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Économie

Un Parlement minoritaire entraînerait une hausse des déficits, selon des économistes

«Obtenir l’appui du NPD ou du Bloc au Parlement pourrait signifier allouer des fonds supplémentaires aux priorités de ces partis.»

Canadian Prime Minister Mark Carney addresses supporters at his campaign headquarters on election night in Ottawa, Tuesday, April 29, 2025. THE CANADIAN PRESS/Nathan Denette
Canadian Prime Minister Mark Carney addresses supporters at his campaign headquarters on election night in Ottawa, Tuesday, April 29, 2025. THE CANADIAN PRESS/Nathan Denette
Sammy Hudes
Sammy Hudes / La Presse canadienne

Alors que le Parti libéral semble prêt à former un gouvernement minoritaire après les élections fédérales de lundi, les économistes affirment que l’attention se porte désormais sur les promesses de dépenses du premier ministre Mark Carney, dans le contexte de la guerre commerciale avec les États-Unis.

Les libéraux étaient en tête ou élus dans 168 circonscriptions lorsque le dépouillement a été interrompu tôt mardi matin, à quatre sièges de la majorité.

Le président américain Donald Trump a pesé lourd sur la campagne avec ses menaces de droits de douane et ses appels à l’intégration du Canada au sein des États-Unis. M. Carney devrait rencontrer M. Trump prochainement afin d’entamer rapidement des négociations sur un nouveau pacte commercial et de sécurité.

L’économiste en chef de la CIBC, Avery Shenfeld, écrit dans une note postélectorale que les déficits budgétaires «devraient probablement augmenter à court terme», ajoutant que cela est typique lorsque le Canada subit un choc économique et que les gouvernements s’appuient sur des mesures de relance budgétaire. 

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«Les déficits devraient dépasser légèrement ce que les libéraux ont suggéré pendant la campagne, tout en restant bien en deçà des déficits fédéraux américains en pourcentage du PIB», indique-t-il.

Selon M. Shenfeld, des déficits plus élevés pourraient être envisagés, notamment avec la probabilité d’un gouvernement minoritaire, alors que le décompte des votes continue.

«Obtenir l’appui du NPD ou du Bloc au Parlement pourrait signifier allouer des fonds supplémentaires aux priorités de ces partis, notamment les soins de santé pour le NPD, et les dossiers importants pour le Bloc (soins de santé, autres transferts, soutien au secteur des métaux)», convient-il.

Résilience économique

Le programme électoral des libéraux prévoyait près de 130 milliards $ en nouvelles initiatives de dépenses pour des priorités, telles que la construction d’infrastructures, les dépenses de défense, l’accessibilité au logement, le commerce intérieur, le développement économique et le développement de projets de ressources, énumère Beata Caranci, économiste en chef de la Banque TD.

«Malgré ce qui semble être une dispersion des politiques, le thème central est de faire évoluer le Canada vers la résilience économique intérieure, après avoir compté sur l’approfondissement des relations avec les États-Unis pendant 80 ans», précise-t-elle dans une note. 

«Cela suggère un rôle plus actif du gouvernement, tant dans le financement que dans la construction, que par le passé.»

Bien que les libéraux et les conservateurs aient «considérablement aligné leurs objectifs de plateforme pour améliorer la compétitivité du Canada», Mme Caranci souligne qu’il est historiquement inhabituel que les deux partis votent ensemble au Parlement.

Pour elle, la grande question est donc: «Qui s’associera au nouveau gouvernement libéral pour faire adopter des lois?», surtout lorsqu’il s’agit d’éventuels projets de loi liés au commerce, influencés par la reprise des négociations avec l’administration Trump.

«Pendant la campagne électorale, les partis étaient unis dans leur lutte contre la politique américaine visant à affaiblir l’économie canadienne. (…) Il faut maintenant s’attaquer à la collaboration et aux négociations, les libéraux étant pris entre les exigences de l’administration américaine et celles de la politique intérieure.»

Selon M. Shenfeld, les promesses électorales des libéraux susceptibles d’affecter l’équilibre budgétaire comprennent l’abandon de la taxe carbone à la consommation tout en conservant une version réformée pour les grands émetteurs industriels, l’élimination de la TPS sur les maisons de moins d’un million de dollars pour les primo-accédants et la réduction d’un point de pourcentage du taux d’imposition pour les personnes se situant dans la tranche d’imposition fédérale la plus basse. 

Demandes du milieu

Le président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Dan Kelly, souligne que la confiance des petites entreprises frôle des creux historiques et que la FCEI prévoit un deuxième trimestre extrêmement difficile pour l’économie canadienne.

Il affirme néanmoins qu’il y avait des raisons d’être optimiste, saluant le ton adopté par M. Carney et le chef conservateur Pierre Poilievre face à la menace des droits de douane américains.

«Les élections d’hier soir apportent au moins une certaine stabilité politique, malgré un gouvernement minoritaire», indique M. Kelly lors d’une entrevue.

«J’espère que l’accent continuera d’être mis sur l’économie. Ces dix dernières années, l’économie a probablement été le 500e enjeu à l’ordre du jour du gouvernement fédéral, et il est clair que, pour tous les partis politiques, l’économie est actuellement en tête de liste.»

M. Kelly affirme que le gouvernement doit désormais se concentrer sur la réduction des impôts, la simplification administrative et l’instauration d’une certaine stabilité économique. Il ajoute que les petites entreprises recherchent des mesures qui encourageront l’investissement et les aideront à diversifier leurs marchés et leurs fournisseurs.

Ces mesures devraient inclure l’affectation des fonds collectés au moyen des droits de douane de rétorsion aux petites entreprises, l’élimination officielle de la taxe carbone à la consommation par voie législative et la suppression des barrières commerciales intérieures entre les provinces, selon M. Kelly.

Il s’abstient toutefois de proposer des mesures d’allègement spécifiques concernant l’affectation des recettes provenant des droits de douane de rétorsion aux entreprises en difficulté.

«Les droits de douane sont eux-mêmes si incertains que je comprends l’importance pour le gouvernement de garder ses armes pour le moment», convient M. Kelly.

La présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada, Candace Laing, souligne que la victoire des libéraux survient à un moment où la guerre commerciale en cours avec les États-Unis «a bouleversé l’ordre mondial du commerce et rompu le statu quo».

Elle ajoute que les moyens de subsistance des Canadiens dépendent «de notre capacité à traverser cette crise».

«Alors que les Canadiens sont préoccupés avec le coût de la vie — que ce soit pour se loger, se nourrir ou se chauffer — ils ont besoin de stabilité et d’une vision claire pour l’avenir», dit Mme Laing dans un communiqué.

«Il est maintenant temps que nos dirigeants fédéraux en fassent autant. Le nouveau premier ministre du Canada, tout comme les partis d’opposition, doivent mettre de côté leurs différends partisans pour protéger la sécurité économique et la résilience de notre pays.» 
-Candace Laing, présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada

Dans une lettre adressée mardi à M. Carney, le Conseil canadien des affaires affirme que le gouvernement devrait se concentrer, au cours des prochains mois, sur la stabilisation des relations du Canada avec les États-Unis, tout en accélérant l’examen et la prolongation de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique.

La lettre indiquait que le Canada devait également diversifier ses marchés, ses exportations d’énergie et ses chaînes d’approvisionnement, car «la dépendance excessive à l’égard d’un seul partenaire commercial, comme l’ont démontré les récentes perturbations, expose notre économie à des risques inutiles».

Le syndicat des Métallos exhorte pour sa part le gouvernement à donner la priorité aux personnes qui travaillent dans tout le pays et qui «attendent des mesures pour protéger et créer de bons emplois syndiqués, reconstruire notre base industrielle et garantir l’équité et la sécurité pour les travailleuses et travailleurs».

Sammy Hudes
Sammy Hudes / La Presse canadienne