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Notre chroniqueur Alex Perron s’interroge sur le tribunal populaire des réseaux sociaux.
Trois semaines à peine séparent deux incidents majeurs dans le petit monde médiatique québécois.
Il y a eu en premier celui avec ce journaliste sportif bien connu et sa femme. Surtout sa femme, qui s’exprimait beaucoup pendant une entrevue virtuelle, comme si nous étions de retour dans le bon vieux temps de la pandémie. Le journaliste sportif était assis à côté d’elle, mais il ne jasait pas beaucoup. Il faut dire que madame ne lui laissait pas beaucoup d’opportunités de prise de parole.
Le second incident quant à lui, a frappé le week-end dernier.
On a pu voir un artiste québécois s’exprimer en compagnie de son bouleau dans une vidéo mise en ligne sur sa page personnelle d’un réseau social. Je vous épargne le contenu, mais disons que ce n’est pas le bouleau qui s’est mis le pied (ou la branche) dans la bouche. C’est l’artiste. Et de façon plutôt solide. Je n’ai même pas besoin de vous nommer les protagonistes. Si vous ne savez pas de qui je parle, c’est que vous vivez sous une grosse roche insonorisée sur une île sans wifi dans un monde alternatif.
Bien évidemment, je ne cautionne en RIEN le contenu des deux vidéos. Que ce soit bien clair. Je suis à des années-lumière d’être sul bord d’être le moindrement un tit peu d’accord avec ce qui s’est dit dans ces deux clips. Mais, je m’interroge. Je m’interroge sur le tribunal populaire des réseaux sociaux. Ce volcan qui explose en gigas tonnes de commentaires en 72 heures top chrono.
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Bien entendu, on peut s’exprimer sur le sujet sur notre réseau social préféré. Le mot le dit : social! C’est un endroit où l’on peut écrire ce qui nous trotte dans la tête face à une histoire, une personne ou une situation liée à l’actualité ou pas. Et interagir avec d’autres utilisateurs sur le même sujet. Débattre, argumenter, consolider notre position, exprimer notre colère, faire des blagues, des memes, ironiser, comparer, chialer, bref… en jaser.
Mais est-ce qu’il arrive un moment où la ligne est mince entre donner notre opinion et s’acharner ? Donner son avis une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, OK. Mais quand ça fait 10, 26, 40, 62 fois qu’on écrit des commentaires, ça commence à faire beaucoup d’opinions et de commentaires sur le même sujet venant d’une seule et même personne. Je ne veux rien enlever à l’intelligence de personne, mais y’a des cerveaux qui bouillonnent beaucoup!
J’ai parfois l’impression que, parce qu’on défend la vertu, la veuve et l’orphelin, le «bon» côté des choses et le gros bon sens, on se permet de dire beaucoup d’affaires. Souvent des propos qu’on n’oserait pas prononcer si la personne concernée était devant nous. Et plus on avance dans ce 72 heures top chrono du festival du commentaire, plus ce qu’on peut y lire n’est pas gracieux.
Les blagues sur le sujet sont souvent malaisantes et de mauvais goût. Et souvent, les messages pour défendre notre position deviennent aussi laids, sinon plus que ce qu’on veut dénoncer.
Mais j’imagine que c’est correct puisqu’on défend la bonne affaire. On a le droit d’attaquer fort et de démolir parce qu’on est du bon bord des choses. On devient l’intimidateur de l’intimidateur.
Mais ça va puisque c’est pour la bonne cause. Parfois, en lisant tout ça, j’ai l’image de la bataille dans la cour d’école. Quelques jeunes tapent sur le p’tit pas fin que tout le monde déteste parce qu’il n’est pas fin et les autres forment un cercle autour et regardent la scène en frappant des mains et en hurlant comme dans un concert rock.
C’est sain de s’exprimer, de dénoncer, de vouloir changer les choses, améliorer la société, faire réfléchir sur les enjeux de vie, faire avancer et évoluer notre pensée, faire des blagues, dédramatiser, avoir du sarcasme et de pointer du doigt ce qui ne va pas.
Mais quand ça fait trois fois que tu nous écris ce que tu en penses, on a compris. Tu fais juste taper sur le même clou qui est déjà bien enfoncé profondément dans la planche.
C’est ben rare que l’acharnement mène au meilleur. On n’est même pas obligé d’être d’accord. On peut même rester en colère, ne jamais pardonner, n’avoir aucune empathie. On peut juste ne pas l’écrire.
C’est peut-être moi qui ai tort. Ce ne serait pas la première fois et encore moins la dernière. Tu viendras me le dire sur un réseau social… ou pas.
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