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À notre arrivée au manoir, c’est un Roland Ménard visiblement détendu qui nous accueille et prend la peine de nous offrir un café.
Il nous fait rapidement passer au Tap Room, le restaurant bistronomique du Hovey, qui symbolise bien selon lui l’évolution de la cuisine depuis son arrivée. «Ici, ça buvait souvent une bouteille de scotch sur la table, du gin!», lance-t-il. «Les personnes, à l’époque, étaient habituées de manger des gros steaks ! Avec des New York cut, des pommes de terre au four, quelques légumes, mais ce n’était pas une cuisine très raffinée, auxquelles ils étaient habitués», se remémore celui qui a accumulé des prix prestigieux au fil du temps.
«Dans les années 90, je dirais, c’est là que ça a changé. Les gens ont commencé à voyager plus. Ça, ça été une évolution. Les gens ont commencé à connaître le vin, à connaître les produits plus raffinés. On a continué à évoluer de ce côté-là», analyse-t-il.
Au manoir Hovey, celui que l’on surnomme Chef Roland a fait sa renommée en tissant des liens précieux avec les producteurs locaux, preuves à l’appui.
Il se remémore un producteur de lapins, un certain Monsieur Gagnon, qui avait proposé un lapin trop rachitique, ou maigre, au cuisinier. «Je n’oublierai jamais. […] Il m’est arrivé et je lui ai dit, ici le lapin, ce n’est pas ce qui fonctionne le plus. Par contre, avec ce monsieur-là, on est arrivés à changer l’alimentation des lapins. D’année en année, après 2-3 ans, on a réussi à arriver avec une qualité de produits que lui était capable de vendre par la suite», se souvient M. Ménard. «C’est ça qui a fait le succès de la cuisine du manoir Hovey.»
Roland Ménard a-t-il un plat fameux, fétiche ? «Pas vraiment, répond-t-il sans détour. Moi, j’aime découvrir aussi. Les plats que j’aime le mieux, ce sont les plats où on a vraiment traité les aliments comme ils devraient l’être. Si tu manges un carré d’agneau, si tu sais qu’il est bien assaisonné et qu’il vient de la région, qu’il est tendre et avec un légume bien préparé […] tu ne peux pas demander mieux», pense le chef d’expérience.
Après un généreux entretien d’une quinzaine de minutes, Chef Roland tient à nous présenter son bébé et on transfère donc au restaurant le Hatley, situé à quelques secondes à pieds du Tap Room, toujours au manoir Hovey. Ici, on y sert de la cuisine gastronomique de haut niveau.
De quoi est-il le plus fier, après 43 ans ? Bien sûr, de ses relations avec ses collègues, mais…«Moi, personnellement, c’est ma clientèle. Les derniers jours que j’ai cuisiné, j’ai eu beaucoup de nostalgie quand j’ai sorti mes derniers plats et que je savais que c’étaient mes derniers. Je peux vous dire que j’ai ravalé pas mal, parce que ma clientèle, pour moi, il y a des gens qui me suivent depuis 30 ans. C’est incroyable, ils viennent d’année en année pour la cuisine du manoir», explique-t-il.
Et ces clients sont parfois des vedettes mondiales, mais Roland Ménard préfère en parler avec modestie. Il a cuisiné, rappelle-t-il, pour Nicole Kidman, Johnny Depp, Bill et Hillary Clinton, Pierce Brosnan ou encore René Lévesque. «Pour moi, c’est égal pour tout le monde. Que ce soit des gens de haut niveau, ou monsieur et madame Tout-le-Monde qui viennent manger ici, pour moi c’est la même pression. Je dois donner une qualité, je dois donner la même qualité à tout le monde, mais c’est sûr que ça fait un velours quand on sait que c’est des gens qui viennent de l’international et qui ont une réputation grandiose», pense Chef Roland.
M. Ménard aura bientôt 67 ans, et estime n’avoir jamais pris plus de cinq journées consécutives de vacances depuis son arrivée au manoir Hovey.
Le chef maintenant à la retraite compte en profiter très rapidement. Son petit-fils vient de remporter un concours de robotique à l’école secondaire et a besoin d’un accompagnateur pour la portion internationale du concours, qui se déroulera au Texas. Devinez qui a levé la main ? «Ça adonne que je suis en congé… non ! à la retraite», rigole-t-il. «Je m’en vais au Texas avec mon petit-fils apporter le robot et on va aller visiter ça pendant une dizaine de jours.»
M. Ménard confie qu'il n'aurait jamais eu le temps de faire ça «avant». «J’aurais été beaucoup trop stressé de partir quelques jours», raconte-t-il, sourire aux lèvres.
Roland Ménard cède les rênes des cuisines du Manoir Hovey à Alexandre Vachon, qui travaillait déjà avec lui depuis 5 ans à la passation des pouvoirs. Il ne faut pas s’attendre à une révolution, néanmoins il pourra y apporter sa touche personnelle, alors qu’un nouveau spa et une douzaine de chambres s’ajoutent à l’offre du manoir.
«Le volume va augmenter un peu, plus grosse brigade. […] La modernisation de la cuisine présentement est beaucoup plus sur les effets santés, les légumes et moins les grosses protéines comme M. Ménard disait, on a fini cette époque-là», souligne M. Vachon.
Le digne successeur de Roland Ménard veut d’ailleurs s’inspirer de la modestie de son ancien collègue pour la suite. «On cuisine parce qu’on aime recevoir, on aime donner, on aime partager et c’est de ça dont je vais me souvenir de Roland Ménard», explique-t-il.
Les deux hommes quittent Noovo Info en nous mettant l’eau à la bouche. La cuisine du Manoir Hovey s’apprêterait à obtenir une prestigieuse certification, réservée à la crème de la crème des restaurants du pays.
Peut-être faudra-t-il y retourner bientôt ?