Début du contenu principal.
La hausse du coût de la vie peut entraîner du stress, de l'angoisse et de l'anxiété auprès de la population, et cela peut aller jusqu'au suicide. Mais des nuances s’appliquent.
La hausse du coût du panier d'épicerie, de l'hypothèque et des taux d'intérêt peut entraîner du stress, de l'angoisse et de l'anxiété auprès de la population, et cela peut aller jusqu'au suicide. Le haut taux d'emploi et le soutien du gouvernement pourraient toutefois jouer un rôle positif dans ce climat économique tendu.
Bien que les économistes ne parlent pas encore de crise économique ou de récession, plusieurs contrecoups financiers sont difficiles à encaisser pour de nombreux ménages.
L'Indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 2,8 % d'une année à l'autre en juin — ce qui représente un ralentissement de l'inflation — mais Statistique Canada précise qu'en juin les prix dans les épiceries ont augmenté de 9,1 % en un an.
Plus tôt ce mois-ci, la Banque du Canada a de nouveau relevé le taux directeur qui est passé à 5 %, un sommet depuis 2001. Elle explique cette mesure parce qu'elle prévoit que l'inflation restera élevée plus longtemps. Ce faisant, le coût de l'intérêt hypothécaire a bondi de 30,1 % en une année.
L'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) reconnaît qu'il existe un lien entre le suicide et les crises économiques. Dans une étude sur la pandémie, elle écrit que: «Les pertes d’emploi en période de pandémie ainsi que le recours à des prêts pour s’en sortir peuvent accroître le sentiment de perte de contrôle et conduire à des comportements suicidaires.»
Michel Tousignant, chercheur auprès du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie (CRISE), apporte quelques nuances.
«Le suicide arrive plus souvent dans des régions qui souffrent de la pauvreté. En fait au Québec, c’est la cause de mortalité la plus liée à la pauvreté, plus que les maladies physiques et l’homicide. C’est certain qu’il y a un lien, mais le lien est complexe», soutient-il.
Il mentionne de prime abord qu'un suicide est un suicide de trop, mais le chercheur souligne que c’est un événement qui est relativement rare. Selon l'INSPQ, le suicide représente 1,7 % de tous les décès au Québec pour les années 2017-2019. Il arrive au septième rang des causes de décès dans la province.
M. Tousignant indique aussi qu'il faut distinguer les idées suicidaires, les tentatives de suicide et le suicide. Ils n’ont pas les mêmes facteurs, dit-il.
«Ce n’est pas pathologique de penser au suicide, ce sont des questions que les philosophes se posent, par exemple. Ce sont des questions que chacun peut se poser, mais parfois on y pense cinq minutes et après on n'y pense plus», explique-t-il.
Il ne faut pas associer la détresse au suicide, mais bien le découragement et la perte totale de confiance en soi, indique M. Tousignant.
«C’est une minorité de gens qui arrive à cet état et ça prend des années à se décourager parce qu’on essaie toutes sortes de choses. C’est quand on a tout essayé et qu’on est au bout du rouleau, c’est là qu’on commence à penser au suicide et surtout à agir, car beaucoup de gens y pensent, mais peu vont à la conclusion finale.»
Chaque jour, plus de 200 personnes au Canada font une tentative de suicide et environ 4500 décès par suicide sont rapportés chaque année, selon les données de Statistique Canada.
Marie-Michèle Dufour, professeure adjointe au département de psychoéducation de l'Université de Montréal,estime qu'il est «normal» de vivre du stress et de l'anxiété face à une situation financière difficile.
Elle explique que le stress est une réaction physiologique à un «stresseur» réel ou perçu et pour lequel quatre ingrédients sont nécessaires, soit la nouveauté, la menace à l’égo, l'imprévisibilité et un faible sentiment de contrôle. Elle constate que ces quatre facteurs sont présents dans la situation économique actuelle.
L'anxiété est plutôt l'anticipation de situations hypothétiques, décrit Mme Dufour.
«Je pense que l’aspect tabou qui entoure les finances n’aide pas. De parler ouvertement de la situation dans laquelle on se trouve avec ses proches peut être bénéfique», indique Mme Dufour dans un courriel, ajoutant qu'on doit se rappeler que nous sommes plusieurs «dans le même bateau».
De plus, une période financière difficile sera transitoire pour une majorité de personnes, dit-elle.
Selon M. Tousignant, certaines périodes économiques ont causé beaucoup «de soucis» et il y a eu peu de suicides, tandis qu'on observait une augmentation des suicides pour d'autres périodes.
«On n'est pas certains si on se dirige vers une crise économique ou non. C’est sûr que les hypothèques vont causer des problèmes, mais si en parallèle l’économie va bien, ça va être moins pire. Mais c’est sûr que ça va briser des rêves», estime le chercheur.
Advenant une crise économique, il croit que beaucoup d'impacts psychologiques dépendront du climat social.
«Ce n'est pas parce qu’on a des problèmes financiers qu’on va nécessairement voir se détériorer son niveau de santé mentale. Ça peut arriver que les gens vivent des expériences de solidarité qui vont au contraire améliorer leur niveau de vie.
«Il faut voir toute la diversité de façon que les gens ont de réagir à des situations comme celles-là.»
La pauvreté n'est pas une cause directe du suicide et aucun groupe social n'est à l'abri. «Mais c’est sûr que quand on est riche, on peut aller se défouler ailleurs. Ça peut prendre plus de temps avant qu’on arrive à se suicider parce qu’on a plus de portes de sortie», fait valoir M. Tousignant.
Afin de contrer la forte inflation, les gouvernements provincial et fédéral ont mis en place des mesures pour tenter d'atténuer le fardeau financier sur les ménages.
Le premier ministre du Québec, François Legault, a notamment promis des baisses d'impôt afin d'aider les citoyens moins bien nantis ainsi que ceux issus de la classe moyenne.
De plus, comme promis en campagne électorale, laCoalition avenir Québec(CAQ) a aussi envoyé aux contribuables admissibles — ceux gagnant 100 000 $ et moins — un chèque de 400 $ ou 600 $ à la fin de l'année 2022.
Plus récemment, le gouvernement fédéral a envoyé aux Canadiens un remboursement pour l'épicerie, pouvant aller jusqu'à 628 $, également dans le but de fournir un soutien financier à ceux ayant un revenu moins élevé.
Selon M. Tousignant, ce n’est pas nécessairement le montant d’argent qui compte, mais bien l'intention. «Le gouvernement nous aide. Même si ça ne règle pas tous les problèmes, on sent qu’il y a un effort pour aider les plus démunis. L’effet symbolique (...) va améliorer le climat social autour des gens, ils sentent qu’ils sont aidés.»
Besoin d'aide?
Si vous êtes en détresse et cherchez à obtenir de l'aide, plusieurs ressources sont disponibles:
1-866-APPELLE
www.suicide.ca
www.teljeunes.com