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Alors que des considérations environnementales et de santé publique poussent certaines municipalités à remettre en question l’utilisation de feux d’artifice, les regards se tournent de plus en plus vers les spectacles de drones lumineux. Mais même si l’engouement est évident, cette nouvelle technologie est encore loin de signer l’arrêt de mort des spectacles pyrotechniques.
Alors que des considérations environnementales et de santé publique poussent certaines municipalités à remettre en question l’utilisation de feux d’artifice, les regards se tournent de plus en plus vers les spectacles de drones lumineux. Mais même si l’engouement est évident, cette nouvelle technologie est encore loin de signer l’arrêt de mort des spectacles pyrotechniques.
Depuis que des feux de forêt dévastateur ont défrayé les manchettes au début de l’été, les spectacles de drones sont de plus en plus souvent présentés comme une alternative plus écologique aux feux d’artifice, qui génèrent une quantité importante de particules fines dans l’air, en plus de relâcher des métaux lourds toxiques dans l’environnement.
La réflexion fait même son bout de chemin ailleurs dans le monde, où de plus en plus d’événements d’envergure délaissent les bombes pyrotechniques au profit des drones. La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Tokyo, en 2021, a permis aux spectateurs de s’extasier devant le ballet de quelque 1800 drones colorés dans le ciel de la capitale japonaise.
Mais pour Éric Fréchette, il est impensable que les drones dament complètement le pion aux feux d’artifice, «du moins pas à court ou moyen terme».
La technologie est très complexe, les drones sont encore difficiles à se procurer et la formation nécessaire pour piloter ces appareils est longue, énumère-t-il. En un an, son entreprise n’a réussi à former que trois pilotes.
«Est-ce que ce virage peut survenir dans un futur plus lointain? Peut-être», laisse-t-il tomber. Mais d’ici là, son entreprise privilégiera plutôt une formule hybride, où drones et bombes pyrotechniques demeurent complémentaires.
Cette formule pourrait être la solution à court terme pour réduire la quantité de feux d’artifice qui explosent dans le ciel lors de la saison estivale, selon M. Fréchette.
«Le drone est un complément de la pyrotechnie et vice-versa. Quand on fait des spectacles hybrides, on peut avoir une durée d’environ 20 minutes, dont 12 minutes de drones qui seront combinés aux feux d’artifice.»
Éric Fréchette n’est pas dupe. Il sait très bien qu’avec la crise climatique actuelle et les catastrophes naturelles qui se multiplient, son domaine est particulièrement ciblé par les environnementalistes. «La perception du public est critique envers notre industrie, notamment par crainte d’amplifier les choses», estime-t-il. Mais il juge que les effets néfastes de la pyrotechnie sont souvent surestimés.
La quantité de particules fines générées par les feux d’artifice est non-négligeable. Des études réalisées en collaboration avec la Santé publique de Montréal démontrent que certains quartiers de la métropole peuvent enregistrer des concentrations atteignant 1000 microgrammes par mètre cube (µg/m³) dans les minutes qui suivent une représentation de l’International des Feux Loto-Québec. Par comparaison, au plus fort des brasiers, les feux de forêt ont généré des pics de pollutions à 580 µg/m³ à Rouyn-Noranda.
Toutefois, les pics de pollution associés aux feux d’artifice sont de très courte durée: la pollution est généralement dissipée dans l’heure qui suit la fin de la représentation.
«On s’entend, les feux de forêt au nord du Québec qui perdurent depuis des mois, c’est une catastrophe. Ils génèrent énormément de particules fines sans arrêt. Les feux d’artifice ne durent qu’une quinzaine de minutes et les gens ont tendance à dire que ça pollue autant qu’un feu de forêt», déplore M. Fréchette.
Il souligne par ailleurs que, depuis une dizaine d’années, son secteur d’activité est surveillé de près par le gouvernement canadien, par l’entremise de Ressources naturelles Canada, pour limiter les inconvénients sur l’environnement.
«Les devis d’autorisation sont plus sévères. Les produits utilisés sont axés sur le contrôle des émissions générées et les produits chimiques intégrés. À chaque année, nous sommes inspectés pour s’assurer de ne pas dépasser un seuil acceptable et toléré par Ressources naturelles Canada», énumère-t-il.
Le Groupe Royal Pyrotechnie effectue aussi de son côté de la recherche et développement pour améliorer ses pratiques et utiliser des produits de plus en plus responsables.
«On est conscient de tout ce qui se passe. On fait beaucoup d’effort. On veut s’assurer de la pérennité des feux d’artifice, parce que pour plusieurs personnes, ces spectacles-là sont encore magiques. Pour les conserver, notre industrie s’est adaptée depuis 2013 pour demeurer dans les normes», confie M. Fréchette.
Si obtenir les permis pour pouvoir offrir un spectacle de drones à grand déploiement est complexe, l’organiser et le planifier le sont tout autant. Les designers, directeurs artistique, programmeurs, pilotes et ingénieurs ont besoin d’environ quatre mois pour tout préparer. Ensuite, les équipes arrivent au moins deux jours avant la date du spectacle pour s’installer, mais surtout, effectuer leurs tests.
« Lorsqu’on arrive sur le terrain, il y a toujours des impondérables, remarque le designer et programmeur de Fusion Drone Shows, Olivier Péloquin. Il faut toujours réajuster des hauteurs, parce qu’il y a des paramètres que nous n’avions pas prévus, parfois il faut passer par-dessus des structures. »
La gestion des batteries revient chaque fois qu’on parle avec un employé de Fusion Drone Shows. Ce sont elles qui détermineront, par exemple, combien de temps durera le spectacle ou si un drone doit quitter en pleine représentation pour revenir au sol.
« À partir d’un certain niveau, le drone ne décollera simplement pas, parce qu’il calcule de quelle énergie il a besoin pour revenir, mentionne M. Fréchette. Présentement, on est limité à un maximum de 15 minutes de vol dans des conditions optimales; pas de vent, pas de nuage, pas de pluie.»
Le logiciel utilisé par les équipes de Fusion Drone Shows leur permet de calculer en amont, en fonctions des formes effectuées, quelle durée maximale pourra avoir le spectacle. Ce même logiciel réalise aussi les mêmes calculs pendant la représentation, permettant au pilote de savoir en temps réel si le spectacle doit être raccourci ou non.
«Chaque drone a son numéro et il connait son chemin et son emplacement GPS à chaque instant, explique Olivier Péloquin. Il faut quand même les surveiller pour être certain qu’il n’y en ait pas un qui parte dans une mauvaise direction.»
Lors du spectacle présenté à Trois-Rivières le 5 août dernier, les employés de Fusion Drone Shows avaient des étoiles dans les yeux lorsque les 400 drones se sont finalement posés au sol après avoir effectuées une dizaine de figures dans les airs sur une trame musicale.
Éric Fréchette était du nombre, bien conscient de l’exploit technique que son équipe et lui venaient de réaliser.
« C’est une fierté de voir 400 drones décoller en tant que pilote. Le gros défi d’un pilote de drone, c’est de s’assurer qu’ils reviennent. Nous les avons branchés à la dernière minute grâce à une équipe incroyable. Je vais bien dormir ce soir», a-t-il confié, visiblement ravi.