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À son arrivée à la réunion du conseil des ministres en matinée, la présidente du Conseil du trésor, Mona Fortier, a affirmé être «convaincue» qu'une entente est possible.
Le premier ministre Justin Trudeau a lancé un avertissement aux milliers de fonctionnaires fédéraux qui ont déclenché mercredi une grève faute d'avoir conclu une entente sur le renouvellement de leur convention collective avant la fin de leur ultimatum.
«Je sais que les Canadiens ne vont pas être énormément patients si ça continue trop longtemps», a affirmé M. Trudeau à son arrivée à la réunion de son caucus lorsque questionné par les journalistes à savoir s'il considère déposer une loi spéciale pour forcer le retour au travail des fonctionnaires.
Voyez le reportage de Louis-Philippe Bourdeau sur ce sujet dans la vidéo de cet article.
M. Trudeau a préalablement indiqué qu'il attend de voir «ce que ça va donner quand ils vont retourner à la table de négociations» et qu'il n'entend pas «devancer les réflexions».
L'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), qui compte 155 000 membres concernés par cette négociation, a annoncé la veille le déclenchement de la grève à l'échelle du pays dès minuit.
Alors que le gouvernement propose des augmentations salariales de 9% sur trois ans, le syndicat en réclame 13,5%. La question du télétravail — une priorité pour les membres de l'Alliance — semble aussi poser un sérieux problème pour le Conseil du trésor.
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«Le taux d'inflation pour cette même période est de 13,8 %. Il n'est que juste qu'au moins les travailleurs de ce pays suivent l'inflation», a expliqué Chris Aylward, le président national de l'AFPC, lors d'une conférence de presse où il était entouré de centaines de grévistes.
À ce stade, a-t-il résumé, les travailleurs «en ont marre», «sont frustrés» et se disent qu'«assez, c'est assez». Et bien que des pourparlers ont toujours cours, M. Aylward a assuré que la grève durera «aussi longtemps qu'il le faudra».
Voyez le récapitulatif de Louis-Philippe Bourdeau dans la vidéo qui accompagne ce texte.
Appelé à réagir aux commentaires du premier ministre, le vice-président pour la région de la capitale nationale, Alex Silas, a dit douter que M. Trudeau trouve des appuis chez les néo-démocrates ou les bloquistes. Quant à ce que les libéraux travaillent avec les conservateurs de Pierre Poilievre: «bonne chance», a-t-il lancé.
Une loi forçant le retour au travail serait aussi «extrêmement antisyndicale» pour un gouvernement qui «essaie de se prétendre comme étant pro-ouvrier, prosyndicats, anti-scab», a ajouté M. Silas.
L'adoption d'une loi spéciale est devenue plus délicate depuis l'arrêt Saskatchewan de la Cour suprême du Canada, en janvier 2015. Cet important arrêt en matière de droit du travail a accordé une protection constitutionnelle au droit de grève. Le plus haut tribunal du pays avait alors statué que le droit de grève était une façon de rééquilibrer les forces entre les parties patronale et syndicale.
La présidente du Conseil du trésor, Mona Fortier, a affirmé être «convaincue« qu'une entente est possible à la table de négociations, mais a qualifié d'«irréalisables» bon nombre des revendications de l'AFPC. En point de presse, elle a répété à de nombreuses reprises que les ententes avec les différentes unités syndicales devaient être «raisonnables pour les contribuables».
«Nous avons saisi toutes les occasions de négocier de façon constructive des ententes qui reconnaissent équitablement (la) contribution (des fonctionnaires) à notre pays. Cependant, nous ne pouvons pas signer un chèque en blanc», a-t-elle soutenu aux côtés de trois autres ministres.
Bien qu'un peu plus de 46 000 fonctionnaires identifiés comme occupant des postes dits essentiels doivent toujours se présenter au travail, Ottawa a prévenu que des délais sont à prévoir pour la population dans la prestation de services.
Des arriérés sont notamment attendus en matière de délivrance ou renouvellement de passeport puisque seules les requêtes pour des raisons humanitaires ou d'urgence seraient traitées pour la durée du débrayage.
«L'un des services clés qui n'est pas considéré comme totalement essentiel est le service de passeports», a résumé en français la ministre responsable de Service Canada, Karina Gould.
Elle a indiqué qu'un arriéré de 85 000 requêtes ou plus s'accumulerait chaque semaine qui pourrait s'écouler. «Le plus longtemps que nous serons dans cette position, le pire le problème sera», a-t-elle déclaré en anglais.
Or, elle a soutenu, du même souffle, qu'elle ne s'attend pas à ce que la situation culmine à celle vécue l'été dernier, où les longues files d'attente devant les centres de Service Canada ont donné bien des maux de tête à la population
Des retards sont aussi attendus à Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC), où 7000 fonctionnaires resteront en poste pour traiter les demandes prioritaires comme celles concernant des réfugiés, a-t-on précisé.
À l'Agence du revenu du Canada (ARC), les quelque 1400 travailleurs qui ne peuvent faire la grève prioriseront les demandes de prestation, comme celles concernant l'Allocation canadienne pour enfants, selon les informations données.
Aucun report de la date limite du 30 avril pour soumettre les déclarations de revenus pour l'année 2022 n'est prévu, puisque celles-ci peuvent toujours être soumises et traitées automatiquement par voie électronique dans le système de l'ARC, a expliqué la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier.
«Tout ce qui nécessite une manipulation physique, je pense ici aux formulaires papier, pourrait bien sûr prendre plus de temps. Même chose au niveau des centres d'appels», a-t-elle dit.
S'ils ont énuméré la liste de perturbations attendues dans les services gouvernementaux, ils ont assuré qu'ils respectaient le droit de grève.
«Mais nous devrions quand même être honnêtes avec les Canadiens et ce à quoi ils peuvent s'attendre».
Alors que la brochette de ministres tenait leur point de presse, en début d'après-midi, des milliers de grévistes faisaient du piquetage devant le Parlement et d'autres importants édifices gouvernementaux.
En matinée, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh est allé marcher brièvement avec des grévistes et serrer leurs mains avant de se rendre à la réunion de son caucus. M. Singh répète depuis plusieurs jours qu'il n'appuiera en aucun cas une loi spéciale.
Crédit photo: Sean Kilpatrick | La Presse Canadienne
Les conservateurs ont pour leur part refusé de répondre à une question sur le sujet. Et le Bloc se contente à ce stade de dire qu'il n'a jamais voté pour une loi spéciale.
Le grand syndicat pancanadien représente 120 000 fonctionnaires fédéraux œuvrant dans les différents ministères et 35 000 syndiqués à l'Agence du revenu du Canada qui sont directement concernés par ce débrayage.