Début du contenu principal.
On apprenait récemment que 4000 enseignants et enseignantes ont déserté leurs classes en trois ans.
On apprenait récemment que 4000 enseignants et enseignantes ont déserté leurs classes en trois ans. 4000, c’est aussi le nombre de chroniques écrites sur notre système d’éducation qui s’effondre, et ce, depuis des années. J’exagère à peine.
J’en connais qui doivent rire dans leur barbe, en ce moment. Des enseignants et des enseignantes, je parle. Oh, mais ils rient jaune, vous pouvez être sûrs de ça. J’aurais pu appeler ce texte «chronique d’une mort annoncée», puisque nos établissements d’enseignement sont sur le respirateur artificiel depuis trop longtemps.
À lire également:
Juste vous dire, en passant, que ce 4000 n’inclut pas les départs à la retraite. Je sais, ça fait saigner des yeux de lire ça. C’est néanmoins une donnée fondamentale. Parce que ça en dit long sur l’écœurantite du corps enseignant, mettons.
Et le pire, là-dedans, le plus débile, c’est que les Centres de service prétendent ne pas connaître les raisons derrière ces départs. Puisqu’ils semblaient être absents quand le sens de la déduction est passé, aidons-les un peu. Pas besoin d’être un fin limier pour deviner les raisons derrière ces départs à la chaîne. Juste à lire les centaines de commentaires de profs dans les journaux, sur les médias sociaux et même, dans les livres qu’iels écrivent. Juste à les regarder à la TV. Ils sont partout pour nous mettre en garde depuis des années. Ils proposent même des solutions. Pas de danger qu’on les écoute, par contre.
Ce n’est pas sorcier. Je vous résume l’affaire : ils ont des conditions de travail qui se dégradent année après année et ont, pour la grande majorité, l’impression d’être laissés à eux-mêmes avec toujours plus d’élèves et de moins en moins de moyens.
OK, les 4000 n’ont pas tous quitté définitivement l’enseignement, mais ces gens-là étaient tous, sans exception, assez à bout de nerfs pour aller voir ailleurs ou carrément changer de domaine.
Je n’aimerais pas être dans les souliers du nouveau ministre de l’Éducation en ce moment. Parce que même s’il a annoncé des assouplissements pour essayer de mettre fin à la «pénurie de main-d’œuvre scolaire», ça ne sera pas suffisant.
Iriez-vous, vous, dans une classe surchargée, utiliser du matériel souvent désuet et respirer de l’air vicié? Ce n’est pas tellement tentant, hein? Seriez-vous prêt à être prof, parent, sexologue, travailleur social, psychologue et orthopédagogue en même temps? Impossible? Pourtant, c’est ce qu’implicitement, à cause du manque d’effectif, on demande aux enseignants et aux enseignantes du Québec en ce moment.
Monsieur Drainville a peut-être un rutilant plan de match et des idéaux, mais je pense que les gens qui travaillent sur le terrain méritent plus que ça. C’est bien beau ramener les éducatrices dans les classes pour pouvoir aider les élèves en difficulté, mais c’est un peu pas mal déshabiller le petit Paul pour habiller le petit Jacques. Il y a une pénurie d’éducatrices. Je le rappelle, puisque le ministre semble faire comme si ça n’existait pas.
Le plan de Bernard Drainville inclut aussi toute une initiative de revalorisation du français et veut bonifier la formation professionnelle pour la rendre plus attrayante. Tout ça, ce sont de belles idées, j’en conviens. Et il y en a plein d’autres. Je ne les énumère pas ici puisque le point, c’est que ça va prendre du monde, et pas rien qu’un peu, pour les mettre à exécution.
À moins d’un miracle, et même s’il tente par tous les moyens de nous expliquer que oui, ça se peut qu’on puisse sortir des milliers de profs d’un chapeau à l’aide de son fameux plan de match, je ne crois pas le ministre Drainville. Pas que ce soit un menteur. Non non. Ce n’est juste pas le messie. Il ne peut pas transformer l’eau en vin comme il ne peut pas inventer des profs ou en fabriquer avec du papier mâché.
Pour qu’il y ait des enseignants et des enseignantes en nombre suffisant, il faut que du monde ait envie de devenir prof et il faut que ces profs-là aient envie de rester. C’est là-dessus qu’il faut plancher, sur ce désir-là.
Est-ce que monsieur Drainville, en l’état actuel, aurait le goût d’enseigner à temps plein dans une école publique au Québec? On dirait que je pense que non. En tout cas moi, ça ne me tenterait pas pantoute.