes sera suffisant? Guillaume Michaud se pose la même question. «Est-ce qu'il y a assez de constables? Quand un procureur part de son bureau et se rend avec sa tonne de dossiers dans la salle de cour, il peut passer au travers des victimes, des accusés. On ne sait jamais si on peut se faire attaquer ou non.»
Les constables spéciaux représentent en effet le dernier rempart de sécurité dans les corridors des palais de justice.
En fin de compte, Me Michaud estime que la malheureuse agression de Longueuil doit servir de signal d’alarme. «Depuis de nombreuses années, on mise sur le fait qu'il ne s'est rien passé d'extrêmement grave. Ce n’est plus le cas. J'espère que ça va faire changer des choses.»