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Le ministre du Travail du Québec, Jean Boulet, a présenté jeudi le projet de loi 51, qui vise à moderniser le secteur de la construction.
Le ministre du Travail du Québec, Jean Boulet, a présenté jeudi le projet de loi 51, qui vise à moderniser le secteur de la construction.
«Pour ce faire, il prévoit des modifications à la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction afin de modifier les règles relatives au fonctionnement du régime de négociation collective dans l’industrie de la construction», a expliqué M. Boulet.
Voyez le compte-rendu de Simon Bourassa dans la vidéo liée à l'article.
Comme prévu, sa réforme aborde les questions délicates de la mobilité interrégionale des travailleurs et du partage des tâches entre certains métiers.
Mais, surprise, pour obtenir l'aval des syndicats, il leur donne droit à la rétroactivité des augmentations de salaire, en leur permettant de négocier des ajustements rétroactifs. Il s'agit là d'une revendication syndicale formulée depuis plusieurs années.
À l'heure actuelle, lorsque les parties négocient le renouvellement des conventions collectives dans la construction et parviennent à s'entendre, les augmentations convenues ne sont pas rétroactives à l'échéance de la précédente convention, comme c'est le cas dans les autres secteurs d'activité. Le projet de loi changera la donne à ce chapitre.
La réforme prévoit la constitution d'un «fonds de la rétroactivité salariale» à cet effet.
La question de la mobilité interrégionale des travailleurs avait été abordée lors des audiences de la Commission Charbonneau, parce qu'elle avait été source de tensions. Des ouvriers sur la Côte-Nord, par exemple, voyaient débarquer des travailleurs venus d'autres régions pour y travailler, alors qu'eux ne trouvaient pas de travail.
Les règles actuelles de priorité d'embauche régionale font qu'un employeur qui décroche un emploi dans une autre région que la sienne peut y emmener un nombre limité de ses travailleurs réguliers. Il doit aussi embaucher des travailleurs dans la région où il a décroché ce contrat.
Le ministre Boulet a indiqué qu'à compter du 1er mai 2025 il sera interdit aux parties patronales et syndicales de convenir de clauses limitant la mobilité des salariés ou la liberté d'embauche des employeurs à cet effet. Cette fois, il s'agit d'un gain pour les associations patronales.
Québec veut ainsi faciliter la réalisation des projets de la filière énergétique et d'éoliennes.
La réforme aborde également une autre question litigieuse: celle du décloisonnement des métiers. Il s'agit là d'une revendication patronale depuis plusieurs années, ceux-ci trouvant les métiers trop «cloisonnés».
Le règlement sera modifié afin d'établir les conditions permettant la mise en œuvre du principe d'une plus grande polyvalence de certains travailleurs, en énonçant les travaux et métiers qui ne pourront ainsi faire l'objet d'un partage de tâches, pour des raisons de sécurité.
La réforme vise aussi à favoriser l'accès à l'industrie pour les catégories de personnes qui n'y sont pas suffisamment représentées, comme les minorités visibles, les autochtones, les immigrants et les personnes handicapées, a souligné le ministre dans son discours de présentation.
Le Conseil du patronat du Québec a exprimé sa satisfaction, y voyant un «pas dans la bonne direction». «Le gouvernement a pris en considération plusieurs de nos recommandations comme plus de flexibilité dans les corps de métiers, une meilleure mobilité des travailleurs et une volonté de faciliter la reconnaissance de la formation et des diplômes délivrés hors du Québec. Les mesures proposées permettront d'offrir des solutions à la pénurie de main-d'œuvre dans ce secteur», a fait valoir Karl Blackburn, président et chef de la direction.
Éric Côté, de la Corporation des entrepreneurs généraux, était plus tiède. «Force est de constater que l'ambition était grande, mais les moyens sont plutôt modestes pour y arriver. Pour atteindre des résultats concrets, il est crucial d'adopter des approches audacieuses et des moyens substantiels, ce qui semble faire défaut dans le projet de loi actuel.»
Du côté syndical, Éric Boisjoly, directeur général de la FTQ-Construction, voit «une grosse brèche» dans la priorité d'embauche régionale, ce qui fera «mal aux régions». En interdisant de négocier de telles clauses de priorité d'embauche régionale, le gouvernement brime la possibilité de pleinement négocier les conventions collectives, selon lui.
Pour ce qui est du décloisonnement des métiers, M. Boisjoly attend de connaître tous les détails du projet de loi. «Il ne faut pas dénaturer la qualification et les compétences des travailleurs.»
Quant à la possibilité de négocier la rétroactivité des augmentations salariales, il rappelle que cela ne sera pas automatique et que les syndicats devront le négocier. Il craint qu'en bout de course, «ce sont les salariés qui vont payer».