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L'abbé Pierre, décédé en 2007, était l'une des personnalités les plus aimées de France.
L'abbé Pierre, légendaire défenseur des sans-abri et des pauvres en France, est accusé d'avoir commis des actes assimilables à une «agression sexuelle ou à un harcèlement sexuel», a déclaré mercredi sa fondation.
Le prêtre, décédé en 2007, devient le plus récent exemple en date d'un chef spirituel catholique accusé d'avoir abusé de son pouvoir pour faire du mal à des femmes.
L'abbé Pierre était l'une des personnalités les plus aimées de France. Fondateur de la communauté internationale Emmaüs pour les pauvres, l'abbé Pierre faisait partie de la conscience de la France depuis les années 1950, lorsqu'il a persuadé le Parlement d'adopter une loi ― toujours en vigueur ― interdisant aux propriétaires d'expulser leurs locataires pendant l'hiver.
Plusieurs femmes accusent maintenant le défunt prêtre d'agression sexuelle ou de harcèlement entre la fin des années 1970 et 2005, a déclaré mercredi sa fondation dans un communiqué. Elle explique qu'elle rend publiques les allégations de sept femmes, dont une qui était mineure à l'époque, après avoir examiné le rapport d'un cabinet d'experts spécialisé dans la prévention des violences, chargé d'écouter les témoignages des femmes et de les analyser.
Les femmes ont fait état d’embrassades et d’attouchements non sollicités, ainsi que de commentaires et propositions à caractère sexuel inappropriés, selon le rapport du cabinet Groupe Egaé.
«Le Mouvement Emmaüs rend publics des faits qui peuvent s’apparenter à des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel, commis par l’abbé Pierre. Plusieurs autres femmes ont subi des faits comparables, mais n’ont pas pu être entendues.»
Certaines femmes sont décédées, d'autres n'ont pu être contactées et d'autres encore ont refusé d'être interrogées.
Les victimes présumées étaient des employées, des bénévoles de la fondation ou de certaines de ses organisations membres, ou de jeunes femmes de l'entourage personnel de l'abbé Pierre, précise le communiqué.
La fondation a mis en place «un dispositif de recueil de témoignages et d’accompagnement, strictement confidentiel, s’adressant aux personnes ayant été victime ou témoin de comportements inacceptables de la part de l’abbé Pierre», ajoute le communiqué.
Le Vatican ne commente généralement pas les cas individuels présumés d'agressions et n'a pas répondu immédiatement aux questions concernant l'abbé Pierre.
En 2021, une commission indépendante sur les agressions sexuelles dans l'Église catholique a estimé que quelque 330 000 enfants en France avaient été victimes d'agressions sexuelles sur une période de 70 ans de la part de prêtres ou d'autres personnes liées à l'Église.
Les allégations contre l'abbé Pierre sont les dernières d'une série de cas de leaders spirituels catholiques importants accusés d'avoir abusé de leur pouvoir et de leur autorité pour agresser sexuellement des femmes sous leur emprise spirituelle.
La France a récemment dû faire face à des révélations concernant une autre figure catholique bien-aimée du XXe siècle, Jean Vanier, qui avait fondé la fédération L'Arche dans les années 1960 pour s'occuper des personnes souffrant de déficiences intellectuelles. L'Arche a récemment commandé des enquêtes qui ont révélé que le défunt Vanier avait perverti la doctrine catholique sur Jésus et Marie pour justifier ses compulsions sexuelles à l'égard des femmes.
Avant cela, des agressions sexuelles en série sur des adultes avaient été révélées dans des communautés religieuses fondées par deux frères français, les pères Thomas Philippe et Marie-Dominique Philippe, appelées respectivement L'Eau vive et la Communauté Saint-Jean. Thomas Philippe était le père spirituel de Vanier et l'aurait initié à ses pratiques mystico-sexuelles à L'Eau vive.
Plus récemment, le Vatican et l'ordre religieux des Jésuites ont été confrontés au scandale du célèbre artiste ex-jésuite, le père Marko Rupnik, qui a été accusé par plus de 20 femmes d'abus spirituels, psychologiques et sexuels remontant à plusieurs dizaines d'années.
Le Vatican a rouvert le dossier Rupnik à la suite d'un tollé international selon lequel le prêtre, dont les mosaïques décorent des basiliques et des sanctuaires dans le monde entier, a bénéficié d'un traitement de faveur de la part des jésuites, y compris du pape François. M. Rupnik n'a pas répondu aux allégations, mais les jésuites l'ont exclu de l'ordre l'année dernière après avoir constaté que les allégations des femmes étaient «très hautement crédibles».
«Allégation après allégation, une enquête laïque après l’autre montre clairement qu’aucune institution n’en savait plus et aucune institution n’a fait moins pour aider les victimes», a déclaré Mike McDonnell, directeur des communications du groupe de survivants d’abus commis par le clergé basé aux États-Unis, SNAP. «Nous ne pouvons nous empêcher de penser aux victimes qui ne se sont pas encore manifestées.»
Le Vatican a longtemps refusé de prendre des mesures contre les chefs spirituels charismatiques qui abusent de leur pouvoir pour agresser sexuellement des femmes, en faisant une distinction claire entre les agressions commises sur des mineurs et sur des adultes.
L'Église a longtemps insisté sur le fait que toute activité sexuelle entre un prêtre et une femme adulte était un péché, mais consensuelle, et avait tendance à accuser la femme d'avoir séduit un prêtre par ailleurs saint.
L'Église a dû repenser cette dynamique à l'ère de #Moi aussi et reconnaître qu'un consentement libre peut ne pas être possible compte tenu des différences de pouvoir déséquilibrées entre le prêtre et la paroissienne ou la religieuse.