Début du contenu principal.
«Avec les changements climatiques, on va redoubler de prudence.»
Le redoux a causé de sérieux maux de tête à quelques pêcheurs sur les glaces du Lac-Saint-Jean au large de Saint-Prime, alors que des cabanes se sont enfoncées dans la glace. Le Quotidien s’est entretenu avec un professionnel de la pêche blanche, Charles Dufour, pour en savoir plus sur les bonnes techniques à adopter pour éviter de telles situations.
Par Guillaume Roy, Le Quotidien | Initiative de journalisme local
Après quelques semaines de temps froid en décembre, on pouvait compter 30 cm (12 pouces) de glaces sur la rivière Ashuapmushuan et il y avait 23 cm de glace (9 po) sur le lac Saint-Jean. Avec une telle épaisseur de glace, Gilles Demers, qui a mesuré la glace à tous les 100 mètres pour assurer sa sécurité, a installé sa cabane à pêche le 25 décembre.
«On annonçait deux ou trois jours de temps doux, mais ç'a duré beaucoup plus longtemps et les températures ont été beaucoup plus chaudes», dit-il. Les températures sont devenues si chaudes qu’il était trop dangereux d’y retourner, ajoute-t-il.
Quand le froid a repris, il est retourné voir sa cabane pour constater qu’elle était bien prise dans la glace. «La cabane était soulevée et attachée, mais les crochets ont lâché quand la glace a fondu», explique le pêcheur hivernal. Avec une équipe de six personnes, il est retourné sur la glace le 6 janvier avec une scie mécanique, des madriers, des palans et des chaînes pour sortir la cabane de là. «C’est possible à faire, mais c’est très physique», dit-il. Selon ce qu’il a entendu, tous les autres propriétaires se préparent aussi à sortir leur cabane de la glace, mais si certaines d’entre elles sont encore plus mal prises.
«Avec les changements climatiques, on va redoubler de prudence», mentionne Gilles Demers. Plus d’une douzaine de cabanes à pêche ont sombré sous la glace au large de Saint-Prime, dit-il.
Des photos ont d’ailleurs été partagées sur le groupe Spotted St-Félicien où plusieurs utilisateurs ont jugé sévèrement les pêcheurs pour avoir installé leur cabane aussi hâtivement sur les glaces.
À VOIR ÉGALEMENT | Pelleter la neige: quels risques pour votre santé?
Le calcul n’est pas si simple, car malgré un redoux, la glace peut demeurer sécuritaire, estime Charles Tardif, le propriétaire d’Aventure Lac-Saint-Jean, ajoutant qu’il est possible d’installer sa cabane à pêche hâtivement en prenant les mesures nécessaires. Ce dernier avait d’ailleurs installé ses cabanes à pêche sur le lac, où il accueille des clients, avant le redoux, et elles ont tenu le coup.
Il faut travailler méticuleusement pour assurer une installation sécuritaire, a-t-il commenté en direct du lac Saint-Jean alors qu’il venait de pêcher une 13e truite avec des clients. «En plus de faire des tests d’épaisseur, il faut aussi évaluer la qualité de la glace, un facteur qui est trop souvent sous-estimé», dit-il.
Le pêcheur professionnel explique que la glace blanche ou grise a une efficacité de seulement 50 %, comparativement à la glace transparente (ou noire), plus solide. Ainsi, un couvert de 5 cm de glace noire et de 10 cm de glace blanche équivaut à un total de 10 cm (4 pouces) de glace effective.
L’épaisseur de glace nécessaire pour circuler ou installer une cabane dépend de son poids, ajoute-t-il, référant les utilisateurs aux les données du gouvernement du Québec, il faut un couvert de glace de 10 cm (4 po) pour marcher ou pêcher, de 12 cm (5 po) pour circuler en motoneige, de 20 à 30 cm (8 à 12 po) pour un véhicule ou un camion léger et de 30 à 38 cm (12 à 15 po) pour un camion de poids moyen.
L’épaisseur de glace n’est pas uniforme sur un plan d’eau, note Charles Tardif, qui fait des tests tout au long de son parcours pour assurer la sécurité. «Il ne faut pas se fier sur les autres et il faut faire ses propres tests», ajoute-t-il. Les courants peuvent affecter l’épaisseur de glace faisant en sorte qu’elle soit beaucoup plus mince à certains endroits.
Il faut aussi vérifier les prévisions météorologiques et sortir sa cabane au besoin. Lors de redoux, ce dernier fait des tests d’épaisseurs de glace chaque jour afin d’assurer la sécurité de ses installations et il recommande à tous les pêcheurs d’en faire autant. Les chutes de neige augmentent aussi la pression sur la glace, ce qui peut causer des fissures forçant à déplacer la cabane.
Les trous de pêche dans la cabane peuvent aussi s’agrandir lors des redoux, remarque l’entrepreneur. «Il faut tasser sa cabane à ce moment-là pour éviter qu’elle ne tombe dans le trou», dit-il.
Plusieurs scénarios peuvent expliquer pourquoi des cabanes ont sombré dans la glace. Les propriétaires ont probablement fait les tests nécessaires avant l’installation, mais il est important de faire des tests régulièrement pour éviter ce type de scénario.
«J’analyse la glace depuis 20 ans et je passe près de 90 jours par hiver sur la glace. Je vous confirme que si on est prudent et rigoureux, cela n’arrivera pas», conclut Charles Tardif.
Plusieurs personnes étaient craintives à l’idée que les cabanes se retrouvent au fond de l’eau, polluant ainsi le lac et créant des risques pour les bateaux à l’été. En mode solution, David Boulais a partagé une vidéo qui démontre des techniques russes pour sortir les cabanes de l’eau. «Voici une façon simple et économique de sortir vos cabanes du Lac. Merci de ramasser vos affaires avant le printemps et bonne chance», a-t-il commenté.
Il n’a pas été possible de parler aux propriétaires des cabanes pour avoir des commentaires.