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Face aux pressions de l'Espagne, le Maroc intensifie ses efforts pour freiner les flots de migrants en situation irrégulière aux portes de l'Union européenne.
Face aux pressions de l'Espagne, le Maroc intensifie ses efforts pour freiner les flots de migrants en situation irrégulière aux portes de l'Union européenne.
À Casablanca, la capitale économique du Maroc, des migrants de pays d’Afrique subsaharienne vivent dans les limbes du système. Alors qu’ils tentent de traverser vers l’Europe, les contrôles aux frontières sont tels qu’ils se retrouvent pris dans le royaume. Mais les migrants qui ont accepté de parler à Noovo Info, tous venus de Guinée, ne perdent pas espoir de gagner l’Union européenne.
C’est amassés autour de la gare d’autocar Ouled Ziane que quelque 2000 migrants vivent tant bien que mal en faisant la manche, certains établis dans un quartier de fortune depuis des années.
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Djibril Diallo, un des jeunes hommes présents sur place, montre sa tente, qu’il barre avec un petit cadenas et dont la clé est cachée dans sa poche. Ils sont trois à partager le lieu, et les couvertures sont soigneusement pliées en trois piles distinctes.
«Nous voulons aider notre famille et leur faire parvenir de l’argent», lance-t-il, découragé, mais s’en remettant à Dieu après plusieurs tentatives de traversées infructueuses.
Les téméraires tentent de passer la frontière en escaladant les grillages qui séparent le royaume marocain des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, deux petits bouts de terres géographiquement en Afrique, mais qui appartiennent à l’Espagne.
«Les frontières sont très sécurisées», lance Mamadou Diallo, un autre jeune arrivé depuis un an et trois mois. «Quand on se fait attraper dans la forêt, on nous enlève même nos chaussures», raconte-t-il, visiblement exténué.
«Ils amènent les chiens pour nous faire peur, pour nous attaquer.»
Djebril Diallo explique que, pour 500 dirhams (65 dollars canadiens), les migrants peuvent se faire reconduire dans une forêt où ils tentent de rejoindre la frontière. C’est nettement moins cher que la traversée en bateau
S’ils sont à Casablanca, c’est qu’ils ont été redirigés par les autorités marocaines loin des points d’entrée vers l’Espagne, un geste que déplore l’Association marocaine des droits humains (AMDH). «Il n’y a pas de garantie de droits, surtout pour les migrants d’origine d’Afrique subsaharienne», estime Khadija Ainani, vice-présidente de l’AMDH. «Cette catégorie de demandeurs d’asile est sujette à beaucoup de violence et de violations de leurs droits, et ils sont aussi sujets au racisme et à la discrimination.»
«Ils n’aiment pas l’homme noir», soutient le jeune Mamadou Mouctar, qui avance avoir été la proie d’attaques à Tanger en raison de la couleur de sa peau.
Durant les huit premiers mois de 2022, le Maroc dit avoir arrêté 56 000 migrants en situation irrégulière, selon des chiffres rapportés par plusieurs médias marocains et attribués au fonctionnaire Abdellatif Loudiyi. Celui-ci est ministre marocain délégué auprès du chef du gouvernement et chargé de l’administration de la Défense nationale.
La coopération entre l'Espagne et le Maroc empêcherait 40% de l'immigration irrégulière, selon un rapport du ministère de l’Intérieur espagnol. Madrid a vu chuter l'arrivée de demandeurs d'asile en 2022 de 25%.
Cette tendance s’observe après un réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays.
D’ailleurs, lors de la 12e réunion de haut niveau entre Rabat et Madrid en février 2023, la thématique de l’immigration irrégulière revient à quelques reprises. «Les deux pays conviennent d’intensifier leur coopération dans le domaine de la lutte contre la migration irrégulière, le contrôle des frontières, la lutte contre les filières et la réadmission des personnes en situation irrégulière», peut-on lire dans une déclaration commune.
Le Maroc reçoit d’ailleurs des fonds pour maintenir son rôle. L’Union européenne a versé au royaume en mars 500 millions d’euros (735 millions de dollars canadiens) pour financer plusieurs programmes, dont 152 millions d’euros (223 millions de dollars canadiens) pour la gestion des migrations.
Devant les tentes qu’ils habitent, les quelques personnes qui acceptent de me parler se dégourdissent. Ils finissent par me montrer leur «visa»: des crochets en métal, avec des manches de bois. Ce sont ces outils anodins qui leur servent à grimper les grillages, où, jusqu’à maintenant, ils se font toujours attraper par les gardes frontaliers du côté marocain ou espagnol.
«Tout ce qu’on veut, c’est gagner l’Europe», lance Mamadou Mouctar. «Nous avons besoin d’aide.»