Début du contenu principal.
L’héritage musical de Sinéad O’Connor a transcendé les territoires, le temps et les générations. Toutefois, une chose continue de me troubler quand je pense à elle : le fait qu’elle semble avoir davantage été soutenue dans la mort que de son vivant.
Le 26 juillet dernier, on apprenait le décès de l’autrice-compositrice-interprète irlandaise Sinéad O’Connor à l’âge de 56 ans seulement. J’étais au karaoké avec des amies en train de chanter son plus grand succès, Nothing Compares 2 U, à tue-tête quelques jours à peine avant sa mort.
Je me demandais justement comment elle allait considérant que son fils de 17 ans s’est enlevé la vie en janvier 2022. La mort de la chanteuse n’est pas considérée comme suspecte selon la police de Londres, là où elle a été retrouvée sans vie à son domicile. Or, bien que les circonstances de celles-ci n’ont pas été révélées au moment où j’écris ces lignes, on sait que O’Connor a fait plusieurs tentatives et menaces de suicide au cours des dernières années.
L’héritage musical de Sinéad O’Connor a transcendé les territoires, le temps et les générations. Toutefois, une chose continue de me troubler quand je pense à elle : le fait qu’elle semble avoir davantage été soutenue dans la mort que de son vivant.
Il faut apprendre à rendre hommage et à protéger les gens lorsqu’ils sont encore ici parmi nous. Malheureusement, nous avons encore le réflexe collectif de manifester notre sollicitude envers une personne que lorsqu’elle quitte ce monde. Dans le cas de Sinéad O’Connor, c’est d’autant plus vrai considérant qu’elle a été au cœur de plusieurs débats et controverses.
La plus marquante aura été le 3 octobre 1992, lors de l’émission Saturday Night Live où elle a déchiré la photo du pape Jean Paul II, en direct à la télévision, lors de son interprétation de War de Bob Marley. Ce geste fort courageux pour l’époque visait à dénoncer les abus sexuels au sein de l’Église catholique, une réalité que nous reconnaissons davantage aujourd’hui. O’Connor a affirmé être elle-même une survivante d’abus physiques et sexuels subis aux mains de sa mère. La photo du pape qu’elle a déchiré appartenait justement à sa génitrice.
Nous étions des décennies avant les mouvements #MeToo ou encore #BeenRapedNeverReported. O’Connor a payé un très fort prix pour cela, comme c’est souvent le cas pour les personnes en avance sur leur temps. Comme conséquence, elle fut bannie à vie par la chaîne de télévision NBC puis huée, quelques jours plus tard, lors d’un concert hommage à Bob Dylan auquel elle a pris part.
Bien qu’elle fût marginalisée par l’industrie de la musique après ces controverses, O’Connor a affirmé dans ses mémoires, Rememberings, que d’avoir connu le succès avec Nothing Comapres 2 U, l’avait menée dans la mauvaise direction. Selon elle, le fait d’avoir déchiré cette photo avait remis sa carrière sur le droit chemin.
Dans sa musique et dans sa voix, on sentait toute la force et la combativité, mais également, une grande fragilité. Plusieurs se souviennent de Sinéad O’Connor par ses déboires avec la maladie mentale et ses multiples appels à l’aide sur les réseaux sociaux lorsqu’elle n’allait pas bien. Pour ma part, je me souviens surtout d’elle comme étant une artiste incomparable, non corrompue par l’industrie de la musique, qui préférait, par-dessus tout, être fidèle à ses principes et à ses convictions, et ce, sans compromis. Même lorsque cela dérangeait.
En 2018, O’Connor s’est reconvertie à l’islam — ce qui apparaît comme un paradoxe pour certains — et s’est rebaptisée Shahuda’ Davitt Sadaquat, sans doute le signe qu’elle cherchait à se redéfinir ou à trouver une forme de paix intérieure.
Or, à mes yeux, le véritable paradoxe réside dans celles et ceux qui gravitaient autour d’elle et qui se sont précipités pour louanger son courage à l’annonce de son décès. Pourtant, bien des gens de l’industrie de la musique ont préféré garder le silence et détourner le regard lorsqu’elle appelait à l’aide de son vivant ou lorsqu’elle était au centre d’une controverse. Un paradoxe qui fut relevé par plusieurs.
En effet, si elle avait su qu’elle était autant aimée et appréciée, peut-être que son passage sur cette terre aurait été beaucoup plus doux.
Si vous avez besoin d'aide :
- Par le service d’intervention par clavardage offert sur ordinateur au suicide.ca
- Par téléphone au 1 866 APPELLE (277-3553)