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Il existe un consensus à l’Assemblée nationale sur cette question, et les partis d’opposition avaient accentué la pression sur le ministre afin qu’il dépose un projet de loi avant la fin de la session le 10 juin.
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a déposé mercredi un projet de loi qui permettrait aux personnes atteintes d'Alzheimer, par exemple, de faire une demande anticipée pour l'aide médicale à mourir (AMM).
Le très attendu projet de loi 38 reprend l'essentiel des recommandations formulées en décembre dernier par la commission spéciale transpartisane sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mais il contient d'entrée de jeu une disposition qui n'était pas prévue lors des travaux de la commission: l'élargissement de l'AMM aux personnes atteintes d'un handicap neuromoteur grave, comme la quadriplégie.
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«Avec les troubles neuromoteurs, il y a aussi la question de souffrance», a expliqué M. Dubé en point de presse, disant vouloir harmoniser la législation québécoise à celle du fédéral.
La paraplégie, la paralysie cérébrale et l'amputation après un accident sont également des handicaps neuromoteurs graves.
Or, cet ajout de dernière minute vient `complexifier énormément' l'adoption du projet de loi, a prévenu mercredi la députée péquiste Véronique Hivon.
«Est-ce qu'à trop embrasser, on va mal étreindre puis on va tout échapper?» s'est-elle interrogée.
Elle estime que le ministre ouvre `tout un autre chantier' qui n'a jamais été débattu au Québec, et qu'il sera difficile de faire le débat correctement alors qu'il ne reste que neuf jours à la législature.
«Ce n'est pas banal comme choix du ministre, et je dois vous dire que je me questionne à savoir, vraiment, pourquoi il est arrivé avec ça.»
Le ministre Dubé aurait dû s'en tenir aux recommandations de la commission transpartisane, selon le député Vincent Marissal, de Québec solidaire.
«Il nous sort tout un lapin de son chapeau en ajoutant le handicap neuromoteur comme motif pour demander l'AMM, alors que cette condition a été à peine effleurée lors des consultations», a-t-il déploré.
S'il est adopté, le projet de loi 38 permettra à une personne atteinte d'une maladie grave et incurable menant à l'inaptitude (démence, Alzheimer, Parkinson dans certains cas) de choisir sa fin de vie.
Elle pourra, avec l'aide d'un médecin ou d'une infirmière praticienne spécialisée (IPS), décider à quel stade de la maladie elle souhaite qu'on mette fin à ses jours, même si elle n'est alors plus apte à y consentir.
La demande serait consignée dans un formulaire rempli et signé en présence d'un médecin ou d'une IPS, et contresigné par deux témoins ou notariée. Elle serait ensuite versée dans un registre.
La personne pourra désigner un ou deux tiers de confiance ayant pour rôle d'informer un médecin ou une IPS lorsqu'ils croient qu'elle éprouve les souffrances décrites dans sa demande.
Une personne seule, qui n'a pas de tiers de confiance, sera accompagnée dans sa démarche par le personnel soignant. À noter qu'une personne pourra modifier ou retirer sa demande anticipée d'AMM.
Environ 140 000 Québécois souffrent actuellement d'Alzheimer.
Par ailleurs, le ministre Dubé s'est rangé derrière la commission transpartisane et s'est abstenu d'élargir l'AMM aux personnes atteintes d'un trouble mental seulement.
«Est-ce qu'on y retournera plus tard, lorsqu'il y aura peut-être une autre mise à jour? Mais en ce moment, ce n'était vraiment pas à propos de le faire», a-t-il déclaré.
Autre changement proposé dans le projet de loi: une maison de soins palliatifs ne pourra plus exclure l'AMM des soins qu'elle offre, sauf exception. À l'heure actuelle, six des 37 maisons au Québec n'offrent pas l'AMM.
Enfin, le projet de loi retire le critère de `fin de vie' des conditions d'admissibilité à l'AMM, puisqu'il n'est déjà plus applicable.
Pour pouvoir étudier le projet de loi 38, Christian Dubé s'est dit prêt à passer le projet de loi 19 (renseignements de santé) à la trappe.
En point de presse, il s'est défendu d'être mal organisé, lui qui pilote en ce moment quatre projets de loi en santé. Il a toutefois reconnu que l'agenda était «très serré».
«On a un groupe de légistes qui, jusqu'à il y a quelques semaines, travaillaient encore sur la COVID et puis sur beaucoup de choses. La minute qu'on a reçu le projet de loi 38 de nos personnes, on l'a déposé.»
En vertu du règlement de l'Assemblée nationale, un projet de loi présenté après le 15 mai «ne peut être adopté pendant la période de travaux au cours de laquelle il a été présenté».
Cette règle peut toutefois être contournée si le gouvernement obtient l'accord de tous les élus.