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Je m’excuse pour le jeu de mots, mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est étonnant que Medicago ne l’ait pas vu venir : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) met sur pause l’étude du vaccin de l’entreprise québécoise parce que la compagnie a comme actionnaire (minoritaire) le fabricant de produits du tabac Philip Morris.
Je ne connaissais pas, vous non plus sans doute, cette règle stricte de l’organisation médicale, qui pourrait limiter la diffusion mondiale du vaccin.
On aura beau être chauvin et protester, ou encore affirmer que le vaccin à base de plantes répond à un besoin spécifique, mais il demeure que la position de l’OMS est parfaitement défendable : Philip Morris tirera probablement un revenu de la vente du vaccin Medicago et en le reconnaissant, l’OMS se trouverait à enrichir indirectement un fabricant de tabac, ce qui n’a pas de sens, peu importe l’intérêt du vaccin, par ailleurs accepté par Santé Canada.
Vous vous dites peut-être que c’est un brin absurde, parce bien des vies et des hospitalisations sauvées avec ce vaccin, et vous n’avez sans doute pas tort. Mais ce qu’il faut voir, c’est l’autre bout de la chaîne, puisqu’en encourageant un fabricant de tabac, la manœuvre, même en oubliant l’argument moral, pourrait contrecarrer les effets bénéfiques du vaccin.
Si la COVID est une méchante maladie, le tabac lui, est une substance éminemment toxique et addictive comme vous le savez et dont l’usage expliquerait — tenez-vous bien — près du tiers des hospitalisations au Québec. Vous voyez un peu le tableau ? Comme on dispose au Québec d’environ 16 000 lits d’hospitalisation, le tabac pousserait environ 5200 personnes vers l’hôpital — en tout temps ! — en raison de ses effets directs (infarctus, AVC, problèmes circulatoires et environ deux dizaines de cancers, sans compter les dommages pulmonaires des asthmatiques et MPOC).
Lorsque l'on compare le tout aux 1000 lits occupés actuellement par la COVID, c'est donc 5 fois plus pour le tabac. Ce qui a d’ailleurs fait l’objet de quelques discussions animées sur les réseaux sociaux, notamment lorsque j’ai demandé à des personnes s’opposant à tout relâchement des mesures si on ne devait aussi considérer, en toute logique, d’interdire complètement la substance, ce qui aurait l’avantage secondaire de régler pour 50 ans la plupart des problèmes de nos hôpitaux. Mais bon, on peut bien rêver en couleur.
Parenthèse, on retrouve des analogies pertinentes entre les effets de la COVID et celui du tabac : non seulement les deux ont des impacts pulmonaires à court et long terme, notamment des séquelles permanentes, affectent le système vasculaire (beaucoup plus gravement et fréquemment pour le tabac), causent des atteintes neurologiques et des thromboses variées et handicapent potentiellement bien des malades à long terme (bien plus pour le tabac d’ailleurs), mais le mécanisme même de ces dommages est similaire dans les deux cas.
Et de la même manière qu’on a longtemps pensé que le tabac causait surtout des dégâts directs dans les poumons, entraînant le cancer de cet organe et la terrible maladie pulmonaire chronique (MPOC), on voyait aussi la COVID comme un problème surtout pulmonaire, avant de découvrir assez rapidement l’ensemble des effets systémiques du virus. Depuis, on comprend que le tabac cause en fait une réaction inflammatoire expliquant une bonne partie de ses effets néfastes à long terme, surtout cardiovasculaires, notamment au cœur, au cerveau et plus généralement dans la circulation sanguine.
Or, avec la COVID, c’est un peu la même chose ! Ainsi, chez les patients les plus atteints, une cascade de réactions inflammatoires complexes menace parfois plusieurs organes, à des degrés variables, entre autres par son effet sur la circulation. D’ailleurs, plusieurs des traitements pour les malades hospitalisés sont basés sur des molécules limitant de tels effets anti-inflammatoires.
Au-delà de ces liens de parenté qu’on ne soupçonne pas au premier coup d’œil, on doit conclure qu’il serait illogique que l’OMS appuie, de manière directe ou indirecte, le financement de la vente d’une substance malheureusement aussi addictive que profondément toxique, qui a de tels effets sur la santé d’autant de gens, et même à bien plus large échelle que le virus pandémique.
Medicago devrait régler cette question d’une manière ou d’une autre, afin de s’assurer qu’elle n’est pas financée par une compagnie dont les produits annulent les bienfaits de ses vaccins et peuvent causer des dommages bien pires. C’est plate, mais agir autrement irait contre la logique.
Vous me direz qu’en temps de guerre et de pandémie, ce sont des considérations futiles. Je voudrais quand même rappeler que le tabac est responsable d’un décès sur 6 dans le monde et qu’on lui attribue 100 millions de morts au XXe siècle. Ce n’est pas vraiment futile.
Bref, Medicago doit écraser pour espérer recevoir l’appui de l’OMS. Et c’est médicalement tout à fait clair.
Alain Vadeboncoeur MD