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La majorité des familles qui font l'objet d'un signalement auraient plutôt besoin de services.
Le nombre de signalements à la protection de la jeunesse a atteint un sommet historique en 2023-2024 à Montréal, selon des données obtenues en exclusivité par Noovo Info.
Plus de 15 100 signalements avaient déjà été traités par les équipes du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal en date du 11 mars. Ce nombre n’inclut pas les signalements concernant des enfants anglophones, qui sont dirigés vers les équipes du CIUSSS de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal.
Voyez le reportage sur ce sujet dans la vidéo.
Les données complètes pour la période du 1er avril 2023 au 31 mars 2024 ne seront rendues publiques qu’à la fin du printemps lors du dépôt du Bilan annuel des directeurs de la protection de la jeunesse.
Même incomplètes, ces données représentent une augmentation importante des signalements par rapport à l’année 2022-2023 – elle-même une année record –, où 14 649 signalements avaient été reçus.
«La hausse des signalements m’inquiète, parce que c’est un signal que l’on doit se préoccuper de nos enfants au Québec», lance d’emblée Assunta Gallo, directrice de la protection de la jeunesse au CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal.
Elle estime toutefois que la DPJ est trop souvent la «porte d’entrée» vers le réseau pour les familles qui vivent des difficultés, puisque moins du tiers des signalements sont retenus. Dans la majorité des cas, les familles sont plutôt orientées vers des organismes partenaires pour obtenir des services.
«Ça me fait croire qu’on a besoin de faire un meilleur travail en concertation avec nos partenaires pour que leurs services soient mieux connus et qu’on ne soit pas la porte d’entrée», avance Mme Gallo.
Interpellé par Noovo Info, le ministre responsable des Services sociaux Lionel Carmant a souhaité différencier la situation à Montréal de celle dans d'autres régions du Québec. «Cette année, en général, on va voir une stabilisation et même une légère diminution des signalements», a-t-il affirmé. «À Montréal, il faut encore plus insister sur le fait qu'il faut référer vers la première ligne.»
À Montréal, le quart des signalements provenait du milieu scolaire en 2022-2023. Les équipes-écoles étaient la troisième source la plus importante de signalements, derrière les corps policiers et le milieu communautaire.
Or, le personnel scolaire n’est pas toujours outillé pour bien réagir lorsqu’un enfant rapporte des situations préoccupantes, regrette Émilie Barrette, travailleuse sociale de formation et intervenante à l’Accueil DPJ, l’équipe qui reçoit et traite les signalements.
«On en met beaucoup sur le dos des enseignants, mais ils se retrouvent souvent dans des écoles où les travailleurs sociaux ou les éducateurs spécialisés sont partis et n’ont pas été remplacés», rappelle-t-elle. Normalement, c’est à ces professionnels que revient la tâche de référer les familles vers les CLSC ou d’autres services.
Assunta Gallo assure que de la sensibilisation est faite auprès des centres de services scolaires sur son territoire, mais reconnaît qu’il y a «encore du travail à faire» sur ce plan.
Alors que le volume d’appels émanant des forces de l’ordre est en hausse cette année, elle souhaite également «mieux travailler avec les corps policiers pour voir ce qui relève de la DPJ et ce qui devrait être référé ailleurs». «Il faut se sortir des automatismes», estime-t-elle.
Si ce nouveau record de signalements est inquiétant, la directrice montréalaise de la protection de la jeunesse voit d’un bon oeil certains gestes posés par le gouvernement Legault, comme le rehaussement du financement accordé à certains organismes communautaires.
Elle accueille aussi avec optimisme le projet de création d’un poste de Commissaire au bien-être et aux droits des enfants actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale.
«Ça serait essentiel de mieux mettre le doigt sur comment vont les enfants en général au Québec, croit Mme Gallo. Et je pense que les fonctions d’un commissaire seront de mettre de l’avant ce genre de lectures.»