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Politique

SAAQclic: une «situation de consanguinité» dès 2020

Nouvelles révélations explosives à la commission Gallant.

Reportage vidéo :
/ Noovo Info
Frédéric Lacroix-Couture
Texte :
Frédéric Lacroix-Couture / La Presse canadienne

Un vérificateur interne avait sonné l'alarme sur des liens contractuels perçus comme «de la consanguinité», en plus de prévenir en 2020 que les coûts pourraient dépasser les 900 millions $, dans le cadre de la modernisation informatique de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). 

L'auditeur Martin Lapierre a poursuivi, vendredi matin, son témoignage à la commission Gallant, qui enquête sur les ratés du virage numérique de la société d'État, comprenant la plateforme SAAQclic. 

M. Lapierre a levé le voile sur l'octroi de contrats pour des conseillers stratégiques afin d'aider à l'élaboration de l'appel d'offres pour le projet informatique connu sous le nom de CASA. Il a relaté que des critères restrictifs, pouvant s'appliquer à un nombre limité de personnes, étaient exigés pour l'embauche de ces ressources stratégiques.

À l'issue de chacun de ces appels d'offres survenus entre 2015 et 2017, une seule soumission était jugée conforme. Et, selon les vérifications menées par M. Lapierre à l'époque et présentées sous forme d'un tableau, les personnes retenues avaient eu des liens professionnels avec le vice-président aux technologies de l'information de la SAAQ, Karl Malenfant. Dans certains cas, elles avaient déjà obtenu un mandat antérieur pour la société d'État. 

Cinq cas ont été présentés au moment de son témoignage. À l'issue de chacun de ces appels d'offres survenus entre 2015 et 2017, un seul soumissionnaire était jugé conforme. Et, selon les vérifications menées par M. Lapierre à l'époque et présentées sous forme d'un organigramme, les personnes retenues avaient eu des liens professionnels avec le vice-président aux technologies de l'information (TI) de la SAAQ, Karl Malenfant. Dans certains cas, elles avaient déjà obtenu un mandat antérieur pour la société d'État. 

Après avoir complété en totalité ou en partie leur contrat comme conseiller stratégique, certains sont devenus employés au sein de la société d'État. Des conjointes de certains contractants ont aussi obtenu des postes au sein de la  SAAQ, notamment pour le projet CASA après des démarches de M. Malenfant, a-t-on révélé à la commission.

L'une des professionnelles externes, Louise Savoie, a, pour sa part, été employée chez LGS, l'une des firmes du consortium retenu pour le développement du virage numérique. Mme Savoie avait notamment rédigé l'appel d'offres pour l'acquisition du progiciel de gestion intégré (PGI) servant à améliorer les systèmes informatiques de la SAAQ.

«Elle saute la clôture, puis elle continue à travailler sur le projet CASA?», a demandé le procureur de la commission, Alexandre Thériault-Marois, à M. Lapierre.

«Oui», a répondu ce dernier, qui estime que la période entre la fin du contrat de Mme Savoie avec la SAAQ et le début de son emploi chez LGS se compte en jours.

M. Lapierre a dit avoir soumis les conclusions de ses recherches et de ses préoccupations au président du comité de vérification du conseil d'administration de la SAAQ, Jude Martineau, lors d'une rencontre à l'été 2020.

«En partant, il m'a dit: "oui, oui, je l'ai vu. Il y a de la consanguinité là-dedans". Il avait tout compris. M. Martineau, c'est un gestionnaire de haut niveau», a déclaré M. Lapierre au commissaire Denis Gallant.

Un processus menant à des connaissances

Le témoignage de M. Lapierre suggère que les appels d'offres ont été conçus sur mesure. Le cas de Stéphane Mercier a notamment été cité. M. Mercier avait travaillé avec M. Malenfant auparavant chez Hydro-Québec et R3D.

M. Lapierre a affirmé que, lorsqu'il a pris connaissance des attentes minimales prévues à l'appel d'offres qui était en cours en 2017, seul M. Mercier semblait y répondre.

Des courriels présentés à la commission suggèrent également que l'appel d'offres a été modifié afin de s'adapter à la situation de M. Mercier, qui menait déjà à ce moment-là un mandat avec la SAAQ. Le nombre d'heures pour le contrat de conseiller stratégique a notamment été revu à la baisse pour en diminuer sa valeur. Cela visait à répondre au fait que M. Mercier ou sa société n'avait pas d'attestation de l'Autorité des marchés financiers pour contracter sur des mandats valant plus de 999 999 $.

La société de M. Mercier a finalement remporté en avril 2017 l'appel d'offres d'une valeur de 924 000 $. Les autres contrats présentés pour des ressources stratégiques avaient été chacun conclus autour de 1,2 million $.

En contre-interrogatoire, M. Lapierre a précisé que ses vérifications ne cherchaient pas à remettre en doute l'expertise des consultants retenus. Il remettait plutôt en question «le processus qui amenait toujours à des connaissances».

«Je crois que, si on avait eu des critères un peu plus ouverts, on aurait pu avoir une belle concurrence», a dit le vérificateur.

924 M$ présagés en 2020

M. Lapierre avait aussi sonné l'alarme sur les coûts à venir pour l'ensemble du projet CASA. À la demande de l'administrateur Jude Martineau, il avait effectué des calculs en 2020 au moment où le fournisseur exigeait davantage d'argent pour compléter la livraison de la plateforme SAAQclic.

L'objectif était de savoir: `on s'embarque dans quoi réellement. On avait d'autres phases aussi' à venir, a mentionné l'auditeur.

«La société devait prendre une décision: accepter ou pas les augmentations du fournisseur», a-t-il ajouté.

Environ deux ans et demi avant le lancement de SAAQclic, il projetait une facture de 924 millions $, excluant la phase d'exploitation du système.

En additionnant les coûts d'exploitation, l'auditeur a dit arriver à une estimation se rapprochant de celle mise de l'avant l'hiver dernier par le Vérificateur général (VG). Selon le rapport du VG, le projet de modernisation technologique de la SAAQ pourrait coûter minimalement plus de 1,1 milliard $ d'ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu.

Ses estimations sommaires ont été présentées en 2020 à M. Martineau, qui, selon M. Lapierre, n'a pas été surpris par l'évolution des coûts.

M. Lapierre a quitté la SAAQ à l'été 2021 avant de revenir neuf mois plus tard. L'auditeur a expliqué son départ par le sentiment d'avoir un `peu moins d'écoute et d'appui' à compter de l'automne 2020. Les vérificateurs internes étaient moins invités à des réunions importantes, a-t-il dit.

Les travaux de la commission Gallant doivent reprendre lundi.

Reportage vidéo :
/ Noovo Info
Frédéric Lacroix-Couture
Texte :
Frédéric Lacroix-Couture / La Presse canadienne