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Il était âgé de 100 ans, ce qui en faisait le président américain ayant vécu le plus longtemps dans l’histoire américaine.
James Earl Carter fils, le modeste cultivateur d’arachides, humanitaire et ancien lieutenant de la marine qui a aidé le Canada à éviter une catastrophe nucléaire avant d’accéder à la plus haute fonction politique des États-Unis, est décédé à Plains en Géorgie, a annoncé le Centre Carter.
Il était âgé de 100 ans, ce qui en faisait le président américain ayant vécu le plus longtemps dans l’histoire américaine.
L'inquiétude pour la santé de M. Carter était devenue un thème récurrent ces dernières années. Il a été traité avec succès pour un cancer du cerveau en 2015, puis a subi plusieurs chutes, dont une en 2019 qui a entraîné une fracture de la hanche.
Our founder, former U.S. President Jimmy Carter, passed away this afternoon in Plains, Georgia. pic.twitter.com/aqYmcE9tXi
— The Carter Center (@CarterCenter) December 29, 2024
Toutefois, le sérieux de son état s'est précisé en février, lorsque le Centre Carter — l'organisation philanthropique que lui et sa femme Rosalynn ont fondée en 1982 — a annoncé qu'il recevrait des soins palliatifs dans sa modeste maison de trois chambres à Plains, en Géorgie.
Tandis que les idées reçues présentent son mandat unique à la Maison-Blanche comme médiocre, son adhésion sincère et pleine de foi aux activités humanitaires — ainsi que son mépris pour les pièges financiers des hautes fonctions — ont contribué à se faire aimer pendant des générations depuis qu’il a quitté la politique en 1981.
«La plus grande particularité de Jimmy Carter, c'est d'avoir eu une post-présidence plus active que sa présidence», a remarqué la professeure Karine Prémont, spécialiste de la politique américaine à l'Université Sherbrooke. Elle a cité les activités de la Fondation Carter, mais aussi l'implication de l'ex-président chez l'organisme Habitat for Humanity, qui construit des logements pour les plus démunis. En plus d'avoir été porte-parole, «il construisait lui-même, de ses mains, jusqu'à tout récemment, des maisons.»
«La phrase galvaudée a été que Jimmy Carter a été le meilleur ancien président de l’histoire des États-Unis», a rappelé Gordon Giffin, un ancien ambassadeur des États-Unis au Canada qui siège au conseil d’administration de la Fondation Carter.
Son plaidoyer incessant pour les droits de la personne, un terme popularisé par M. Carter bien avant qu’il ne fasse partie du lexique politique, a informé sa présidence. «Carter arrive, il dit qu'il souhaite que le leadership américain soit davantage pacifique (...) et que les États-Unis n'interviendront plus dans des pays tiers pour des raisons idéologiques», a expliqué la Pre Prémont. Le président a été médiateur dans les accords de Camp David, «une entente qui a rapproché Israël et l'Égypte». C'est aussi lui qui a gracié ceux qui avaient fui le pays pour éviter la conscription pour la guerre du Vietnam, leur permettant de revenir aux États-Unis, a-t-elle ajouté.
Il a consacré les ressources de la Fondation Carter à la lutte contre le ver de Guinée, un parasite qui a touché environ 3,5 millions de personnes dans le monde en développement au début des années 1980 et qui est aujourd’hui pratiquement éradiqué, avec seulement 13 cas signalés en 2022.
Il a été un champion infatigable de la fin des conflits armés et de la promotion d’élections démocratiques au lendemain de la guerre froide, sa fondation surveillant 113 votes de ce type dans 39 pays différents et offrant une expertise en résolution de conflits lorsque la démocratie recule.
«C'est une personne qui a été souvent sollicitée par d'autres présidents pour servir de médiateur dans des conflits, a expliqué la Pre Prémont. Le président Clinton a utilisé souvent avec beaucoup de succès Jimmy Carter comme médiateur, comme négociateur avec la Corée du Nord pour tenter de trouver un terrain d'entente.»
M. Carter a reçu le prix Nobel de la paix en 2002, près d’un quart de siècle après que son travail fondateur sur les accords de Camp David eut contribué à ouvrir la voie à un traité de paix entre Israël et l’Égypte en 1979, le premier du genre.
«Sa présidence a été mise de côté trop rapidement dans l’évaluation historique, et maintenant les gens la revisitent, a affirmé M. Giffin. Je pense que sa position dans l’histoire en tant que président va grandir.»
Démocrate de longue date, M. Carter a également été une sorte de pionnier en matière de relations canado-américaines, a souligné Roy Norton, un ancien diplomate qui est maintenant membre de la Balsillie School of International Affairs de l’Université de Waterloo.
«Nous avons tendance à avoir une impression positive de sa présidence dans ce pays, plus que la plupart des Américains», a indiqué M. Norton, en partie parce que sa politique de centre gauche avait tendance à résonner davantage au Canada que chez lui.
«Espérons que nos impressions très positives de sa post-présidence sont largement partagées par les Américains.»
Alors que Richard Nixon et Pierre Trudeau semblaient partager une antipathie mutuelle pendant leur mandat commun, M. Carter — qui n’a jamais visité le Canada en tant que président — s’est bien entendu avec le premier ministre.
En effet, c’est à la demande expresse de la famille Trudeau que M. Carter a assisté aux funérailles de l’ancien premier ministre en 2000, a rapporté M. Giffin.
«Le message que j’ai reçu était que la famille apprécierait que Jimmy Carter puisse venir», a dit M. Giffin, qui était à l’époque l’envoyé américain à Ottawa.
«Alors il est venu aux funérailles de M. Trudeau. Et pour moi, ça en dit long non seulement sur la relation qu’il entretenait avec M. Trudeau, mais aussi sur la relation qu’il avait dans la dynamique canado-américaine.»
C’est lors de ces funérailles à Montréal que M. Carter — «à ma grande frustration», a admis M. Giffin — a passé plus de deux heures dans une salle d’attente avec le dirigeant cubain Fidel Castro, une réunion qui a abouti à la visite de M. Carter à Cuba en 2002, le premier ancien président à faire ce voyage.
Fait intéressant, c’est bien avant que M. Carter n’entre en politique qu’il a établi un lien permanent avec le Canada — un lien forgé à la suite des conséquences radioactives de ce qui aurait autrement pu devenir la pire calamité nucléaire du pays.
M. Carter était un lieutenant de la marine américaine de 28 ans, un sous-marinier, en 1952 avec une expertise naissante dans l’énergie nucléaire lorsque lui et son équipage ont été envoyés pour aider à contrôler une fusion partielle aux laboratoires expérimentaux de Chalk River au nord-ouest d’Ottawa.
Dans son livre de 2016 «A Full Life: Reflections at Ninety», M. Carter a décrit le travail en équipe de trois, s’entraînant d’abord sur une maquette du réacteur, puis sur la vraie chose, en courtes rafales de 90 secondes pour éviter d’absorber plus de la dose maximale admissible de rayonnement.
«La limite d’absorption des radiations au début des années 1950 était environ 1000 fois plus élevée qu’elle ne l’est 60 ans plus tard», écrit-il.
«Il y avait beaucoup de blagues sur les effets de la radioactivité, principalement sur la perspective d’être stérilisés, et nous devions surveiller notre urine jusqu’à ce que tout notre corps revienne à la normale.»
Cela, M. Carter le reconnaîtra plus tard dans des entrevues, lui a pris environ six mois.
M. Carter a également entretenu une amitié durable avec l’ancien premier ministre Joe Clark, peut-être grâce à une compréhension commune du fait d’être des dirigeants politiques méconnus: le gouvernement minoritaire de M. Clark n’a duré que neuf mois après que ses progressistes-conservateurs ont vaincu les libéraux en 1979, pour être battus à leur tour l’année suivante.
Les deux hommes étaient en fonction lors du soi-disant «subterfuge canadien», une opération top secrète visant à faire sortir un groupe de diplomates américains d’Iran après la chute de l’ambassade américaine à Téhéran en 1979. Le stratagème, qui impliquait de passer le groupe en tant qu’équipe de tournage de science-fiction canadienne, a été documenté dans le film «Argo» de Ben Affleck, lauréat d’un Oscar en 2012.
«Le film qui a été réalisé, “Argo”, était très déformé. Ils ont à peine mentionné le rôle du Canada dans cet événement très héroïque et courageux», a déclaré M. Carter lors d’une table ronde, en 2017 aux côtés de M. Clark, organisée par le Conseil des affaires canadiennes-américaines.
Il a décrit les véritables événements de cette escapade comme «l’un des plus grands exemples d’une application personnelle de l’amitié nationale que je n’aie jamais connue».
À la fin, M. Carter était un homme naturellement humble et discret, a indiqué M. Giffin — une denrée rare chez n’importe quel leader mondial, encore moins chez un des États-Unis.
«Les gens sous-estiment qui est Jimmy Carter parce qu’il dirige avec son humanité», a-t-il déclaré.
«J’ai lu l’autre jour un récit qui disait que les véhicules des services secrets qui sont garés devant sa maison valent plus que la maison. Combien d’anciens présidents sont ainsi?»