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«On est au début d'un cycle de pénuries de toutes sortes de produits.»
Pénurie de main d’oeuvre, changements climatiques, guerre en Ukraine… Les chaînes d’approvisionnement sont sans dessus dessous partout sur la planète, et les répercussions se font de plus en plus sentir sur nos tablettes d’épicerie. Si bien qu’il faudra probablement substituer certains ingrédients dans nos recettes préférées.
«Le monde est à court de beaucoup de choses», laisse tomber Sylvain Charlebois, directeur du laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université Dalhousie. Moi, j’ai l’impression qu’on est au début d’un cycle de pénuries de toutes sortes de produits.»
Salades, frites, biscuits, friandises, mayonnaises… les huiles végétales sont partout dans notre alimentation. Mais depuis quelques mois, elles se font rares partout dans le monde.
D’abord, les sécheresses importantes de l’été passé dans les Prairies ont nui à la production d’huile de canola, dont le Canada est le plus important exportateur. Puis, la guerre en Ukraine a fait dégringoler encore davantage les réserves mondiales d’huiles alimentaires, la Russie et l’Ukraine étant parmi les plus grands producteurs mondiaux d’huile de tournesol.
L’Indonésie, qui représente 55% des exportations mondiales d’huile de palme, a réagi en interdisant les exportations de ce produit, utilisé dans une panoplie de produits transformés.
Résultat? «Les entreprises en agroalimentaire tentent d’acheter de plus possible les produits dont ils ont besoin, donc l’approvisionnement va être difficile sur les tablettes d’épicerie dans les prochains mois», résume Sylvain Charlebois. Selon lui, les huiles de canola et de tournesol se feront particulièrement rares dans les commerces de détail. «Et si vous en trouvez, le prix risque d’augmenter aussi», prévient M. Charlebois.
Les amateurs de moutarde pourraient trouver les barbecues moins savoureux cet été, alors que la populaire sauce jaune pourrait se faire rare sur les tablettes.
Déjà, les médias français ont rapporté l’émoi des gourmets européens devant des tablettes de moutarde de Dijon vides.
Ici aussi, les dérèglements climatiques de l’été dernier.
La sécheresse dans les Prairies a provoqué une chute de 28% de la production annuelle au Canada, l’un des plus gros producteurs de graines de moutarde. Des inondations importantes en Allemagne et France, qui produisent aussi les graines, n’ont pas arrangé les choses.
Les barbecues estivaux pourraient être un peu moins savoureux cette année... et surtout plus dispendieux! (Crédit: Envato Elements)
Sans compter qu’une fois la moutarde confectionnée, il faut l’embouteiller. Un défi de taille, alors que les chaînes d’approvisionnement d’emballages, particulièrement les bouteilles en verre, fonctionnent au ralenti depuis le début de la pandémie.
Malgré tout, Sylvain Charlebois se veut rassurant: «de façon générale, si vous êtes flexibles sur la marque, vous devriez être en mesure de trouver de la moutarde», estime-t-il.
Si certains produits peuvent être facilement substitués, d’autres ne le peuvent pas. C’est notamment le cas des laits maternisés hypoallergéniques destinés aux bébés qui sont allergiques à la protéine de lait de vache.
Depuis plusieurs semaines, des parents québécois font des pieds et des mains pour trouver ces formules, alors que la pénurie qui fait rage aux États-Unis se fait sentir jusqu'au Québec.
Des problèmes chez la société américaine Abbott sont à l’origine de cette pénurie inquiétante. Le plus grand fabricant de formules aux États-Unis a récemment dû rappeler ses produits de marque Alimentum et Similac préparés dans son usine du Michigan. La fermeture prolongée de l’usine a semé le chaos dans la chaîne d’approvisionnement partout en Amérique du Nord.
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L’usine devrait toutefois rouvrir dans les prochains jours, selon les autorités américaines.
Dès les premiers jours de l’invasion russe en Ukraine, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies prévenait que des millions de personnes risquaient de manquer de nourriture dans le monde.
L’Ukraine étant l’un des plus grands exportateurs de blé au monde, le conflit compromet l’approvisionnement mondial de grains, déjà mis à mal par… (vous l’aurez deviné) les sécheresses de l’an dernier au Canada et ailleurs dans le monde.
En tant que sixième producteur mondial de blé, le Canada est probablement à l’abri d’une pénurie de céréales pour cette année. Mais la hausse du prix du blé sera néanmoins ressentie dans nos épiceries.
«Tout est plus difficile ces temps-ci et tout est plus coûteux, rappelle M. Charlebois. Des fois, il n’y a pas de pénurie, mais les entreprises vont décider de cesser de vendre certains produits, parce qu’ils n’ont sont plus rentables.»
La crise actuelle des prix du grain pourrait donc nuire à la variété dans les étalages de céréales, en plus de faire exploser les prix. Et comme les grains sont la principale source de nourriture pour le bétail, elle se répercutera certainement sur le prix de la viande dans les prochains mois.
«Actuellement, les fournisseurs gèrent les attentes avec les épiciers de façon générale, pour à peu près tous les produits», récapitule M. Charlebois.
Les consommateurs devront donc aussi apprendre à gérer les leurs.
«L’approvisionnement a été difficile pour plusieurs entreprises depuis plusieurs mois, notamment au niveau de l’emballage, rappelle le chercheur. Mais après deux ans et demi de pandémie, avec ce qui se passe en Ukraine, les choses sont encore moins faciles.»
Son conseil? «Si vous êtes habitués d’acheter certains produits, assurez-vous d’avoir des substituts.»