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Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale fait valoir que le taux d'occupation moyen en hébergement était de 98 % en 2023-2024.
Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale n'est pas sorti rassuré de sa rencontre, lundi, avec le cabinet du ministre des Finances dans le cadre des consultations prébudgétaires. Avec une augmentation des demandes de services, mais sans «argent neuf» depuis deux ans, le Regroupement se fait un sang d'encre pour les femmes et les enfants qui ont besoin d'aide.
«Je dirais qu'on sort inquiètes de la rencontre qu'on a eue, a partagé Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. On craint qu'en raison de la situation budgétaire difficile, qu'on nous nomme beaucoup ces temps-ci, que les besoins des maisons d'aide et d'hébergement, en fait que les besoins des femmes et des enfants victimes de violence conjugale ne soient pas priorisés.»
L'enveloppe octroyée aux maisons répond actuellement à 75 % des besoins des femmes et des enfants victimes de violence conjugale. Le Regroupement calcule que le manque à gagner s'élève à 57,7 millions $ pour l'ensemble des maisons.
«On a senti une écoute, ajoute Mme Riendeau, mais on s'est aussi fait dire que c'est beaucoup d'argent et pourquoi on prioriserait la violence conjugale par rapport à d'autres problèmes sociaux? On a pu expliquer que si on ne soutient pas les femmes victimes de violence conjugale, on risque de payer plus tard parce qu'elles vont développer des problèmes de santé physique et mentale et que les enfants risquent d'avoir des problèmes d'adaptation scolaire.»
Les hébergements pour femmes victimes de violence conjugale n'arrivent pas à répondre à la demande au Québec. Le Regroupement fait valoir que le taux d'occupation moyen en hébergement était de 98 % en 2023-2024. Il s'inquiète qu'il y ait désormais des listes d'attente pour recevoir des services de consultation et d’accompagnement hors hébergement.
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Les services externes sont offerts aux femmes qui n'ont pas besoin d'hébergement ou celles en attente d'une place en hébergement. Ces services peuvent prendre la forme d'une consultation avec une intervenante pour comprendre la violence conjugale, comment y mettre fin et établir des scénarios de protection. «Il y a 45 % de nos maisons membres maintenant qui ont des listes d'attentes», a fait savoir Annick Brazeau, présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
Les femmes attendent présentement dans un délai moyen de neuf semaines avant d'avoir une rencontre, et dans certaines régions, cela dépasse les trois mois. «Ça, c'est problématique parce qu'une femme qui veut mettre fin à la violence conjugale, c'est maintenant qu'elle a besoin d'aide, c'est maintenant qu'elle veut trouver des solutions et s'en sortir. C'est le moment, c'est le momentum à prendre avant que son conjoint aille dans la dynamique de violence, agripper dans ses filets et changer un peu sa trajectoire de peut-être mettre fin à la violence», explique Mme Brazeau.
Elle demande quand même aux femmes qui ont besoin d'aide de ne pas hésiter à communiquer avec les ressources, car elles seront toujours prises en charge et selon les cas, des services d'urgence peuvent être déployés dans l'immédiat.
Grâce aux actions mises de l'avant au cours des dernières années dans la lutte contre la violence conjugale, davantage de femmes osent demander de l'aide. Au cours des cinq dernières années, SOS violence conjugale a constaté une augmentation de 109 % des demandes d’hébergement. La demande des services externes a quant à elle doublé en quatre ans dans le réseau.
«Ce sont 51 % des appels [à SOS violence conjugale] qui se sont soldés par des refus. À la Maison Prélude uniquement, ce sont 73 % de nos demandes qui ont été refusées l'année dernière. C'est énorme, déplore Mélanie Guénette, directrice générale de la Maison Le Prélude, à Laval. Et à chaque fois qu'on prend le téléphone et qu'on est obligé de refuser, on a peur de retrouver le nom de cette femme-là le lendemain à la une des journaux parce qu'on a pas été capable de lui offrir les services dont elle avait besoin.»
Le Regroupement affirme «qu'il est temps» que le gouvernement de la Coalition avenir Québec «ajuste les capacités de service des maisons».
«À l'heure actuelle, les gestionnaires de maisons, ce qu'elles nous disent, c'est: ''si on n'a pas plus d'argent, pour respecter les échelles salariales, on va être obligé de couper dans les services. Ça n'a pas de sens, déjà on a des listes d'attente», alerte Mme Riendeau.
Les sommes demandées au gouvernement serviraient à offrir davantage de services externes pour répondre à la demande grandissante. Cela serait utile, par exemple pour aider les femmes allophones à trouver un logement ou pour accompagner les femmes dans leur démarche judiciaire au Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale.
«Le manque à gagner augmente d'année en année, souligne Mme Riendeau. Il y a eu des investissements, mais malheureusement, ça n'a pas été suffisant pour combler l'ensemble des besoins. Au ministère de la Santé et des Services sociaux, les indexations des subventions ne sont pas suffisantes pour permettre de ne pas perdre de pouvoir d'achat.»
Sourde oreille au gouvernement
Dans un communiqué publié lundi, le Regroupement critique l'inaction du ministre responsable des Services sociaux, Lionnel Carment, affirmant que les demandes répétées pour travailler avec lui sur des solutions financières «n'ont trouvé aucun écho depuis un an».
Le Regroupement indique avoir recueilli plus de 160 lettres de partenaires provenant de partout en province appuyant les maisons dans leurs revendications de financement. Il s'agit notamment de municipalités, écoles primaires et secondaires, milieux de travail, cégeps et universités.
Dans ses efforts pour se faire entendre par le gouvernement, le Regroupement a reçu 420 cartes de vœux confectionnées dans les maisons par des femmes et des enfants hébergés ainsi que par des intervenantes et des membres de C.A. Ces cartes sont adressées aux ministres Lionel Carmant, Martine Biron et Eric Girard, pour «témoigner de l'importance des maisons dans la trajectoire des femmes et des enfants, et des risques qu'il y a à sous-investir dans les services».