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Nicous D’Andre Spring est décédé après un incident survenu le weekend de Noël pendant lequel les agents correctionnels auraient utilisé un masque anti-crachat et du poivre de Cayenne.
Le masque anti-crachat est associé de près ou de loin à une multitude d’incidents où des suspects ont été grièvement blessés ou trouvés la mort, parfois par suffocation. Le masque ne cause pas nécessairement le décès, mais son utilisation avec d’autres outils de contrôle peut devenir hautement problématique, selon Michael Arruda, ex-policier du SPVM spécialiste en interventions de crise.
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Michael Arruda a travaillé 25 ans au Service de police de la Ville de Montréal, où il se spécialisait dans les interventions avec des personnes ayant des troubles mentaux, les populations vulnérables et des individus en crise.
En entrevue au bulletin Noovo Le FIL 22 animé par Étienne Fortin-Gauthier , il a exigé une action immédiate du gouvernement du Québec pour mettre sur la glace l’utilisation de cet outil, en attendant les conclusions de l’enquête sur l’incident de la prison de Bordeaux et l’établissement de procédures claires provinciales.
«C’est un outil contraignant, comme les menottes. Mais ça peut donner un faux sentiment de sécurité aux intervenants. Il peut être extrêmement dangereux s'il n'est pas bien utilisé. Ça prend une procédure et une formation particulière pour être utilisé dans des conditions idéales. Mais souvent les policiers ne sont pas dans des conditions idéales», affirme celui qui est également formateur à l’École Nationale de Police du Québec.
«Regardez, disons qu’on asperge une personne de poivre de Cayenne, il va fort probablement se mettre à vomir ou à cracher. Disons qu’il a ce masque sur la tête, il risque de s’étouffer dans son vomi et d’en mourir si on ne lui vient pas en aide rapidement », complète-t-il en entrevue téléphonique avec Noovo Info.
L’entreprise HumaneRestraint qui commercialise un modèle de masque anti-crachat l’écrit noir sur blanc T: « ATTENTION: une mauvaise utilisation peut mener à une asphyxie, de la suffocation ou à une noyade dans son propre liquide corporel ».
Certains corps policiers américains ont des cadres d'utilisation très stricts pour le masque anti-crachat. L'une d'elles: ne jamais utiliser le masque en même temps que du poivre de Cayenne. Selon Michael Arruda, les directives au sein de la plupart des corps de police québécois sont inexistantes, sinon limitées à «effectuer une surveillance lors de l’utilisation du masque», dit-il.
Le masque anti-crachat peut créer une réaction de panique chez un individu qui se fait enfiler sur la tête cet objet en apparence inoffensif, note-t-il. Cela peut rapidement contribuer à faire dégénérer la situation avec un individu ayant des troubles mentaux, par exemple.
L’ancien policier et formateur dénonce aussi une formation déficiente pour les policiers et agents correctionnels. Il affirme qu’on leur dit que le masque les protège de possible contamination au VIH par l’entremise de crachat contaminé, par exemple. Mais dans les faits, les recherches scientifiques prouvent que le risque de contamination par cette méthode est hautement improbable.
Des enquêtes du bureau du coroner et de la Sûreté du Québec (SQ) sont en cours et le ministère de la Sécurié publique «s'engage à collaborer activement auprès de ces deux entités», dit la porte-parole Marie-Josée Montminy. Ces propos trouvent écho dans ceux du ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel.
«Je veux que toute la lumière soit faite sur ces événements. Pour ce faire, plusieurs enquêtes sont en cours. Les erreurs commises devront être assumées et répondues. Mon ministère suivra les recommandations qui pourraient être faites à la suite des enquêtes», a renchéri le ministre Bonnardel dans une publication sur Twitter. M. Bonnardel a répondu à un tweet de La Presse, qui a rapporté la nouvelle en fin d'après-midi jeudi.
Le masque anti-crachat impliqué dans plusieurs incidents :
En 2020, Bruno-Pierre Harvey est arrêté dans un état de crise à Québec. Un masque anti-crachat est utilisé. La victime dit avoir de la difficulté à respirer et décède par la suite. Le rapport du coroner conclut à un arrêt cardio-respiratoire. Il serait attribuable à une surdose de cocaïne, selon le coroner. Une contre-expertise, faite à la demande de la famille, arrive à une conclusion différente et n’exclut pas une mauvaise utilisation du masque. L'affaire est devant les tribunaux.
En 2020, Daniel Prude, un citoyen de l'État de New York, est arrêté en état de crise. Les policiers lui placent alors un masque anti-crachat sur la tête, tout en le maintenant au sol. Il est mort d'asphyxie après 2 minutes et 15 secondes, a conclu l'enquête.
En 2018, Dujuan Armstrong est mort avec un masque anti-crachat sur la tête dans sa cellule de prison, à Santa Rita, en Californie. Les agents lui ont placé un masque anti-crachat sur la tête en plus de lui mettre une camisole de force, après avoir constaté qu’il avait un comportement anormal. Quelques minutes plus tard, il a été découvert mort, lui aussi en raison d'un manque d'air.
En 2016, en Ontario, Soleiman Faqiri est mort portant un masque anti-crachat, en se faisant asperger de poivre de Cayenne et en étant plaqué par un agent correctionnel sur le ventre, lors d'un épisode de schizophrénie en prison.
En 2015, Michael Marshall est arrêté par la police de Denver, l'itinérant ayant des problèmes de santé mentale a été arrêté pour une entrée par effraction. Lors d'un épisode psychotique, où il a commencé à vomir, les policiers ont utilisé le masque anti-crachat pour ne pas être éclaboussés. L’itinérant est mort dans son vomi, le masque sur la tête.
En 2016, à Halifax, Corey Rogers, 41 ans, est décédé par suffocation avec un masque anti-crachat sur la tête. L'homme était intoxiqué et il a été laissé seul dans une cellule de prison pendant une longue période de temps. Un rapport dévastateur conclut que la Police d'Halifax n'a pas offert la formation nécessaire à ses officiers pour utiliser les masques anti-crachat.
En 2004, Kevin Bledsor a été arrêté dans l'État de Washington. Pour le maîtriser, les agents l'ont aspergé de poivre de Cayenne. Il a ensuite été placé à l'arrière d'une voiture de police, sur le ventre, avec un masque anti-crachat sur la tête. Il est mort quelques instants plus tard, pendant que les policiers interrogeaient des témoins. Sa famille a obtenu de la police 1,6 million de $ américains lors d'une entente hors cour.
En 2001 Tony Marcel Lee est arrêté à Fairfax en Virginie. Il est suspecté d'avoir conduit sous l'influence de l'alcool. Les policiers lui mettent un masque anti-crachat sur la tête et le transportent au poste de police. Mais en route à bord de l’autopatrouille, il est malade et vomit. Selon des documents judiciaires, il est mort asphyxié en avalant son vomi, le masque anti-crachat empêchant le liquide de s’écouler hors de sa bouche.
Avec des informations de Guillaume Théroux, Noovo Info.