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Je me suis demandé pourquoi on voulait que cette journée soit si folle. Pourquoi en faire autant ? L’amour, en principe, c’est censé être simple.
J’imagine que vous êtes au courant, mais dans quelques jours, ce sera la fête de la Saint-Valentin. Cette journée où l’on célèbre l’amour du partenariat à deux (je ne sais plus si on peut encore dire couple ou si le mot a été cancellé dans une controverse que je n’aurais pas vu passé sur les réseaux sociaux). Pour être très 2024, j’ajoute aussi l’amour du trouple (ceux qui sont passés de deux à trois participants dans les effluves de l’amour conjugal).
On me susurre à l’oreille que ce serait très tendance. C’est déjà compliqué de bâtir une relation amoureuse à deux, alors pourquoi ne pas élever le niveau de difficulté en ajoutant une troisième personne. Amenez-en des défis de vie! Bref, tout ça pour dire que ce sera la journée de l’amour, le 14 février prochain (je vous donne la date au cas où).
Cette journée qui, au niveau du stress, peut facilement rivaliser avec le 24 décembre. En 24 heures, on voit rouge amour et on veut TOUT faire. Offrir un bouquet de fleurs qui vaut le prix d’un rein sur le marché noir, une réservation dans un très bon resto où on nous aura concocté un menu six services avec seulement des ingrédients aillant la prétention d’être aphrodisiaques sur un moyen temps, une boîte de chocolat avec le prénom de l’être aimé en lettres d’or sur chaque morceau, un sentier de pétales de rose qui commence à la porte d’entrée de la maison et qui se termine au pied d’un bain remplit d’eau chaude à la bonne température et aromatisé avec un sel que des himalayens ont ramassé à mains nues un soir de pleine de lune et une bouteille de champagne retrouvée dans l’épave du Titanic. Et tout ça pour arriver à l’apogée de cette journée qui n’en finit plus d’exploser de bonheur, une baise torride qui vous fera hurler un orgasme qui vous rendra aphone pendant trois jours. Prenez congé le lendemain parce que la Saint-Valentin, ça vide.
Je me suis demandé pourquoi on voulait que cette journée soit si folle. Pourquoi en faire autant? L’amour, en principe, c’est censé être simple. Est-ce que le fait d’habiller cette journée de toute cette fioriture nous déculpabilise pour le reste de l’année où on n’est pas toujours attentionné envers l’autre? Ce serait comme remettre le compteur du romantisme à niveau. Est-ce que c’est la peur d’être réellement en contact avec la personne qu’on a choisi d’aimer qui nous pousse à faire un scénario digne d’une comédie romantique sur la chaîne Hallmark ? Je ne suis pas le plus romantique sur terre, je n’ai quasiment jamais fêté la Saint-Valentin. Mais cette petite réflexion m’a fait revenir en arrière à ma première Saint-Valentin.
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Début des années 1990, j’ai 19 ans. Je vis ma première histoire d’amour avec Stéphane, un gars de Lévis. Moi, j’habite Beauport. Le fleuve nous sépare, ça sonne déjà très romantique. On forme un couple depuis le début de l’été et on s’apprête à vivre notre première Saint-Valentin. On est tous les deux pas mal vierge de cette fête. On ne se met pas trop de pression sur les épaules, mais on veut faire comme tout le monde et souligner ça.
On est tous les deux des étudiants à temps plein avec des jobinettes à temps partiel. Ce qui veut dire que nous avons le même budget que la petite Cossette dans Les misérables. Notre projet valentinien va se résumer à se payer un restaurant petit budget et, d’un commun accord, on ne s’offre pas de cadeau. Mais on est heureux! On pue l’amour à des kilomètres.
Notre choix s’est arrêté sur un restaurant de style buffet chinois où nos quelques écus vont nous permettre de nous rassasier à souhait. Un ratio en quantité totalement inverse à la qualité. Et en plus, oh surprise, comme c’est la fête de l’amour, le menu, ce soir-là, inclut une bouteille de saké gratuite. Je sais que le saké est japonais et qu’on est dans un buffet chinois, mais nous, on y voit que de la joie. Et avec le recul, je crois que n’était même pas du saké. Probablement, un vin blanc périmé. Mais on s’en fout, on trinque à notre santé amoureuse.
Je venais à peine de terminer mon dessert romantique, c’est-à-dire un bol de litchis mous dans un sirop trop sucré, quand Stéphane a sorti un petit cadeau enveloppé dans du papier rouge pompier. Pourtant, on s’était dit qu’on ne se donnait rien. Moi, bien sûr, en gars trop by the book, j’avais respecté la consigne comme un premier de classe. J’étais aussi excité de voir ce petit rectangle rouge que si on m’avait offert une île dans les Caraïbes avec une villa VIP. Stéphane avait les joues rouges de timidité et les miennes étaient rouges d’excitation. Si quelqu’un nous avait regardés à ce moment-là, il aurait pensé qu’on faisait une solide chute de pression de couple. Dans le paquet, il y avait la cassette de groupe U2. Je n’étais pas le plus grand fan du groupe, mais sur cet album live, il y avait la version gospel de I Still Haven’t Found What I’m Looking For et Stéphane savait à quel point j’adore la musique gospel. C’était comme recevoir un lingot d’or sous forme de ruban dans une boîte en plastique. Pour pouvoir m’offrir ça, il avait dû s’inscrire à La maison Colombia (ceux qui savent, savent ce que ça impliquait). Un vrai sacrifice d’amour. On a fini la soirée à frencher dans son auto qui puait l’huile dans le stationnement chez nous parce que ma mère n’endurait pas la visite dans ma chambre les jours de semaine. Même pas d’exception pour la soirée de Cupidon. Mais on s’en foutait royalement. On était sur le nuage de l’amour, celui qui est au même étage que le septième ciel.
Je ne dis pas que mon souvenir est si extraordinaire et que c’est la quintessence de l’amour. Mais peut-être que si on revenait plus souvent à la grosse base, ça ferait du bien et ça enlèverait une tonne de pression sur nos petites épaules qui sont déjà bien trop sollicitées. Couper dans le gras de l’inutile. L’amour, c’est simple, ça se passe entre deux personnes… ou trois… rien de plus, rien de moins. Je vais aller écouter un brin de gospel. Bonne Saint-Valentin !
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