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Elle a d’ailleurs souhaité témoigner derrière des panneaux pour ne pas faire face à l’accusé et réveiller ces douloureux souvenirs.
D’entrée de jeu, la procureure de la Couronne, Me Geneviève Crépeau, l’a questionnée sur la nature de sa relation avec Kevin Sanders, ce à quoi la témoin a répondu: «C’était un client.» Cette dernière a toutefois admis qu’elle le connaissait un peu puisqu’il était pratiquement présent chaque fois qu’elle travaillait.
Voyez le reportage de Dominique Côté dans la vidéo.
Elle l’a décrit comme un homme qui «ne parle pas beaucoup, qui est très discret, difficile à saisir et qui est sarcastique. Je sais qu’il voulait une relation, mais il disait que toutes les filles étaient des criss de folles», a-t-elle expliqué, précisant cependant qu’elle n’avait jamais eu de problème avec Sanders.
La veille du meurtre, le 16 août 2020, en terminant son quart, elle a demandé à Kevin Sanders de l’accompagner vers le bar l’Otre Zone puisqu’elle avait peur de marcher seule le soir au centre-ville de Sherbrooke. Il a accepté et l’a menée à cet endroit pour aller rejoindre ses amies. La jeune femme ne l’aurait pas revu avant le lendemain soir.
C’est ce qui explique donc en partie l’état dans lequel il était lorsqu’il est arrivé au bar le soir de l’altercation. Toujours selon sa version, Sanders était en colère contre elle parce qu’elle l’avait amené à un bar gai et l’avait laissé là, seul.
Le soir des événements, le 17 août 2020, lorsque l’accusé est arrivé à La Taverne Urbaine, la témoin l’a salué et Sanders lui aurait répondu: «Ferme ta gueule et sers-moi une bière.» Déjà, la serveuse soutient ne s’être pas sentie en sécurité. «Je me suis sentie prise au piège derrière le comptoir. Il était très agressif. Je me suis dit que si je l’ignorais et que j’étais sur mon téléphone, il finirait par s’en aller et j’achèterais la paix, en quelque sorte.»
Tout au long de la soirée, elle rapporte s’être sentie surveillée par l’accusé. À un certain moment, elle l’aurait également entendu cracher non-loin d’elle.
L’arrivée, quelques heures plus tard, de la victime Joël Maillhot l’aurait sécurisée, et sa présence aurait détendu l’atmosphère. «Je l’ai vu un peu comme ma porte de sortie.»
Dans une vidéo déposée en preuve, on peut voir la serveuse passer une partie de la soirée à parler avec la victime, à rire avec lui et à ignorer Kevin Sanders, qui était assis à quelques tabourets des deux autres individus.
Crédit photo: Palais de justice de Sherbrooke
À un moment, la jeune femme et Joël Maillhot sont sortis dehors fumer une cigarette, un autre moment capté par vidéo-surveillance. «Je savais que Kevin allait nous suivre. J’ai dit à Joël en sortant que je me sentais en danger.»
Sanders est effectivement sorti quelques instants plus tard. «On a juste continué à parler comme si de rien n’était.»
De retour à l’intérieur, la serveuse annonce aux deux seuls clients sur place qu’elle doit fermer le bar, ce qui fâche l’accusé. En payant sa facture, il aurait lancé le 10 ¢ de pourboire qu’il lui laissait, et lui aurait dit, à nouveau : «Ferme ta gueule et laisse-moi finir ma bière», selon la version de la témoin.
C’est à ce moment qu’elle aurait pris son téléphone et aurait appelé la police — geste qui, malheureusement, aurait incité l’accusé à s’en prendre à Joël Maillhot, selon ce que racontait Me Geneviève Crépeau dans son énoncé des faits vendredi dernier.
«Elle a fait mention de comportements agressifs et de paroles agressives à son endroit, donc on peut mettre ça en contexte avec les événements de la veille, mais en fin de compte, ils ont peu d’importance dans l’événement principal», a soutenu mardi midi la procureure de la Couronne.
La témoin reste, même encore aujourd’hui, très ébranlée par les gestes traumatisants qu’elle a vu se produire devant elle. Cette dernière a notamment dû prendre plusieurs pauses pendant son témoignage puisqu’elle était trop émotive.
«Des événements comme ça, ça laisse à n’importe qui des conséquences qui peuvent être psychologiques et physiques. Sans entrer dans les détails parce que ça lui appartient, elle est passée par toute une gamme d’émotions depuis 2020, mais elle était là ce matin et elle a rendu son témoignage et on est content pour elle que ce soit enfin terminé», a indiqué Me Crépeau.
La jeune femme, qui avait 23 ans au moment des faits, a qualifié la victime Joël Maillhot comme étant un homme «super gentil, aimable, respectueux et qui était toujours prêt à aider les autres», lui aussi étant un client régulier.
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Pendant la violente agression, elle était en état de choc et n’avait plus aucune notion du temps. «J’avais peur pour ma vie.» Heureusement pour elle, Sanders a quitté les lieux sans lui avoir adressé la parole.
Elle se souvient du moment où elle a vu Joël Maillhot couché au sol et qui avait de la difficulté à respirer. «Je lui ai pris la main parce que je me suis dit que si j’étais dans cette situation-là, je n’aurais pas voulu être seule. Je voulais juste qu’il vive et qu’il respire.»
Les premiers policiers sont finalement arrivés quelques minutes après l’altercation et ont pris la relève des efforts de la jeune femme qui essayait tant bien que mal de réveiller la victime.
Le procès de Kevin Sanders se poursuivra au cours des prochains jours. On entendra le dernier témoignage, soit celui de la pathologiste qui a déterminé les causes du décès de Joël Maillhot.
Bas de vignette: L’accusé, Kevin Sanders, la victime, Joël Maillhot et la serveuse quelques moments avant la violente agression.