La tragédie a eu lieu un an avant que la réforme de l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) soit adoptée. Émilie se retrouve aujourd’hui coincée entre l’arbre et l’écorce. Elle obtient de la nouvelle réforme une aide maximale de trois ans, mais n’a pas pour autant droit aux avantages de la nouvelle loi.
«Le montant par enfant a triplé et ça, on me ne le donne pas. Avant, c’était 12 500 $ par enfant, maintenant, c’est près de 60 000 $», expose-t-elle.
Émilie a tenté de dissuader le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, d’aller de l’avant avec sa réforme, mais elle s’est heurtée à un refus catégorique. «Je lui ai dit d’essayer de se mettre à ma place: ‘’Demain matin, ta femme tue tes enfants et on te demande de retourner au travail après trois ans’’. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas se mettre à ma place», raconte celle qui a récemment effectué un retour à l’enseignement.

Il y a un an, Émilie a déposé une poursuite de 2,5 M$ contre le CIUSSS et la DPJ de la Capitale-Nationale. Cinq enquêtes ont démontré des failles du système de protection de l’enfance dans le dossier de ses fils.
Le combat d’Isabelle Gaston
La Dre Isabelle Gaston a perdu ses enfants aux mains de leur père, Guy Turcotte, en 2009. Elle comprend amplement le combat d’Émilie Arsenault, elle qui milite aussi pour les droits des victimes d’actes criminels.
«Quand on a un drame, on est un peu dans un trou noir. Pour sortir du trou noir […], il faut bâtir du beau à l’entour. Pour bâtir du beau et des souvenirs, il faut avoir du temps. Il faut avoir un peu de sous, être capable de manger, payer son loyer», illustre-t-elle.

En 2012, Isabelle a d’ailleurs déposé une pétition signée par plus de 132 000 personnes qui a forcé le gouvernement Charest à mieux soutenir les victimes d'actes criminels, dont les parents, dont les enfants ont été assassinés. Mais ce n'est qu'en 2017 qu'elle a finalement été reconnue comme étant une victime elle-même d'actes criminels au sens propre de la loi.

Aujourd’hui, elle se dit très préoccupée par la réforme du gouvernement Legault. «Ils vivent dans un monde de licornes. Penser que les gens, on a juste à les référer au système public… Ces gens-là ne seront pas pris par le système public. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas souffrants […] Ils ont besoin d’aide à long terme et dans le système public, on éteint les feux», dénonce-t-elle.
«Il faut qu’ils reconnaissent qu’ils commettent le pire du pire envers des gens qui ont déjà subi le pire.»
La libération conditionnelle du «monstre»
Le père des enfants d’Émilie, Michael Chicoine, a écopé de la prison à perpétuité, mais il pourra faire une demande de libération conditionnelle dans moins de 15 ans. À ce moment-là, cela fera déjà longtemps qu’Émilie n’aura plus de prestation de l’IVAC.
«J’ai tout intérêt que [ma carrière d’enseignante aille bien] et qu’il n’y ait pas un élève un jour qui porte le nom du monstre. C’est comme ça que je l’appelle. C’est encore un nom que je ne suis pas capable de prononcer», laisse-t-elle tomber.

De son côté, Guy Turcotte pourrait faire sa demande de libération conditionnelle dans deux ans. Isabelle Gaston, qui bénéficie quant à elle toujours de l’aide accordée par l’ancienne loi, redoute ce moment.
«Sans cette aide, je ne crois pas que je pourrais être médecin […] Pendant trois, quatre ans, j’ai entendu un bébé pleurer la nuit. Je n’étais pas folle ! Ça m’a pris des années m’en sortir. J’ai toujours peur que ça revienne», avoue-t-elle.
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