Début du contenu principal.
«C'est exceptionnel pour être franc. [...] L'impact est définitivement là.»
La controverse provoquée par l'échauffourée sur les réseaux sociaux entre François Legault et l'auteur Kevin Lambert a fait bondir la vente de son dernier livre «Que notre joie demeure».
Selon des chiffres de la Société de gestion de la banque de titres de langue française (BTLF) transmis à La Presse Canadienne, Kevin Lambert a vendu près de deux fois plus de copies de son livre dans les huit jours suivant la publication de François Legault en comparaison avec la trentaine de jours la précédant.
«Pour un livre plus littéraire, c'est bon. C'est quand même substantiel», affirme l'agent de soutien aux opérations et développement de la Société de gestion de la BTLF, Donald Alexandre.
«C'est exceptionnel pour être franc. [...] L'impact est définitivement là», confirme, pour sa part, le directeur général de l'Association des libraires du Québec, Alexandre Blanchette.
Il y a deux semaines, le premier ministre François Legault avait donné son appréciation du livre «Que notre joie demeure».
«Critique nuancée de la bourgeoisie québécoise. Des groupes de pression et des journalistes cherchent des boucs émissaires à la crise du logement à Montréal. La difficulté des débats dans notre société», avait écrit M. Legault en plus de louanger Kevin Lambert.
Mais le principal intéressé n'a pas apprécié cette interprétation de son ?uvre et a vertement critiqué le premier ministre sous sa publication.
«M. Legault, en pleine crise du logement, alors que votre gouvernement travaille à saper les derniers remparts qui nous protègent d'une gentrification extrême à Montréal, mettre mon livre de l'avant est minable», avait-il écrit alors.
Kevin Lambert affirme aujourd'hui que l'objectif de sa réponse n'était pas de vendre des livres. «Ce n'était pas une opération marketing de ma part», assure-t-il en entrevue avec La Presse Canadienne.
Kevin Lambert dit avoir reçu des menaces, des commentaires agressifs et des messages désobligeants après s'être coltaillé virtuellement avec le premier ministre. «À toutes les fois qu'on prend la parole dans l'espace public en tenant un discours de gauche, il y a toujours un coût à ça», soutient l'auteur originaire du Saguenay.
Malgré tout, il maintient la ligne et ne change pas son discours. «C'est une idée dangereuse de dire: «Ça donne une bonne visibilité, alors on va juste dire merci et on va se taire''. Si tous les artistes pensaient comme ça, il n'y aurait pas d'artistes engagés», affirme-t-il.
Le professeur à l'Université Laval et spécialiste de l'histoire littéraire québécoise Jonathan Livernois affirme que cette controverse montre la tension qui existe lorsque la politique se mêle avec la littérature.
«On dénie à la politique le droit de parler de littérature, mais en même temps, globalement, il n'y a pas un écrivain qui ne sera pas content de voir son livre évoqué par le premier ministre, même si dans les faits on est en désaccord avec lui», soutient-il.
François Legault publie régulièrement sur ses réseaux sociaux des critiques de livres qu'il a lus.
«J'aime lire. Je commente des livres. J'essaie d'aider les auteurs québécois. Maintenant, s'il y en a qui n'aiment pas ça, c'est leur choix», a dit le premier ministre en point de presse quelques jours après sa publication.
M. Livernois y perçoit une initiative qui correspond à l'idéologie du premier ministre. «Pour le livre de Kevin Lambert, c'est comme si ça répondait à un besoin de son nationalisme économique et culturel et sa volonté de mettre de l'avant les auteurs québécois», dit-il.
Même sans controverse, les choix littéraires de M. Legault ont visiblement un effet sur les ventes des livres. «Traverser la nuit» de Marie Laberge a aussi connu un bond dans les ventes après que François Legault en eut parlé dans un point de presse lors de la pandémie. L'auteure s'était d'ailleurs dite heureuse d'être lue par le premier ministre.