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Le rapport de la coroner dévoile que Karim Ouellet est décédé d’une acidocétose diabétique dans un contexte de consommation de méthamphétamine. Le Dr Alain Vadeboncoeur nous parle de cette complication liée au diabète.
La dramatique fin de vie de Karim Ouellet nous rappelle cette autre dure réalité : pour les personnes diabétiques dont la vie dépend de l’insuline, une complication appelée acidocétose, qui survient notamment lorsqu’on interrompt ce traitement, est parfois mortelle si elle n’est pas traitée à temps. Ce qui semble avoir été le cas du chanteur, selon le rapport du coroner rendu public mercredi.
Malheureusement, il semble que Karim Ouellett n’acceptait pas très bien sa maladie et refusait parfois de prendre son insuline, ayant déjà été soigné pour cette complication quelques semaines avant son décès. De plus, on apprend qu’il consommait certaines drogues de la classe des stimulants, qui peuvent aggraver ce risque. Chez les personnes diabétiques de type I, l’absence d’insuline ne pardonne pas. D’où l’importance d’en connaître les symptômes et d’agir rapidement au besoin.
Avant la découverte de l’insuline en 1921 par le médecin chercheur torontois Frederick Banting, ce qui lui vaudra plus tard le prix Nobel, puis son administration humaine à partir de 1922, les personnes atteintes de diabète de type I qui survient quand l’insuline naturelle n’est plus sécrétée en quantité suffisante pour jouer son rôle décédaient immanquablement d’acidocétose.
Le rôle principal de l’insuline étant de faire pénétrer le glucose (sucre), notre carburant principal dans les cellules, son absence compromet ce rôle biologique fondamental de fournisseur d’énergie qui assure notre survie. La première manifestation du diabète de type I, qui apparaît souvent dans l’enfance, est d’ailleurs souvent une acidocétose, qu’on peut heureusement aujourd’hui traiter.
La cellule a en effet besoin de cet apport continu de glucose pour produire de l’énergie, les fonctions de chacune d’entre elles, de chaque organe qu’elles composent et du corps tout entier reposent d’abord sur une production d’énergie suffisante en tout temps.
Chez un diabétique de type I qui prend régulièrement de l’insuline, son interruption, même sur une assez courte période, ou encore une quantité globalement insuffisante ou encore si les besoins métaboliques son accrus, conduit rapidement à des conséquences graves, à commencer par un changement radical des substances utilisées pour générer l’énergie vitale.
Que se passe-t-il quand le carburant principal cesse d’entrer dans la cellule ? Les conséquences apparaissent à la fois à l’extérieur des cellules et à l’intérieur. Si les premières sont les plus apparentes, les secondes sont les plus graves.
Ce qui est le plus évident, c’est que le glucose, qui ne peut plus entrer aussi facilement dans les cellules, s’accumule ainsi à l’extérieur, dans le liquide qui entoure les cellules et le sang, ce qu’on peut mesurer facilement à l’aide d’un appareil appelé glucomètre, que tous les diabétiques ont à leur disposition.
En prélevant une goutte de sang au bout d’un doigt, il permet de connaître en une minute le niveau sanguin précis de glucose dans le sang. À l’hôpital, on procède de cette façon ou encore par prise de sang. Alors que la valeur normale est autour de 5 mmol/L, on peut observer des valeurs très élevées, bien souvent au-dessus de 30 ou même non mesurables parce qu’elles dépassent les limites des appareils. La personne diabétique peut ainsi rapidement savoir que ça ne va pas.
L’accumulation de ce glucose a un premier effet secondaire évident, c’est qu’il est alors éliminé par les reins, passant ainsi dans l’urine en grande quantité, ce qui s’accompagne d’une importante perte d’eau et d’électrolytes (notamment le potassium sanguin, ce qui peut mener à des complications cardiaques, et le sodium). La déshydratation qui en résulte est parfois sévère. D’ailleurs, parmi les symptômes d’un diabète mal contrôlé, on retrouve le fait de beaucoup uriner et d’avoir très soif.
Cette montée du glucose dans le sang n’est que la partie la plus apparente du problème. C’est au cœur de chaque cellule que s’opère une transformation complète et délétère du fonctionnement.
Manquant de glucose, la cellule utilise ce qui est disponible, soit les sources d’énergie alternatives que sont les triglycérides (des gras) et les acides aminés (à la base de nos protéines). Cela lui permet de remplacer pour un temps le carburant de base qu’est le glucose.
L’utilisation de ces substances alternatives par nos mitochondries, petites usines à production d’énergie, entraîne la production de ce qu’on appelle des « corps cétoniques » (acide acétoacétique et acide bêta-hydroxybutyrique), utilisables comme carburant, mais dont la nature va causer cette acidose métabolique retrouvée dans l’acidocétose.
L’acidocétose, comme le mot le dit, est donc une acidification du sang causée par les corps cétoniques en l’absence de glucose. Pratiquement, le pH sanguin, d’habitude maintenu autour de 7,4, s’abaisse à des niveaux dangereux, souvent inférieurs à 7,0, un niveau beaucoup trop pour permettre le fonctionnement normal du corps humain.
Lorsqu’une personne diabétique avance vers une telle acidocétose, elle ressent différents symptômes, comme la faiblesse, les maux de tête, la déshydratation, les nausées et vomissements, de même que des douleurs abdominales, ce qui pousse normalement à vérifier sa glycémie et à consulter à l’urgence.
Un des problèmes, c’est que la complication affecte aussi le cerveau, qui manque lui-même de carburant, entraînant de la somnolence et parfois un coma dû à une complication appelée « œdème cérébral » — de l’enflure des tissus cérébraux, en quelque sorte. Si la personne est alors seule, la perte graduelle de conscience pourrait l’empêcher d’appeler à l’aide.
On dit qu’en cas d’acidocétose, on remarque que l’haleine a une odeur fruitée de pomme ou encore qu’elle ressemble à celle du dissolvant à vernis à ongles, à cause de la présence d’acétone provenant de l’acide acétoacétique.
Si une personne diabétique que vous connaissez présente une telle haleine, suggérez-lui de vérifier son glucose, si elle n’y a pas pensé elle-même, surtout si elle souffre de symptômes suspects. Un autre signe à noter est la présence d’une respiration rapide et profonde (appelée de « Kussmaül »), un effort respiratoire exagéré qui vise à compenser l’acidose retrouvée dans le sang par l’expulsion du CO2.
Mais si, comme pour Karim Ouellet, la personne se trouve seule et ne reçoit donc pas les soins urgents requis, son état se détériore graduellement au cours des heures et jours qui suivront, elle perdra graduellement conscience, avant que ses organes vitaux ne s’effondrent, à la fois en raison du manque de carburant et de l’environnement toxique de l’acidose. Une bien triste fin pour un artiste qu’on appréciait.