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L’entente sur les tiers pays sûrs, qui permet au Canada de refouler de potentiels réfugiés ayant d’abord foulé le sol des États-Unis, est constitutionnelle a tranché la Cour suprême du Canada.
L'Entente sur les tiers pays sûrs, qui permet au Canada de renvoyer aux États-Unis de potentiels réfugiés ayant d'abord foulé le sol américain, est constitutionnelle en vertu d'un article de la Charte, a tranché la Cour suprême.
Dans une décision fort attendue qui a été rendue vendredi, les juges ont unanimement statué que l'accord ne contrevenait pas à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit «le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne».
Après avoir examiné la cause regroupant des migrants originaires du Salvador, de l'Éthiopie et de la Syrie, les huit magistrats ont évalué qu'un retour de demandeurs d'asile aux États-Unis comporte des risques de détention et de refoulement, mais ont aussi déterminé que des mécanismes de protection prévus légalement, tels que des exemptions discrétionnaires, peuvent les placer «à l'abri d'un renvoi» en sol américain.
«Le régime législatif est conçu pour empêcher certaines violations des droits garantis par (l'article) 7 et (...) elle résiste au contrôle de sa constitutionnalité en l'espèce parce que des soupapes de sécurité d'origine législative prévoient des mesures curatives», a écrit le juge Nicholas Kasirer, qui a rédigé le jugement.
Le plus haut tribunal au pays ne s'est pas penché sur l'article 15, aussi au centre de la contestation, qui vise à garantir le droit à l'égalité, indépendamment de l'origine ethnique, de la religion et du sexe.
La Cour suprême renvoie cette question à la Cour fédérale puisqu'elle estime qu'il ne revient pas à elle de rendre une décision, dans le contexte où les tribunaux inférieurs n'ont pas examiné le dossier sous cet angle.
«Compte tenu de la gravité de l'affaire, de la taille et de la complexité du dossier et des affidavits contradictoires, il ne serait pas «dans l'intérêt de la justice'' que notre Cour assume le rôle de juge des faits (...). En particulier, il n'y aurait aucune possibilité d'appel à l'égard des conclusions de fait que notre Cour pourrait tirer», peut-on lire.
Aux yeux du Conseil canadien pour les réfugiés, qui s'est joint aux plaignants, les «soupapes de sécurité» ayant permis de passer le test de la constitutionnalité en vertu de l'article 7 n'existent pas en pratique.
«C'est comme si elles étaient laissées sur une tablette», a dit en point de presse la codirectrice générale de l'organisation, Gauri Sreenivasan.
L'avocate Erin Simpson conseillant l'organisme ainsi qu'Amnistie internationale et le Conseil canadien des Églises _ qui se sont aussi ralliés aux plaignants _ a parlé d'un problème d'accessibilité.
«Il y a eu des éléments de preuve (au sujet) du type de pouvoirs et (?) instructions que les agents frontaliers ont et ils n'incluent pas ces mécanismes spéciaux», a-t-elle affirmé.
Le ministre fédéral de l'Immigration, Sean Fraser, estime plutôt que ces mesures sont activées dans les cas où une exemption discrétionnaire doit être accordée pour des raisons d'intérêt public qui commandent une approche distincte.
Il a rappelé que l'Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) prévoit des exemptions au sens large, notamment pour les mineurs non accompagnés.
«Pour la vaste majorité de personnes qui viennent et se présentent (à la frontière terrestre) pour faire une demande d'asile, (ils) auront la capacité de faire une demande similaire sous le système qui existe aux États-Unis. (?) Mais ultimement, pour de rares cas, il y aura l'occasion qu'un agent utilise les soupapes de sécurité», a-t-il ajouté.
Quoi qu'il en soit, le Conseil canadien pour les réfugiés et Amnistie internationale continuent d'exhorter Ottawa de se retirer de l'ETPS.
«Notre engagement pour le droit des réfugiés n'est pas optionnel. (...) Nous continuerons de faire en sorte que la Canada réponde à ses obligations internationales», a lancé Ketty Nivyabandi, secrétaire générale de la section canadienne d'Amnistie internationale, annonçant une mobilisation qui prendra la forme d'une marche sur trois jours qui la mènera lundi au chemin Roxham, en Montérégie.
Les organismes réunis en point de presse étaient aussi accompagnés de Naqib Sarway, un Torontois de 27 ans arrivé au pays en traversant la frontière canado-américaine par ce passage de fortune. Il a déclaré que «le combat se poursuivra».
Le ministre Fraser a toutefois signalé qu'aucune suspension de l'ETPS n'est envisagée. Il a, du même souffle, précisé qu'il ne voulait pas «suggérer» que l'accord demeurerait pour toujours «dans sa forme identique».
Dans la cause sur laquelle s'est penchée la Cour suprême, les demandeurs étaient arrivés au Canada par un poste d'entrée officiel, où le renvoi aux États-Unis se fait depuis 2004, année d'entrée en vigueur de l'ETPS.
Depuis la fin du mois de mars dernier, l'accord est appliqué de façon uniforme sur l'ensemble des 8900 kilomètres de la frontière avec les États-Unis.
Cela découle d'un accord survenu entre Washington et Ottawa modifiant l'ETPS, annoncé durant la visite du président américain Joe Biden dans la capitale canadienne.
Auparavant, ce qui était vu comme une brèche permettait à des personnes qui avaient d'abord mis les pieds aux États-Unis de tout de même demander l'asile au Canada _ et vice versa.
Elles traversaient la frontière canado-américaine entre des points d'entrée officielsterrestres, comme par le chemin Roxham, et une fois arrivées au Canada, leur demande d'asile pouvait être traitée.
Avant le modification de l'ETPS, le gouvernement du Québec a réclamé pendant des mois que le passage de fortune soit «fermé», le premier ministre François Legault répétant que la province n'avait plus la capacité de juguler l'afflux de migrants.
Au bureau de la vis-à-vis québécoise de M. Fraser, Christine Fréchette, on a signalé queQuébec était satisfait de la décision de la Cour suprême.
Avec des informations de Caroline Plante, La Presse canadienne.