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Accusés par l'opposition d'être muselés par leur parti, des élus caquistes admettent que leurs concitoyens déplorent les effets des compressions.
Pressés de questions par les journalistes jeudi matin, certains élus disent qu'ils n'en entendent pas parler, ou encore, d'autres affirment qu'il ne s'agit pas de compressions.
Au cours des derniers mois, le premier ministre François Legault et ses ministres n'ont pas cessé de marteler qu'il n'y a pas de compressions, mais qu'ils demandent aux réseaux de la santé et de l'éducation de respecter les enveloppes allouées au budget 2024-2025.
Et pourtant, les restrictions budgétaires, «c'est la réalité pour l'ensemble des régions», a affirmé le député de Dubuc, François Tremblay.
Les citoyens sont inquiets? «Absolument, je pense qu'il y a des gens inquiets dans toutes les circonscriptions», a-t-il répondu.
Est-ce qu'ils parlent des effets des compressions?
«C'est oui, la réponse», a dit la députée de Laviolette-Saint-Maurice, Marie-Louise Tardif.
Dénoncer les compressions, «c'est fort probablement ce que leur demandent leurs électeurs», a suggéré le député libéral André Fortin, en point de presse.
«Ce n'est pas des compressions dans les services, c'est de la rigueur budgétaire», a lâché le député de Saint-Jean, Louis Lemieux, sans s'arrêter avant d'entrer au Salon rouge, sans élaborer davantage.
«Le quotidien des gens est affecté» par les compressions budgétaires, a admis la députée de Les Plaines, Lucie Lecours, avant de se rendre au caucus des élus caquistes.
«On ne se mettra pas la tête dans le sable», a-t-elle ajouté.
«Ils nous parlent de leurs enjeux, on est là pour les écouter, c'est ça notre rôle», poursuit-elle, mais en ajoutant qu'elle a une autre préoccupation.
«Ce qui me préoccupe, c'est pourquoi on arrive à dépenser plus dans des ministères que ce qu'on avait initialement prévu.»
Le député d'Orford, Gilles Bélanger, a lancé laconiquement que «ça peut arriver, oui», que des citoyens lui parlent des compressions qui affectent les services, sans toutefois s'expliquer davantage.
Les Abitibiens en parlent «très peu», a lancé brièvement la députée d'Abitibi Ouest, Suzanne Blais.
Le député de Montmorency, Jean-François Simard, ne reçoit «pas encore directement» de messages d'électeurs qui déplorent des réductions de services, mais il a dit recevoir «beaucoup» de commentaires, sans préciser s'ils sont négatifs ou positifs.
«Les citoyens, honnêtement, s'informent sur les investissements dans les écoles, le dossier de l'hôpital de Drummondville», a répondu le ministre de l'Agriculture et député de Johnson, André Lamontagne.
La députée de Bonaventure, Catherine Blouin, sa collègue de Bellechasse, Stéphanie Lachance, et la ministre responsable de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, ont refusé de répondre aux questions.
«Je n'ai pas de commentaires», a lâché la députée de Lotbinière-Frontenac, Isabelle Lecours.
«Pas de commentaires», a aussi répondu le député de Gatineau, Robert Bussière.
Le député de René-Lévesque, Yves Montigny, a plutôt répondu que les gens lui parlent d'«investissements, de développement» en lien avec l'annonce du parc éolien en partenariat avec les Innus Essipit, qui a eu lieu mercredi.
Le whip en chef du gouvernement, Mario Laframboise, n'a pas répondu à savoir si des citoyens lui parlaient des effets des compressions, mais a dit que tout ce que le gouvernement demande aux organisations, c'est de respecter leurs budgets.
«On a ouvert des postes, alors ça va quand même très bien chez nous en général», a fait savoir le député de Beauce-Sud, Samuel Poulin.
«Même s'ils (les députés caquistes) ne s'expriment pas, ça existe», les compressions, s'est insurgé le député péquiste Pascal Bérubé, en mêlée de presse jeudi matin.
«Ils sont aussi au courant que nous, la différence, c'est que, publiquement, je pense qu'ils devraient le dire, je pense qu'ils devraient dire: c'est inacceptable.»
Il a indiqué que des citoyens appellent les quatre élus péquistes plutôt que le député caquiste de leur circonscription «parce qu'il ne peut rien nous dire», a-t-il rapporté.
«Dans mon bureau de circonscription, à tous les jours où j'y suis, il y a des gens qui viennent nous dire: ça n'a pas de maudit bon sens, les coupures en santé», a dénoncé le député libéral André Fortin.
«Ce sont des coupures d'une ampleur sans précédent. Je suis certain que les députés de la CAQ, là, ils entendent le même genre de témoignages.»
Il a rappelé que la CAQ s'était engagée à ne jamais faire de compressions en 2017.
«Si les députés sont conséquents avec ce qu'eux-mêmes ont promis à leurs électeurs, ça ne serait pas une mauvaise chose qu'ils le disent sur la place publique», a-t-il conclu.
À la période de questions, les interventions des oppositions portaient d'ailleurs en grande partie sur les restrictions budgétaires.
«Les gens sonnent l'alarme, les services diminuent!» a lancé le député Guillaume Cliche-Rivard, de Québec solidaire, concernant la réduction des services de soutien à domicile.
«Quand une mère songe à placer son enfant en CHSLD parce que Santé Québec lui coupe des services, on nage en pleine austérité. Quand des personnes handicapées sont forcées de déménager parce que le gouvernement refuse de financer l'adaptation de leur logement, on nage en pleine austérité. Quand même le temps pour aller aux toilettes est chronométré puis ensuite coupé, on nage en pleine austérité.»
La députée libérale Michelle Setlakwe a évoqué les compressions qu'ont déplorées des cégeps, mais la ministre de l'Enseignement supérieur, Pascale Déry, a répondu qu'elle n'allait pas répondre sur des cas spécifiques.
De même, la députée libérale Brigitte Garceau ainsi que le député Sol Zanetti, de QS, ont énuméré de nombreuses productions qui ont été annulées par des organismes culturels en raison des compressions.
«Le Théâtre de la Bordée annule des productions pour sa prochaine saison, Ex Machina annule des spectacles et suspend des contrats d'artistes en résidence, a donné en exemple Mme Garceau. À Sept-Îles, la salle Jean-Marc-Doyon coupe 20 spectacles. Au festival de Tadoussac, c'est 30 spectacles de moins, et le Festival de la chanson de Granby va couper sa programmation de 20 %.»
Le député libéral André A. Morin a quant à lui accusé le gouvernement d'être «en mode coupures» dans les programmes de réussite scolaire des Autochtones.
Ainsi, une quinzaine de mesures visant entre autres les immigrants et les Autochtones sont mises sur pause.
Mercredi, la députée Christine Labrie, de QS, dénonçait l'élimination des deux sorties scolaires par an, un engagement qu'avait pourtant pris la CAQ.
Les sorties de certains députés caquistes jeudi contrastent avec leur discrétion habituelle dans les corridors du parlement et les critiques que leur adressait l'opposition.
La semaine dernière, dans un discours devant des militants à Terrebonne, le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon avait fait allusion à «plusieurs députés de la CAQ dont on connaît à peine le nom, dont la liberté d'expression pour se porter à la défense de leur circonscription n'est pas tout à fait là».
Mardi, des élus caquistes avaient planifié une sortie devant les médias pour faire un tir groupé contre le chef du PQ, en lui reprochant d'avoir «dénigré le travail des 124 autres députés», ou encore, en le qualifiant de «prétentieux».