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«Comme la majorité, je suis outré, triste, mais surtout inquiet. Inquiet, car même si cela se passe au sud de la frontière, le discours, lui, a déjà traversé les limites de celle-ci.»
Samedi, comme tout le monde ou presque, je profite des premières journées « d’été » pour passer du temps en famille, être à l’extérieur et lutter contre la chaleur. Et puis, du coin de l’œil, je vois cette nouvelle apparaître sur mon écran de cellulaire. « Fusillade dans la région de Buffalo — 10 morts ».
Malheureusement, trop habitué à ce type de nouvelles au sud de la frontière, j’y accorde une importance limitée. C’est le lendemain que je vois les images, les corps gisant à terre et que je comprends l’horreur. Je comprends surtout que cette violence est causée par le racisme, l’extrémisme et la désinformation des suprémacistes blancs. Un matin, un jeune homme de seulement 18 ans a fait 300 km de route pour aller tuer des Afro-Américains parce qu’il croit à un « grand remplacement ».
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Comme la majorité, je suis outré, triste, mais surtout inquiet. Inquiet, car même si cela se passe au sud de la frontière, le discours, lui, a déjà traversé les limites de celle-ci. En effet, un sondage récent indiquait que 42 % des Canadiennes et Canadiens ont été confrontés à des discours racistes sur les réseaux sociaux. Cette proportion augmente à près de 50 % chez les 18-34 ans. Je suis un passionné de la communication, car elle peut mobiliser, convaincre et provoquer des émotions. Cependant, lorsque la communication de masse devient accessible à des groupes, jusque-là marginalisés, qui propagent des théories haineuses et qui incitent les jeunes à des gestes violents, il devient essentiel d’agir.
À ce sujet, le gouvernement du Canada a déposé une loi visant à réprimer les discours de haine et demandant aux plateformes d’agir rapidement. Cependant, on sait tous qu’il est difficile de contrôler tout ce qui circule sur le web et, bien que l’intention du gouvernement est bonne, il faudra faire plus comme société et chacun comme citoyens.
À mes yeux, la seule façon de lutter contre la désinformation c’est de prioriser l’information. Nous avons vu, durant la pandémie, la lutte qui se déroulait sur les réseaux sociaux entre la désinformation et la science. Nous avons été témoins de la manipulation de données partielles, l’apparition de pseudo-experts et la division que cela installe. Cette division est exactement ce que les groupes extrémistes désirent créer. Une division qui isole les gens et surtout qui empêche le dialogue.
De l’autre côté, nous avons également été témoin de l’importance de l’information vérifiée, des médias, des scientifiques et des leaders d’opinion pour créer un équilibre. J’ajouterais à ça l’importance du dialogue pour expliquer les choses, répondre aux interrogations, convaincre sans imposer et apaiser les tensions.
Nous aurons besoin de tout ça si nous voulons éviter de voir les gestes haineux traverser la frontière comme le discours l’a déjà fait. Nous aurons besoin de dialogue pour diminuer le discours haineux et éviter de le banaliser. Nous aurons besoin d’éducation pour permettre à nos jeunes de développer leur sens critique, d’éviter les raccourcis idéologiques et de faire la différence entre le vrai et le faux.
Jean-Jacques Rousseau, un philosophe français du 18e siècle disait « l’homme naît juste et bon, c’est la société qui le corrompt ». Que ce soit à travers des campagnes de sensibilisation qui répondent aux discours haineux, à travers un meilleur financement des médias notamment par les géants du web et des programmes renforcés d’éducation, j’espère que, comme société, nous saurons poser les gestes concrets pour lutter contre le racisme, l’extrémisme de toute sorte et la désinformation. C’est probablement la seule façon d’éviter que la haine traverse les frontières.