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L’organisme communautaire offre des services aux toxicomanes à cet endroit depuis 2017, mais certains voisins l’ignoraient jusqu’à cet été. La pandémie, qui a forcé l’organisme à ralentir ses services, a aussi eu pour effet de rendre le centre moins visible.
Mais la cohabitation serait aujourd’hui plus difficile que jamais selon les voisins.
Voyez le reportage de Véronique Dubé dans la vidéo.
Sébastien Orlans nous fait entrer dans son condo du rez-de-chaussée, dont le balcon donne sur la rue Berger. Il sort à l’extérieur et nous montre un trou dans le sol en face de sa porte-patio.
Il dit que des articles de consommation sont souvent abandonnés ici et les usagers de Cactus viennent y fouiller.
«Je pense que c’est pour trouver peut-être des restants consommables», raconte-t-il.
Sa conjointe et lui ont ainsi perdu toute leur intimité en raison des nombreux passants intoxiqués qui déambulent devant leur fenêtre en tout temps. À l’entrée de l’immeuble, des seringues souillées sont sur le gazon et partout sur la rue, des déchets semblables jonchent le sol. «C’est insécurisant», dit-il.
Sur notre route en scrutant l’asphalte nous croisons, un consommateur de crack qui ramasse un tube cylindrique usager servant à fumer la drogue. Il est 10h alors que Donald, un résident du secteur qui vit dans une maison de chambres nous interpelle.
Il dit être sobre et à la recherche de ses amis, car il est inquiet pour eux. Il confie alors qu’il a perdu trois copains depuis le début de l’année en raison de surdoses.
«J’en ai trouvé un au bout d’une ruelle… Fentanyl ç’a l’air. Le monde ne sait pas, n’est pas assez au courant de ce qui se passe», soutient-il. En marchant avec lui, nous faisons la rencontre de Yannick qui quête, assis sur le trottoir de la rue Sainte-Catherine.
«Moi je le fume mon crack, je ne m’injecte pas. Mais advienne que pourra, je suis prêt à crever dans la rue», lance-t-il.
Midi trente, Cactus ouvre seulement dans une heure et demie. Mais déjà, Mario est à la porte de l’organisme et attend pour venir chercher son matériel de consommation. Lui non plus ne se pique pas. Il exhibe un tube cylindrique. «C’est avec ça que je fume mon crack», il poursuit en expliquant qu’il peut se procurer ce produit uniquement chez Cactus.
De l’autre côté de la rue, Normand lui a les bras marqués par les injections d’une trentaine d’années de consommation. «C’est une pensée magique de penser qu’on peut arrêter». Pour lui la rue n’est plus sécuritaire et le centre d’injection supervisé est encore davantage nécessaire qu’avant.
Le directeur des relations avec la communauté chez Cactus Montréal, Alex Berthelot, arrive en après-midi. Le centre ouvre à 14h parce que les heures d’ouverture ont été réduites. «Les surdoses ont explosé cette année, une journée normale, il y a environ deux à trois surdoses en salles», rapporte M. Berthelot.
Et la crise des opiacés, dont le Fentanyl qui fait des ravages, n’a pas fini de faire des victimes pense Mario. «C’est sûr que le voisinage a beaucoup de difficultés à nous accepter. Je pense qu’ils ne nous accepteront jamais. Il faudrait qu’ils nous construisent un endroit comme en Colombie-Britannique où les gens peuvent consommer sur place, les gens consommeraient plus dans les petites rues comme ici», laisse-t-il tomber.
Et selon M. Berthelot, il ne faut pas oublier que le quartier, nouvellement rebaptisé par la Ville «Quartier des spectacles», a été pendant 100 ans le «redlight» de la Ville de Montréal. «Ce n’est pas parce qu’on décide de fermer les maisons de chambres et les loyers abordables puis de les remplacer par des condos avec de la nouvelle brique qu’on va changer la dynamique d’un quartier» avance-t-il.
Il pense que seul un vrai investissement du gouvernement du Québec dédié aux organismes comme Cactus permettrait d’aider à lutter contre la crise des opiacés qui sévit actuellement, mais comprend les voisins, dont la quiétude est perturbée.